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En analysant le crâne d'un enfant mort il y a 1,5 millions d'années, des préhistoriens ont découvert la plus ancienne trace d'anémie connue à ce jour. Crédits : Dominguez-Rodrigo M, Pickering TR, Diez-Martin F, Mabulla A, Musiba C, et al. (2012)
La viande aurait-elle été indispensable à l'équilibre alimentaire des premiers humains plus tôt que prévu ? C'est en tout cas ce que suggère l'analyse d'un crâne d'enfant vieux de 1.5 millions d'années, découvert dans la grotte d'Olduvaï en Tanzanie. Une banale carence en fer. C'est ce que vient de révéler l'analyse d'un fragment de crâne d'enfant, découvert dans des sédiments vieux de 1,5 millions d'années de la grotte d'Olduvaï, en Tanzanie. Anodine en apparence, cette découverte révèle pourtant un fait d'importance : nos ancêtres auraient commencé à consommer régulièrement de la viande à une période antérieure à ce qui était supposé jusqu'ici par les spécialistes de la préhistoire.

En effet, pour le préhistorien Manuel Domínguez-Rodrigo (Université Complutense de Madrid, Espagne) et ses collègues, auteurs de la découverte, le diagnostic est sans équivoque : le crâne de l'enfant, mort à l'âge de deux ans environ, montre des signes évidents d'hyperostose poreuse, un phénomène qui se caractérise par une production excessive de tissu osseux, et dont l'une des principales causes est précisément l'anémie (l'anémie est un manque de globules rouges).

Or, l'anémie est généralement imputable à des carences en fer, pour lesquels il est bien connu que la consommation régulière de viande est le meilleur remède. Par conséquent, si cet enfant souffrait de carence en fer, c'est donc très probablement que son équilibre alimentaire dépendait d'un apport régulier en viande.

Une découverte qui pourrait bien venir bousculer les convictions des préhistoriens relatives au mode de vie de nos ancêtres. En effet, s'il est avéré que les premiers humains consommaient déjà de la viande il y a 1,5 millions d'années (et même plus tôt d'ailleurs, puisque qu'une étude publiée en juin 2010 a montré que tel était le cas il y a 1,95 millions d'années déjà), rien n'indiquait jusqu'ici que cette consommation de viande était régulière.

Une consommation régulière de viande il y a 1,5 millions d'années au moins

Les conclusions issues de l'analyse de ce crâne d'enfant trouvé dans la grotte d'Olduvaï viendraient donc apporter au débat une information décisive, en suggérant qu'un apport régulier en viande était, il y a 1,5 millions d'années déjà, indispensable à l'équilibre alimentaire de nos ancêtres.

Pour parvenir à ce résultat, les auteurs de la découverte ont formulé deux hypothèses. Première hypothèse : l'enfant, mort à la période habituelle de sevrage, n'aurait pas pu être nourri avec suffisamment de viande, alors qu'il entamait donc sa diversification alimentaire. D'où des séquelles osseuses causées par des carences en fer.

Quant à la deuxième hypothèse, elle suggère que l'enfant était encore alimenté avec le lait maternel, mais que ce dernier présentait les carences en fer parce que l'alimentation de la mère elle-même ne bénéficiait pas d'un apport suffisamment régulier en viande. Avec à la clé,là encore, des répercussions sur le tissu osseux des os du crâne.

Dans les deux cas, quelle que soit l'hypothèse, le constat est donc le même : la viande jouait probablement un rôle central dans l'alimentation des humains vivant il y a 1,5 millions d'années.

Le résultat a fait l'objet d'un article intitulé "Earliest Porotic Hyperostosis on a 1.5-Million-Year-Old Hominin, Olduvai Gorge, Tanzania", publié le 3 octobre dans la revue en accès libre PlosOne.