Des chercheurs américains ont montré que "la plupart des variations génétiques liées à la dépression ont eu un effet sur le système immunitaire".

La dépression touche de plus en plus de gens. A tel point que selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), elle pourrait devenir dès 2020 la première cause de morbidité chez les femmes et la deuxième chez les hommes, juste derrière les maladies cardiovasculaires. En France, la dépression touche plus de trois millions de personnes et représente la première cause de suicide. Elle reste pourtant une maladie souvent sous-diagnostiquée dans le monde occidental, ses symptômes étant généralement mal connus de la population. Et ce n'est pas l'unique chose liée à cette maladie que les gens ignorent. Les scientifiques étudient désormais de plus en plus les liens entre le génome humain et la dépression. Et d'études en études, ils ont découvert que si la dépression est aujourd'hui "inadaptée", elle était "utile" il y a encore quelques siècles. Improbable mais vrai. Comment la dépression pouvait-elle aider nos ancêtres ? Pour trouver la réponse, il faut chercher du côté de la génétique.

Dans leur étude publiée au début de l'année The evolutionary signifiance of depression in pathogen host defense ("L'importance de l'évolution de la dépression dans la défenses des agents pathogènes"), les chercheurs Andrew Miller et Charles Raison ont montré que certains gènes qui augmentent le risque de dépression permettent aussi de renforcer les défenses immunitaires contre les infections. Les universitaires expliquent ainsi que "les allèles qui jouent un rôle dans la dépression existent et sont largement conservés dans le génome humain car ils codent pour une suite intégrée de réponses immunologiques et comportementales qui favorisent les défenses de l'hôte contre les agents pathogènes". Les chercheurs ont observé que "la plupart des variations génétiques liées à la dépression ont eu un effet sur le système immunitaire". Certains mutations du gène "NPY" sont associées à un accroissement de l'inflammation, c'est-à-dire d'une réaction de défense immunitaire stéréotypée du corps à une agression. Au début du siècle, les versions mutées du gène permettaient donc aux hommes de lutter contre des infections telles que les pneumonies ou encore la tuberculose. Or des chercheurs ont montré que les dépressifs avaient plus de chances de posséder le gène muté "NPY".

Mais ce n'est pas tout. Les deux scientifiques estiment que certains symptômes de la maladie, comme la réclusion ou encore le manque d'énergie, représentaient aussi un avantage pour nos ancêtres. Le manque d'énergie aurait en effet permis au corps d'utiliser toute l'énergie économisée à ne rien faire pour lutter contre une infection. De même, la réclusion et donc la baisse d'interactions sociales permettrait de minimiser les risques d'être infecté par d'autres personnes. Ce qui poussent les chercheurs à affirmer que les "symptômes de la dépression sont inextricablement liés mais aussi générés par les réponses physiologiques à l'infection".

Tous les chercheurs ne partagent toutefois pas les idées des deux scientifiques. En 2003, une étude réalisée par des spécialistes de l'université du Wisconsin à Madison, révélait en effet que les personnes atteintes de dépression étaient plus vulnérables aux maladies physiques comme la grippe. Andrew Miller et Charles Raison nuancent d'ailleurs eux-mêmes leurs propres recherches, expliquant notamment que les dépressifs n'ont pas systématiquement des marqueurs plus élevés d'inflation. Et si des traitements biologiques pour moduler l'immunologie de patients souffrant de dépression pourraient être efficaces, ils ne le seraient probablement pas tous. Il reste donc encore beaucoup de travail à faire pour comprendre les tenants et aboutissants de cette maladie.