Walter Willett, nutritionist
© SMWalter Willett, le nutritionniste le plus cité internationalement

Deux spécialistes soulignent la nécessité d'étudier les habitudes dès l'enfance.


L'alimentation est impliquée dans 30 à 35 % des cancers. Ça, les chercheurs en sont à peu près sûrs. Mais ils ont beaucoup de mal à identifier quels sont les aliments impliqués et par quels mécanismes ces aliments augmentent ou diminuent les risques de cancer. Et même, alors que dans les années 90, les chercheurs avaient des certitudes - par exemple, la viande rouge cuite à haute température est cancérigène ou consommer beaucoup de fruits et légumes réduit le cancer - « l'histoire s'obscurcit depuis le début du XXIe siècle », estiment deux des plus grands spécialistes de ces questions, Walter Willett et John Potter, qui ont reçu hier à Lyon la médaille d'honneur du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC).

Après la mise en évidence du rôle de l'alimentation dans l'incidence du cancer du sein chez les femmes migrantes, « la forte corrélation avec la graisse est devenue presque un cliché », explique Walter Willett. Cependant, malgré le suivi de dizaines de milliers de femmes, il n'est pas ressorti que la consommation de graisse à l'âge adulte augmentait le risque de cancer du sein. Alors que l'obésité, elle, est mise en évidence dans la hausse du risque de nombreux cancers. Et que perdre 10 kg - sans les reprendre - permet aux femmes en surpoids ménopausées de faire baisser leur risque d'avoir un cancer du sein.

Il reste beaucoup à apprendre de l'alimentation

De même, s'il a été bien établi que la consommation de fruits et légumes permettait de réduire significativement les risques de maladies cardiovasculaires, aucune « relation forte » n'a pu être établie pour le cancer colorectal. La prise de folates - présents notamment dans les légumes à feuilles vertes - permet bien de prévenir les cancers du colon... sauf chez les personnes ayant tendance à avoir des polypes. Et puis, il faut attendre au moins 12 ans avant de voir les effets bénéfiques chez les autres.

Si « tout cela est très décevant pour trouver un régime alimentaire », sourit John Potter, cela montre aussi la nécessité de suivre non seulement des dizaines de milliers de sujets, mais aussi de les suivre sur des dizaines d'années. Voire une vie. « Nous avons encore beaucoup à apprendre notamment sur l'alimentation de l'enfance », explique Walter Willett. L'une de ses études tend à montrer que la consommation importante de viande rouge à l'adolescence expose à une sensibilité au cancer du sein avant la ménopause. Pour John Potter, cette période est aussi sans doute cruciale et l'étude des transformations de la puberté pourrait permettre de mieux comprendre les mécanismes du cancer.