Sri Lanka rice field
© GoogleRizière au Sri Lanka

L'Histoire du Monde nous emmène au Sri Lanka où des milliers d'habitants de régions rurales sont frappés par mystérieuse maladie des reins incurable. Une étude met en cause les pesticides et autres angrais pulvérisés sur les champs. Robin Cornet.

Des grappes de villages entourées de champs. Les rizières et les bananeraies forment des mosaïques dans les plaines. C'est une région agricole. Mais la Province du Centre-Nord est frappée d'un mal étrange. Un premier cas a été enregistré il y a vingt ans à l'hôpital d'Anuradhapura. Une maladie rénale spécifique, mortelle et contre laquelle il n'existe pas de traitement. Aujourd'hui elle affecte 15 % de la population de la province.

Sampath Kumarasinghe n'a que 21 ans. Dans cette chaleur tropicale, il porte un pull et un bonnet de laine. C'est un petit cultivateur de riz. Mais il n'a plus la force de travailler dans ses rizières, confie-t-il à un reporter de la BBC. Il survit grâce à des dialyses et espère bénéficier d'une greffe des reins. Les siens ne filtrent plus efficacement son sang. Mais la liste des demandeurs d'organes est longue. Ses soins médicaux sont gratuits au Sri Lanka. C'est déjà ça.

Pas d'hypertension, pas de diabète... les victimes ne présentent souvent pas les prédispositions habituelles pour des maladies rénales. Alors, que se passe-t-il dans cette région ? L'Organisation Mondiale de la santé y a envoyé ses experts. Prises de sang, prélèvements divers, analyses... L'eau, l'air, les produits alimentaires... tout a été envoyé dans des laboratoires. Résultat : des niveaux anormalement élevés d'arsenic et de cadmium, dans le sang, la nourriture et l'air. Pas énorme. Pas au-delà du seuil de dangerosité. Mais à y être constamment exposés, les paysans finissent par affecter leur santé.

Arsenic et cadmium. Le premier est présent dans les pesticides. Le second dans les engrais. Des produits chimiques agricoles souvent importés de Chine, peu contrôlés et bon marché. Ils sont très utilisés au Sri Lanka. L'industrie, bien sûr, s'est immédiatement employée à décrédibiliser l'étude : pas assez rigoureuse, pas validée par une revue scientifique à comité de lecture.

Interrogé sur Al Jazeera, le ministre de l'agriculture dit que les conclusions de l'étude ne sont pas formelles et qu'il est difficile pour le gouvernement de prendre des mesures fermes contre les pesticides. Nourrir la population, c'est aussi un enjeu. Mais d'autres régions agricoles sont frappées par des maladies semblables : Nicaragua, Guatemala, Costa Rica... et là aussi, les produits chimiques sont pointés du doigt.

Les fermiers ne sont souvent pas au courant des conclusions de l'étude. Ils épandent les produits sur les rizières à l'aide de pulvérisateurs et parfois sans protection. Ceux qui ont conscience du danger disent ne pas pouvoir s'en passer. Ce serait risquer de compromettre les récoltes, leur unique source de revenus.