L'espèce humaine n'a ni le cerveau de plus grande taille, ni celui qui obtient la meilleure note, mais elle est très bien placée sur ces deux plans. On sait à quel point notre cerveau est « anormalement » performant. Seulement, cela a un coût... énergétique ! Est-ce que cela allait de soit ? Notre cerveau consomme beaucoup d'énergie (environ 20 % de la totalité pour un adulte ; pour un jeune enfant, c'est bien plus). Il y a donc intérêt à ce qu'il serve à quelque chose d'utile à notre survie et reproduction.

Une différence importante entre nous et les animaux est que nous mangeons surtout de la nourriture cuite. Les autres primates doivent passer environ 9h00 par jour à en manger afin de soutenir tous les besoins de leur corps. C'est bien trop. En fait, nos neurones en « extra » par rapport aux autres espèces peuvent s'expliquer très probablement par notre maîtrise du feu.

Les cerveaux des primates ont une consommation moitié moindre. Notre cerveau a par contre environ 86 milliards de neurones contre 33 millions pour les gorilles et 28 pour les chimpanzés. C'est le primatologue Richard Wrangham qui, à la fin des années 1990, a proposé que notre cerveau ait connu un début d'expansion il y a 1,6 à 1,8 million d'années. C'était l'époque de l'Homo Erectus. Curieusement, c'est à peu près à ce moment-là que cet hominidé a commencé à cuire les aliments.

Les aliments cuits sont bien plus faciles à digérer : nos intestins absorbent alors les nutriments plus facilement et rapidement (et le processus consomme moins d'énergie par ailleurs). Des expériences ont montré que des animaux (rongeurs ou serpents) grandissent davantage et plus rapidement lorsqu'ils mangent de la nourriture cuite. Vous l'avez compris : un autre primate que nous (chimpanzé par exemple) ne peut pas faire grossir son cerveau sans avoir à manger et digérer bien plus (ou alors il réduirait sa taille).

Si l'on commence à comprendre l'importance de la cuisson sur notre métabolisme et notre biologie, on ne peut être certain que la réponse à la question sur la taille actuelle de notre cerveau (nombre de neurones surtout) puisse être attribuée à un seul facteur. En attendant, tant qu'un autre primate ne commence pas à cuire ses aliments, on ne doit pas trop craindre une « planète des singes »...

Pour aller plus loin: Karina Fonseca-Azevedo, Suzana Herculano-Houzel Metabolic constraint imposes tradeoff between body size and number of brain neurons in human evolution PNAS 2012 ; published ahead of print October 22, 2012, doi:10.1073/pnas.1206390109