La tempête qui fait rage sur la côte Est des Etats-Unis s'invite dans la campagne électorale. Favorable à la disparition de l'agence fédérale de gestion des crises, Mitt Romney doit désormais se justifier, alors que le bilan matériel et humain de la catastrophe ne cesse de s'alourdir.

La plupart des Américains n'ont jamais entendu parler du Centre national de coordination des urgences (NRCC), mais ils ont de la chance que cet organisme existe les jours où les vents soufflent et où les eaux montent dangereusement. Ce centre est la cellule de crise de la Federal Emergency Management Agency [FEMA, agence fédérale de gestion des crises], dont les responsables se rassemblent pour décider dans quelles zones envoyer des équipes de secours, des livraisons d'eau potable ou de la manière d'aider les hôpitaux qui doivent être évacués.

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© BurkiDessin de Burki, Suisse
La coordination nationale des urgences est l'une des fonctions essentielles du « big government », le gouvernement fédéral, et c'est pour cela que le candidat républicain Mitt Romney veut la supprimer. A la fin de l'année dernière, lors d'un débat entre candidats aux primaires républicaines, Romney a été interrogé sur l'opportunité de rendre la gestion des catastrophes aux gouvernements des Etats. Il ne s'est pas contenté d'acquiescer. « Absolument, a-t-il répondu. Toutes les occasions de retirer quelque chose au gouvernement fédéral pour le rendre aux Etats sont bonnes. Et si vous pouvez aller plus loin et le confier au secteur privé, c'est encore mieux ». Mitt Romney ne croit pas seulement que chaque Etat agissant indépendamment serait plus compétent que Washington pour affronter une puissante tempête balayant la côte Est, il pense que des entreprises privées seraient encore plus efficaces. Pour lui, il est « immoral » que le gouvernement se charge de tout cela si cela fait augmenter la dette publique.

Donner des compétences aux Etats ou les transférer au secteur privé

Cette idée est complètement absurde mais elle est la conséquence directe de décennies d'opposition républicaine à la gestion fédérale des catastrophes. Créée par Jimmy Carter, la FEMA est entrée dans l'appareil gouvernemental sous Clinton avant d'être rétrogradée par le président George W. Bush, qui l'a mise sous tutelle du ministère de la Sécurité intérieure et l'a placée entre les mains de sinistres clampins. Dès lors, le désastre qui a suivi le passage de l'ouragan Katrina [en août 2005] était inévitable.

L'agence a été remise en état de marche sous Obama, mais les républicains, aveuglés par leur idéologie, continuent de lui dénier toute valeur. Nombre d'entre eux n'aiment pas l'idée de distribuer de l'aide gratuite à des pauvres, ou pensent que les gens doivent payer le prix de leurs mauvaises décisions (parmi lesquelles figure cette semaine l'idée de s'installer sur la côte est des Etats-Unis).

Budget en baisse de 43 % en deux ans

Au cours des deux dernières années, les membres républicains du Congrès ont réduit le budget de la FEMA de 43 %. Plusieurs députés républicains, comme Paul Ryan [le colistier de Mitt Romney] et Eric Cantor, ont tenté à plusieurs reprises de rejeter les demandes de financement de la FEMA consécutives à une réévalution à la hausse de dégâts ou ont exigé des coupes budgétaires sur d'autres programmes importants en guise de compensation. Le projet de budget de Paul Ryan, que Mitt Romney a qualifié d'« excellent travail », se traduirait par d'importantes réductions budgétaires pour la FEMA, tout comme le dispositif de « mise sous séquestre » proposé par les républicains [programme de réductions budgétaires automatiques dans le cadre de la loi sur le contrôle du budget] réduirait le fonds d'aide aux sinistrés de 8,2 % en plus des diminutions précédentes.

Mitt Romney croit-il vraiment que des Etats déficitaires seraient plus efficaces qu'une agence fédérale en état de marche ? Qui déciderait de la répartition de l'aide fédérale ? Ou bien, peut-être faudrait-il supprimer cette aide fédérale et laisser chaque Etat supporter le poids de milliards de dollars de dégâts ? Les propos du candidat républicain ayant refait surface cette semaine, son équipe de campagne s'est empressée de dire que Mitt Romney ne souhaitait pas la disparition de la FEMA, même s'il reste d'avis que les catastrophes devraient être gérées à l'échelon régional. Les Américains qui se trouvent sur le parcours de la tempête Sandy ont de la chance que cette idéologie n'ait, pour l'instant, pas remplacé une politique cohérente.