Traduit par VD pour LGS

Ce matin, dans l'émission Morning Joe sur la chaîne MSNBC, qui portait sur le dernier débat présidentiel (entre Obama et Romney - NdT), l'ancien parlementaire de droite et invité du jour Joe Scarborough s'est lancé dans une critique virulente des assassinats d'innocents par des drones actuellement menés par le Président Obama. En réaction, Joe Klein du magazine Time, et fervent supporter d'Obama, a rétorqué par l'argument le plus ouvertement psychopathe qu'on n'ait jamais entendu sur ce sujet. L'échange, qui commence à la 7ème minute de la vidéo ci-dessous, est très révélateur à plusieurs égards.

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Voici les extraits les plus significatifs de cet échange provoqué lorsqu'un invité, Mike Barnicle, s'étonne du peu d'attention et de débats soulevés dans l'opinion publique par le fait qu'Obama se permette de tuer qui il veut « sans autre forme de procès ».
SCARBOROUGH : « Ce que nous faisons avec les drones est étonnant : le fait qu'au cours des huit années du mandat de Bush - lorsque beaucoup de gens posaient des questions légitimes quant au droit international - - Mon Dieu, tout ça a été balayé par notre politique de recours aux drones qui dit ceci : si vous avez entre 17 et 30 ans et que vous vous trouvez dans un rayon d'un kilomètre autour d'un suspect, nous pouvons vous faire sauter, et c'est exactement ce qui se passe... Les opérations visent les méchants mais sans le moindre égard pour ceux qui les entourent et qui se font tuer par la même occasion... C'est quelque chose qui posera problème dans les années à venir...

KLEIN : « Je ne suis pas du tout d'accord... cette politique a été remarquablement efficace » -

SCARBOROUGH : « pour tuer des gens »

KLEIN : « pour décimer des méchants, beaucoup de méchants - et sauver des vies américaines aussi, parce que nos troupes n'ont plus à intervenir... On n'a plus besoin de pilotes parce que ça se fait à coups de manettes depuis la Californie. »

SCARBOROUGH : « Mais moi ça me choque. Parce que ça se fait à coups de manettes depuis la Californie - c'est tellement aseptisé - ça paraît tellement propre - et pourtant à l'autre bout vous avez des fillettes de 4 ans qui se font exploser parce que nous avons une politique qui dit « vous savez quoi ? Au lieu d'aller sur le terrain et de prendre des risques pour aller chercher les terroristes cachés dans une banlieue de Karachi, nous allons nous contenter de faire exploser tous ceux qui les entourent. »

« C'est ça qui me dérange... Nous n'emprisonnons plus les gens : nous les tuons, et nous tuons tous ceux qui les entourent... Je déteste parler comme un militant de Code Pink (organisation progressiste anti-guerre - NdT). Je vous dis que ces - ouvrez les guillemets - « dommages collatéraux » paraissent tellement proprets avec une manette en Californie - tout ça va nous attirer des ennuis. »

KLEIN : « Si c'est mal employé, et il y a un véritable risque d'abus si vous n'avez pas les bonnes personnes au gouvernement. Mais la véritable question est celle-ci - à qui est l'enfant de 4 ans qui est tué ? Ce que nous faisons c'est de limiter la possibilité que des enfants de 4 ans se fassent tuer ici par des actes de terrorisme aveugle. »
Il y a plusieurs points qui méritent d'être soulignés dans cet échange :

1) la justification avancée par Klein - nous devons tuer leurs enfants pour protéger les nôtres - est exactement la même que celle avancée par tous ceux que les Etats-Unis qualifient de « terroristes ». Pratiquement tous ceux qui ont été emprisonnés et poursuivis pour terrorisme au cours des dix dernières, lorsqu'on leur a demandé pourquoi ils voulaient tuer des américains innocents, y compris des enfants, ont répondu par des arguments similaires à ceux de Klein.

Voici, par exemple, ce que le pakistano-américain Faisal Shazad a répondu après avoir plaidé coupable pour une tentative d'attentat sur Times Square, à une question énervée posée par le juge fédéral qui demandait comme pouvait-il accepter de tuer des enfants innocents.
« Eh bien, les drones qui frappent en Afghanistan et en Irak ne voient pas les enfants, ils ne voient personne. Ils tuent des femmes, des enfants, ils tuent tout le monde. C'est une guerre, et dans une guerre, ils tuent. Ils tuent tous les Musulmans...

« Je fais partie de la réponse à la terreur imposée par les Etats-Unis aux nations musulmanes et au peuple musulman. Et, à ce titre, j'exerce une vengeance. Vivant aux Etats-Unis, les Américains ne se préoccupent que de leur propre peuple, et se fichent des peuples qui meurent ailleurs. »
La mentalité de Faisal Shazad et Joe Klein sont totalement identiques et rien ne les distingue : nous avons le droit de tuer à l'aveuglette y compris vos enfants innocents parce qu'ainsi nous vous empêchons de tuer les nôtres.

Et voici ce que Obama Ben Laden disait sur ce même sujet :
« L'appel à la guerre contre l'Amérique a été lancée parce que l'Amérique a mené la croisade contre la nation de l'Islam, en envoyant des dizaines de milliers de troupes dans la terre de deux mosquées sacrées, en plus de ses ingérences dans ses affaires et sa politique, et de son soutien aux régimes oppresseurs, corrompus et tyranniques qu'elle contrôle. Voilà les raisons pour lesquelles l'Amérique est visée...

« De plus, le terrorisme peut être louable ou condamnable. Terrifier et terroriser un innocent est condamnable et injuste, de même que terroriser un peuple. Mais terroriser les oppresseurs, les criminels et les voleurs est nécessaire pour la sécurité des gens et la protection de leurs biens...

« Le terrorisme que nous exerçons est louable car il vise les tyrans et les agresseurs et les ennemis d'Allah, les tyrans, les traîtres qui trahissent leur propre pays et leur propre foi et leur propre prophète et leur propre nation. Les terroriser et les punir sont des mesures nécessaires pour corriger les injustices...

« Il ne suffit pas qu'ils expriment leur douleur lorsqu'un de nos enfants est tué par un raid israélien lancé par un avion américain, et cela ne sert pas nos intérêts. Ce qu'ils devraient faire, c'est changer leurs gouvernements qui attaquent nos pays. L'hostilité que l'Amérique continue d'exprimer envers les Musulmans a provoqué une montée de l'animosité des Musulmans envers l'Amérique et envers l'Occident en général. Ces sentiments d'animosité ont produit un changement dans le comportement de certains groupes écrasés et soumis qui, au lieu de combattre les Américains à l'intérieur des pays musulmans, sont partis les combattre aux Etats-Unis même. »
Lorsqu'il s'agit de justifier l'assassinat de civils, la seule différence entre le monde de Joe Klein et celui de Ben Laden est qu'ils sont dans des camps opposés. Si on voulait vraiment les distinguer, on pourrait dire que la violence et l'agression exercée par les Etats-Unis envers le monde musulman dépasse de très loin - très loin - la violence et l'agression exercée par le monde musulman envers les Etats-Unis. C'est un fait.

(2) En laissant de côté la défense psychopathe et moralement grotesque de tuer des enfants de 4 ans avec « une manette en Californie », les affirmations de Klein, d'un point de vue pragmatique, sont totalement fausses. Le massacre d'enfants musulmans ne protège pas les enfants américains du terrorisme. Le contraire est vrai. Et c'est précisément ça avant tout qui attise la haine anti-américaine qui alimente et entretient le terrorisme contre les Américains, chose que même une étude commandée par le Pentagone sous Rumsfeld a reconnu il y a presque dix ans.

La raison pour laquelle des enfants américains sont en danger - dans la mesure très peu probable où ils le sont - est précisément que les hommes de pouvoir au sein du gouvernement et des médias US pensent comme Joe Klein. Les partisans enthousiastes de tueries aveugles, comme Joe Klein - qui un jour a déclaré à la télévision que les Etats-Unis devaient se réserver le droit de déclencher la première frappe nucléaire contre l'Iran pour arrêter leur programme nucléaire, faisant dire à George Stenanopoulos qu'une telle déclaration était « démente » - sont la cause du danger terroriste couru par les Américains, pas la solution.

Si vous voulez comprendre pourquoi le désir de violence contre les Etats-Unis est si répandu, observez le visage de Joe Klein et écoutez ses paroles. Chaque musulman impliqué un jour dans un acte de violence contre les Etats-Unis pourra vous l'expliquer.

(3) Cet échange est une illustration parfaite de l'héritage d'Obama. Ici nous avons un partisan Démocrate/progressiste classique qui est l'un des plus fervents partisans d'Obama dans les médias en train de défendre le massacre aveugle d'enfants musulmans. Et c'est à un ancien parlementaire de droite de l'époque Gingrich (chef de file parlementaire très à droite - NdT) qu'incombe la tâche de soulever des objections, d'appeler à plus de contrôle par le public et d'invoquer les dangers éthiques et stratégiques, un des très rares commentateurs sur MSNBC - la chaîne progressiste - qui ait jamais exprimé une critique aussi virulente du programme d'assassinats d'Obama.

Obama a entraîné toutes sortes de progressistes et autres Démocrates à devenir les soutiens les plus vociférants des agressions effrénées, assassinats secrets, et l'« estropie » du peuple iranien par le biais de sanctions. Il n'est donc pas étonnant que la défense la plus psychopathe des drones vienne des plus fervents partisans d'Obama, et qu'il incombe désormais à un ancien parlementaire Républicain de soulever des objections. Si nous avons hérité de quelque chose d'Obama, c'est bien ça.

(4) Une des principales raisons du caractère destructif d'une guerre - particulièrement une guerre prolongée - n'est pas seulement les morts qu'elle provoque dans la population visée, mais aussi qu'elle détruit radicalement l'esprit de ceux qui la mènent. C'est ce qui permet à une des pontes les plus célèbres d'Amérique de passer sur une grande chaîne de télévision et de justifier froidement et sans sourciller l'assassinat d'enfants de 4 ans et sans manifester ne serait-ce qu'un intérêt de pure forme sur le caractère hideux d'une telle tragédie, le tout sans pratiquement soulever la moindre vague. Joe Klein est non seulement le visage de l'héritage d'Obama, mais aussi celui de la culture politique dominante aux Etats-Unis.