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L'antiviral vedette du groupe pharmaceutique Roche n'a pas fait la preuve de son efficacité, d'après l'une des plus prestigieuses publications médicales internationales.

Le British Medical Journal, l'une des plus prestigieuses revues médicales au monde, demande au laboratoire Roche de publier l'intégralité de ses tests sur le Tamiflu, pour prouver définitivement l'efficacité de ce médicament antiviral. Le Tamiflu avait défrayé la chronique lors de l'épidémie de grippe porcine en 2009, quand des pays comme la France avaient dépensé des milliards d'euros pour en acheter des millions de doses, afin de répondre à une éventuelle explosion de la pandémie.

Lundi, Peter Gotzsche, le directeur du Nordic Cochrane Center de Copenhague qui collabore avec le BMJ pour demander plus de transparence aux laboratoires Roche, a estimé que les pays européens qui avaient fait des stocks de Tamiflu en 2009 devraient attaquer Roche en justice pour être remboursés de leurs achats. «Je suggère que l'on boycotte le produit de Roche tant qu'ils n'ont pas rendu publiques toutes les données sur le Tamiflu», a-t-il déclaré.

D'après BMJ et la Cochrane Collaboration, Roche n'a pas publié les données complètes liées à 15 études cliniques menées sur le Tamiflu. Le laboratoire a répondu à la revue britannique avec une lettre assez sèche, affirmant que «Roche n'acceptait pas le contenu de la lettre qui concernait la transparence» de l'entreprise et avait répondu à toutes les exigences réglementaires.

«Pas d'essai clinique réalisé dans les règles»

Le conflit entre Roche et le BMJ n'est pas nouveau. A la suite de l'épidémie de grippe A en 2009 et d'une enquête demandée par les parlementaires britanniques après les dépenses énormes du gouvernement pour faire des stocks de Tamiflu, le journal avait déjà demandé à Roche de prouver que l'antiviral pouvait réduire le nombre de complications en cas de grippe sévère.

Les essais cliniques du Tamiflu avaient en effet été réalisés pour la grippe saisonnière banale, pour laquelle il ne permet d'ailleurs de réduire les symptômes que de 24 heures.

Le professeur Bruno Lina, directeur du Centre national de référence de la grippe, reconnaît qu'il «n'existe pas d'essai clinique réalisé dans les règles qui permet de prouver l'efficacité du Tamiflu contre les cas de grippes sévères», mais qu'en revanche, «de nombreuses conclusions observationnelles montraient qu'il semblait réduire le nombre de morts dans les pays qui l'ont utilisé. En 2009, le Japon, qui a utilisé massivement le Tamiflu est aussi celui qui a eu le taux de mortalité le plus faible à cause de la grippe A.»

Le groupe pharmaceutique suisse Roche est aussi dans le collimateur de l'Agence européenne du médicament, qui l'accuse de ne pas avoir transmis aux autorités sanitaires les données de plus de 100.000 dossiers de patients, pour 19 produits, dont le Tamiflu.