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Publiant ses travaux le 16 novembre dans Science, une équipe internationale de préhistoriens a montré expérimentalement que des pierres taillées vieilles d'un demi-million d'années découvertes en Afrique du Sud sont des pointes jadis emmanchées sur les hampes d'armes de chasse préhistoriques.

Si les chercheurs ont percé bon nombre des secrets de nos ancêtres, on est encore loin de tout savoir sur eux. C'est ce que suggère une nouvelle étude menée par des chercheurs de l'Arizona State University, de l'Université de Toronto (Canada) et de l'Université du Cap (Afrique du Sud). Publiée dans la revue Science, celle-ci porte sur des artéfacts en pierre collectés lors d'une campagne de fouilles entre 1979 et 1982 sur le site sud-africain de Kathu Pan 1.

Bien qu'ils aient été découverts depuis longtemps, ceux-ci n'avaient pas pu faire l'objet d'une véritable datation, du moins jusqu'en 2010 où les chercheurs en ont effectué une sur les dépôts du site. Selon les résultats obtenus, les fameux artéfacts seraient âgés d'environ 500 000 ans. Mais là n'est pas le plus intéressant. En effet, les spécialistes se sont attachés à lancer des projectiles reconstitués 'à l'ancienne' sur la carcasse d'une antilope, puis à comparer les traces d'impact ainsi laissées sur les pointes de ces armes expérimentales avec celles observables sur les anciennes pointes sud-africaines. Verdict : ces dernières étaient bien des pointes de sagaies ou de lances.

Ceci fait remonter les techniques de l'emmanchement (fixer une pointe à une hampe) et de la chasse au lancer à -500.000 ans, soit près de 200.000 ans plus tôt que ce qui était connu. "Lorsque [ce genre de] pointe est utilisé comme pointe de lance, il y a beaucoup de dégâts qui apparaissent à l'extrémité, et des 'fractures' de forme distinctive. Les dégâts sur ces anciennes pointes en pierre sont remarquablement semblables à ceux produits avec notre matériel d'expérience calibré, et nous avons démontré qu'ils ne peuvent être facilement créés par d'autres processus", a expliqué Kyle Brown, de l'Université du Cap, co-auteur de l'étude.

Une meilleure compréhension des ancêtres de l'homme

Ces pointes de pierre travaillées pour pouvoir être attachées à l'extrémité d'une lance sont communes sur des sites archéologiques remontant jusqu'à 300.000 ans, ont relevé les chercheurs. On sait désormais qu'elles étaient déjà utilisées durant la période de l'Homo heidelbergensis - dernier ancêtre commun de l'homme moderne, l'Homo sapiens, et de son cousin aujourd'hui éteint, l'homme de Néandertal, expliquent-ils.

"Bien que les Néandertaliens et les Homo sapiens utilisaient des pointes de lance en pierre, cette découverte est la première indication que cette technologie remonte à la période où ces deux espèces ont divergé", note Jayne Wilkins, du département d'anthropologie de l'Université de Toronto au Canada, principal auteur de ces travaux.

"Cette découverte bouleverse notre compréhension des adaptations des premiers ancêtres de l'homme moderne avant même l'émergence de ce dernier", a t-elle ajouté citée par l'AFP. Ainsi, "il semblerait que les traits que nous attribuions à l'homme moderne et à ses plus proches cousins éteints, remontent plus loin dans notre lignée", a conclu l'anthropologue.