Les insomnies chroniques sont insuffisamment prévenues et trop peu prises en charge dans notre pays.

Man in bed
© Superstock/SIPALes insomnies sont plus fréquentes chez les personnes mariées, pacsées ou vivant en concubinage que chez celles divorcées, séparées ou veuves.
Les Français dorment mal, c'est sûr. Entre 25 et 30 % des habitants de l'Hexagone souffriraient d'insomnie, et environ 20 % de somnolence excessive (le plus souvent en raison d'une apnée, d'un trouble respiratoire du sommeil ou de privations volontaires). Mais il est difficile de quantifier exactement la proportion de personnes sévèrement atteintes en l'absence de critères précis permettant de définir les insomniaques sévères. Dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) consacré aux troubles du sommeil en France et publié mardi matin, le Pr Maurice Ohayon (directeur du Stanford Sleep Epidemiology Research Center, à l'université de Stanford) se déclare assez optimiste quant à la qualité des dernières études. C'est important, car plus le « profil » des mauvais dormeurs sera établi avec précision, plus ceux qui en ont vraiment besoin pourront bénéficier d'un traitement pharmacologique et/ou comportemental adapté.

Le temps de sommeil moyen des 15-85 ans est de 7 heures 13, plus élevé pour les femmes que pour les hommes (7 heures 18 contre 7 heures 7), tandis que 15,8 % des 15-85 ans présentent une insomnie chronique (19,3 % des femmes et 11,9 % des hommes). Ces résultats émanent du Baromètre santé 2010. Pour les obtenir, une équipe de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, de l'Inserm et de l'Institut national du sommeil et de la vigilance a interrogé plus de 27 500 individus de 15 à 85 ans sur leurs comportements de santé, en particulier sur leur rapport au sommeil. Selon ces chercheurs, la part d'insomnie chronique est stable avec l'âge parmi les femmes, tandis qu'elle augmente chez les hommes, de 3 % à 15-19 ans à 18 % à 45-54 ans, avant de diminuer à 8 % au-delà de 65 ans. Elle est par ailleurs liée à des situations de précarité, à certains évènements de vie difficiles.

Horloge biologique

Toujours selon ces scientifiques, la qualité et la quantité du sommeil sont très dépendantes de la bonne synchronisation de l'horloge biologique avec les horaires de coucher et de lever. Cette synchronisation est fréquemment perturbée chez les jeunes adultes (qui ont tendance à retarder leurs horaires de coucher), chez les personnes âgées (qui ont tendance à les avancer), ou encore chez les travailleurs de nuit, chez ceux qui subissent des décalages horaires. C'est également le cas chez la majorité des adultes qui décalent leurs horaires de coucher et de lever d'au moins une heure le week-end. En d'autres termes, la fête et la « grasse mat »" de la fin de semaine sont meilleures pour le moral que pour la santé.

Une autre étude, réalisée cette fois par autoquestionnaire auprès de plus de 12 500 individus de 16 ans et plus, confirme qu'une personne sur cinq présente des symptômes d'insomnie chronique accompagnés de perturbations diurnes (fatigue ou somnolence excessive). Moins d'un tiers des insomniaques chroniques avaient déjà consulté spécifiquement pour leur sommeil. Et pourtant, un sur cinq en moyenne et près d'un sur deux après 75 ans déclaraient prendre de façon habituelle des médicaments pour dormir. Il s'agissait le plus souvent de benzodiazépines ou de médicaments apparentés, alors que la consommation de ces thérapeutiques est déconseillée au long cours, ce qui amène les auteurs à conclure que l'insomnie chronique en France est insuffisamment prise en charge.