Pour réduire la propagation des nappes de pétrole après une marée noire, la méthode habituelle consiste à répandre un composé chimique pour disperser le polluant. Mais une étude, centrée sur l'accident de Deepwater Horizon au Mexique, vient de montrer que l'association d'un dispersant et du pétrole était... 52 fois plus toxique que le pétrole seul.

La plateforme pétrolière Deepwater Horizon, située à 68 km des côtes de Louisiane, a explosé en avril 2010, déversant 4,9 millions de barils de pétrole dans le Golfe du Mexique. L'embrasement de la base de la société britannique BP est catalogué comme la plus importante catastrophe écologique américaine. Le 15 novembre 2012, l'entreprise a annoncé qu'elle paierait l'amende record de 4,5 milliards de dollars aux autorités américaines. Cette tragédie écologique n'a pourtant pas fini de faire parler d'elle. Une étude vient de révéler que le nettoyage des nappes aurait grandement augmenté la toxicité de l'événement.

En cas de marée noire, il est courant d'épandre des dispersants. Ces produits liquides mettent en suspension les particules de pétrole. Le polluant se dissémine ainsi plus rapidement et sa dégradation dans le milieu naturel est facilitée. Cependant, une étude menée par le Georgia Institute of Technology (États-Unis) et l'Universidad Autonoma d'Aguascalientes (UAA, Mexique) montre que l'association du dispersant et du pétrole conduit à une mixture très toxique.

Laisser le pétrole se répandre naturellement, sans dispersant ?

Des tests comparatifs ont été réalisés en laboratoire. Les effets du pétrole d'une part et de la mixture dispersant-pétrole d'autre part ont été évalués sur les rotifères. Ces petits organismes planctoniques, à la base de la chaîne alimentaire, sont souvent étudiés par les écotoxicologues. Très sensibles aux substances toxiques, ils répondent rapidement à la perturbation de leur milieu. Les tests effectués sur cet organisme du zooplancton montrent que leur mortalité est sensiblement plus importante au contact de la mixture que du pétrole seul. Les résultats ont été publiés en ligne dans la revue Environmental Pollution.

Le dispersant en question est le Corexit 9500A. Son utilisation, préconisée par l'Agence américaine de protection de l'environnement (EPA), est très courante. La toxicité du mélange pétrole-Corexit est 52 fois supérieure à celle du pétrole seul. En plus de provoquer la mort d'une grande partie des rotifères, le produit réduit de 50 % l'éclosion des œufs. C'est toute la chaîne alimentaire qui est touchée. En effet, au printemps, les rotifères sortent de leurs œufs enfouis dans les sédiments, se développent et se reproduisent dans la colonne d'eau. Ils deviennent aussi de la nourriture pour les larves de poissons, de crevettes ou de crabes.

Cette étude soulève de grandes questions sur la gestion des catastrophes écologiques. Pour Roberto Rico-Martínez, premier auteur de la publication, « les dispersants sont utilisés pour aider à nettoyer les déversements de pétrole et sont largement utilisés en cas de catastrophe. Nous avons une mauvaise compréhension de leur toxicité. » La nocivité de ce type de pollution pourrait bien avoir été sous-estimée, et ce pour toutes les catastrophes, comme la marée noire du Prestige. « Reste à savoir si les avantages de la dispersion du pétrole à l'aide du Corexit sont compensés par l'augmentation substantielle de la toxicité du mélange. »

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