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Dans les grottes préhistoriques de Valltorta, les peintures rupestres sont situées dans les lieux bénéficiant de la meilleure résonance acoustique. Crédits : Province de Castellón / Turespaña
Dans les grottes préhistoriques de Valltorta (Espagne), les peintures rupestres sont systématiquement situées dans les lieux les plus sonores. Confortant des travaux précédemment menés dans d'autres sites préhistoriques, ce résultat suggère que des rituels se déroulaient devant ces peintures.

Les emplacements des peintures rupestres ont-ils été choisis en fonction de leurs propriétés acoustiques ? C'est en tout cas ce qui ressort d'une étude publiée le 12 décembre 2012 dans la revue Journal of Archaeological Science, sous le titre "Acoustics and Levantine rock art: auditory perceptions in La Valltorta Gorge". Selon cette étude, menée dans les grottes de Valltorta (Valence, Espagne), les auteurs des peintures rupestres présentes sur ces sites n'ont pas simplement préféré les lieux les plus faciles d'accès : ils ont également choisi les emplacements bénéficiant de la plus forte résonnance acoustique.

Pourquoi les auteurs des peintures rupestres auraient-ils choisi les lieux dotés d'une forte résonnance acoustique pour réaliser leurs oeuvres ? Si à l'heure actuelle, il n'existe aucune certitude en la matière, les préhistoriens font toutefois l'hypothèse que des rituels étaient organisés devant ces peintures rupestres. Des rituels au cours desquels les paroles et les chants, qui jouaient probablement un rôle central dans ces cérémonies, auraient par conséquent été naturellement amplifiés par l'acoustique de ces lieux.

Le recours à la voix pour se repérer

Un résultat qui vient confirmer de précédents travaux, menés depuis les années 80 par le mathématicien et philosophe des sciences Iegor Reznikoff, dans les grottes françaises de Niaux, d'Arcy sur Cure et du Portel, ainsi que dans la grotte russe de Kapova, située en plein coeur de l'Oural (pour plus de détails, lire l'article "La dimension sonore des grottes préhistoriques à peintures", rédigé par Iegor Reznikoff, à l'occasion du 10e congrès français d'acoustique de 2010) . Selon ce chercheur, les peintures rupestres présentes dans ces sites ont systématiquement été réalisées dans des lieux dotés de qualités acoustiques particulières, soit parce que l'écho généré par l'émission d'un son est particulièrement long, soit parce que le nombre d'échos générés à la suite d'un son est particulièrement important.

Les hommes du Paléolithique étaient-ils si sensibles que cela aux propriétés acoustiques des grottes dans lequels ils vivaient ? Il me semble bien que oui. En effet, dans ces grottes obscures où, même disposant d'une source de lumière, il n'était pas possible de voir à plus d'un ou deux mètres devant soi, nos ancêtres n'avaient pas d'autre choix que d'utiliser la voix comme système d'écholocation leur permettant de se repérer, afin notamment de détecter d'éventuelles cavités dans lesquelles ils auraient pu tomber.

Le son, la dimension cachée dans les peintures rupestres ?

De mystérieux points rouges tracés par l'homme dans la grotte du Portel (Ariège, France) viennent d'ailleurs renforcer l'hypothèse selon laquelle les hommes de la Préhistoires étaient particulèrement sensibles aux propriétés acoustiques des grottes dans lesquelles ils vivaient. En effet, ces points rouges, tracés sur les parois des nombreux tunnels de la grotte du Portel, sont systématiquement situés à l'endroit précis du maximum de résonance de ces tunnels.

Si, en matière d'art préhistorique, il est toujours éminemment délicat d'ériger des hypothèses en certitudes, ces travaux suggèrent toutefois fortement que les peintures rupestres ne doivent pas être réduites à leur seule dimension visuelle : ces oeuvres possèdent vraisemblablement aussi une dimension sonore, qui doit être prise en compte dans leur compréhension.