Défilé manifestation Paris
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Grâce à sa guéguerre au Mali, François Hollande s'est taillé une carrure présidentielle. La guerre et la carrure, il va avoir besoin des deux pour faire oublier la situation française...

Quand on y réfléchit, c'est pratique, ça, une guerre lointaine et une carrure présidentielle !

La guerre, ça permet de distraire l'opinion publique avec des faits et des nouvelles exotiques, aux senteurs de poudre et de sable chaud. C'est de l'émotion, du reportage sensationnel et de l'aventure à portée d'un bouton de télécommande, à dose contrôlée, le soir, au 20H, et l'occasion pour certains de présenter la soupe médiatique en treillis ou avec des gros titres choquants.

Et la carrure présidentielle, c'est assez utile pour regonfler le moral des troupes. Des troupes de militants, d'élus et de sympathisants, hein, pas les troupes de militaires qui remplissent le versant débit de la comptabilité médiatique présidentielle.

Et lorsqu'on voit les signes nombreux qui s'accumulent comme une grosse couche de neige fraîche sur le versant pentu d'une montagne d'ennuis, on comprend qu'il était urgent pour l'exécutif français d'exécuter des trucs et des machins fissa pour avoir l'air de quelque chose, en faisant autant de bruit que possible pour couvrir le bruit de l'avalanche. Et c'est bien d'avalanche dont il s'agit lorsqu'on tombe, en l'espace de quelques heures, sur le chapelet de mauvaises nouvelles que la presse française, déboussolée, est obligée de relater malgré son acharnement confondant de naïveté à minimiser les problèmes.

Du reste, elle est tout de même aidée par l'inconscience, le détachement ou le cynisme, c'est selon, des dirigeants et têtes d'affiches diverses et variées qui continuent de jouer des instruments à vent à un rythme soutenu sur les bancs de l'Assemblée, au gouvernement ou dans les Institutions Internationales de Décoration. On pouffera en lisant les déclarations cotonneuses et douillettes d'un Pascal Lamy, patron de l'OMC, qui se dit « prudemment pessimiste » (ici, lol) parce que pour lui, l'année 2013 « se présente moyennement bien » (lol à nouveau). Nous sommes fin janvier, et rien qu'avec les quelques jours déjà écoulés, on peut dire que « moyennement bien » pour qualifier l'année 2013, c'est assurer une alternative crédible au protoxyde d'azote, tant côté euphorisant que côté anesthésiant si l'on en juge par la réaction (nulle) de toute la classe politique aux propos en question.

Parce que question mauvaises nouvelles, on en trouve, et sans chercher.

Ainsi, le constructeur automobile Renault qui annonce la suppression de 7500 postes en France, c'est, à l'évidence, « moyennement bien ». Au passage, la réaction atone d'Arnaud Montebourg, qui se remet doucement de la sodomie kilométrique subie avec Florange, n'aura que très vaguement surpris la presse francophone, maintenant parfaitement habituée au « Deux Poids Deux Mesures ». Le licenciement chez Peugeot, c'est un scandale, mais chez Renault, au sein duquel l'État reste le premier actionnaire, c'est toléré. Tout ceci est aussi « moyennement bien », mais on est en France, après tout.

Ainsi, le fait économique que les ménages français sont passés en mode « Sauve Qui Peut », pardon, « Épargne Toute », avec une collecte record sur le livret A (du jamais vu en 200 ans), et alors même que celui-ci voit son rendement baisser, c'est, n'en déplaise aux fins analystes des questions économiques en France, assez « moyennement bien », tant cela montre surtout qu'aucune espèce de confiance n'est revenue, que le consommateur français lambda est en train de mettre des noisettes de côté comme jamais auparavant, et se prépare ainsi à un hiver économique qui, si l'on en croit les niveaux de collecte, risque d'être assez rude, pardon, « moyennement bien ».

Dans le même temps, les Français semblent trouver le temps un peu long et l'impôt un peu fort.
affiche: le changement de diamètre c'est maintenant-François Hollande-2013
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Un récent rapport du premier syndicat de ponctionnaires de la Direction Générale des Impôts estime que la fraude fiscale atteint maintenant « une fourchette comprise entre 60 et 80 milliards d'euros ». Venant d'un tel syndicat, et avec un calcul portant sur une fraude qui est par nature aussi discrète que possible, on comprend que ce n'est plus une fourchette, mais tout un service 12 pièces qu'il faut considérer. Mais quand bien même : on a du mal à ne pas voir, dans ce montant là encore record, l'agacement des populations devant la « juste » participation à l'effort national et patati Depardieu et patata Sarkozy qui s'en va à Londres et choubidou bidou Hollande qui est millionnaire, échappe à l'impôt et n'aime pas les riches. Vous le sentez, maintenant, le changement de diamètre de la poire à lavements ?

Et puisqu'on parle riante fiscalité au pays du socialisme crispé, sachez que les exils et les fuites continuent, doucement, dans le silence d'une presse qui ose maintenant à peine relater les départs de sociétés connues (comme Carmignac, récemment), et préfère évoquer l'abondance de stocks sur les marchés de l'immobilier, ahem tousse tousse mais tout ira bien.

Mais tout ceci reste du fifrelin à côté du paquebot de caca gluant (jeté à pleine vapeur sur les icebergs tranchants de la réalité économique) que constituent les chiffres de l'emploi ces derniers temps. On avait déjà eu l'occasion de rire (jaune) en constatant que l'arrivée au pouvoir de Hollande coïncidait malencontreusement avec la descente de plus en plus ferme vers les enfers économiques d'un pays que tout semblait lâcher. Avec un petit dessin, cela donnait ceci :

Après Sarkozy, lé déluge, stats
Depuis, la situation ne s'est pas améliorée, même pas d'un cachou : c'est la déroute, et les petits « heu... » hésitants de La Charnière Présidentielle n'apportent ni confort ni assurance d'un avenir vaguement meilleur (ou même d'une stabilisation qui serait enviable à cette glissade désordonnée) : non seulement, le taux de chômage continue de grimper pour rappeler les meilleures années mitterrandiennes, mais en plus, les embauches en CDI chutent. On le savait dès le mois de décembre de l'année dernière, l'année 2013 sera un « grand cru » en terme de chômage, selon l'INSEE. Là encore, d'aucun pourrait juger cela « moyennement bien »...

Quant au système social que le monde nous envierait (selon une rumeur avidement colportée par certains énarques un peu rêveurs), et qui est censé nous protéger, justement, des petits et gros aléas de la vie, eh bien le dernier rapport de la Cour des Comptes n'y va pas par quatre chemins : il est tout pourri.

Difficile de ne pas bondir lorsqu'on apprend que les déficits de l'assurance chômage ont continué d'exploser, et que, dans ceux-ci, le régime des intermittents du spectacle, déjà régulièrement mis à l'index pour son incurie, bat de nouveaux records, avec une disproportion ahurissante entre le nombre d'individus couverts sous ce régime et son déficit (plus d'un milliard d'euro à lui seul). On pourra lire, au sujet des intermittents, l'excellent billet d'Acrithène sur le sujet dont je tire le graphique suivant qui résume à lui seul cette si délicieuse notion d'équité et de justice que le Monde nous envie moyennement :

Travail hebdomadaire, stats
Difficile de ne pas hurler lorsqu'on lit que les dispositifs et préconisations pour lutter contre le chômage ne sont que peu ou pas du tout suivis d'effets. Non ? Sans blague ? Comme si les libéraux ne s'époumonaient pas depuis des lustres à dire pourquoi ces dispositifs merdouillent lamentablement en cramant des camions entiers de pognon gratuit. Comme si les libéraux n'avaient pas déjà expliqué pourquoi le retour à un code du travail simple, clair, et un code fiscal non punitif pour les entrepreneurs ferait plus de bien en quelques jours que tous les bricolages abominables des politiciens sur les 40 dernières années...

Difficile de ne pas glousser lorsque la Cour des Comptes exprime son scepticisme devant les résultats de Pôle Emploi, et devant l'absence de coordination de la myriade d'acteurs différents qui prétendent agir pour aider l'emploi, depuis les municipalités, les Conseils Généraux, jusqu'aux conseils régionaux ou l'État lui-même, le tout sans gouvernance ni but précis : le syndrome du poulet sans tête appliqué à la lutte contre le chômage, un grand classique français, qui continuera bien évidemment tant qu'on injectera de l'argent frais dans le système.

Et d'ailleurs, ce que note la Cour des Comptes est vécu par les chômeurs et confirmé, directement ou indirectement, par les salariés de Pôle Emploi : le mastodonte qui prétend gérer la formation et la réorientation des chômeurs, la recherche d'emploi et l'accompagnement de ces chômeurs coûte une montagne d'argent public et ne sert concrètement à rien. De plus en plus rares sont les postes pourvus grâce aux propositions de Pôle Emploi, et tant du côté des entreprises, que des chômeurs ou des salariés de l'institution, tout le monde s'accorde à dire qu'elle ne remplit plus son coûteux rôle. En définitive, supprimer Pôle Emploi et laisser faire les entreprises spécialisées ferait le plus grand bien au marché de l'emploi français.

Bah. Finalement, tout ceci n'est pas grave puisqu'après tout, grâce à sa guéguerre au Mali, François Hollande s'est taillé une carrure présidentielle. Mais tout montre qu'il l'aura taillé avec votre argent, dans ce bois dont on fait les flûtiaux.

Et les cercueils.