Image
Le 15 janvier 2013, l'AFP annonçait que Gilles-Eric Séralini était prêt à publier les données « brutes » qui lui ont permis de conclure à la nocivité d'un maïs OGM et d'un pesticide, à condition que les organismes officiels ayant autorisé ces produits fassent de même avec le pesticide.

Depuis, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a mis en ligne toutes les données qu'elle a utilisées pour donner son avis favorable à l'autorisation de commercialisation du maïs OGM NK603, dénoncée par l'équipe du Pr Séralini dans une étude choc et controversée publiée en septembre.

C'est déjà un premier pas, et le chercheur a remis à un huissier toutes les données brutes de son étude (notamment les résultats d'analyses de sang pratiquées sur les rats étudiés). Ces données pourront être rendues publiques lorsque celles ayant mené à l'autorisation du Roundup l'auront été.

Par ailleurs, Séralini et son équipe ont annoncé qu'ils comptaient porter plainte pour diffamation contre ceux qui les ont accusés d'avoir falsifié des données.

Selon le Criigen (Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique) dont le Pr Séralini est membre, une plainte a déjà été déposée fin décembre contre Jean-Claude Jaillette, journaliste et auteur d'un livre pro-OGM, et contre l'ancien ministre français Claude Allègre. Dans un entretien publié par La Provence, le sieur Allègre avait qualifié l'étude conduite par M. Séralini de travail falsifié. Personne ne s'en étonnera de sa part.

L'eurodéputée française Corine Lepage - qui compte parmi les fondateurs du Criigen - a dénoncé un traitement inéquitable au détriment des anti OGM. « Je demande qu'on réévalue les études qui ont permis la mise sur le marché, avec les mêmes critères que ceux qui ont permis de juger celle de Séralini », a-t-elle dit, dénonçant un « deux poids, deux mesures au détriment de la santé des gens ».

Comme il fallait s'y attendre, les conclusions de l'équipe du Pr Séralini ont été critiquées avec violence, alors que les données des agences ont servi à les autoriser pour des millions voire des milliards de gens, sur des bases ridicules.

Mais les critiques ne suffisant pas à le démolir, les détracteurs des travaux de Séralini ont trouvé un nouveau moyen, aussi lâche que grotesque, mais très à la mode de nos jours ; ils l'accusent d'avoir des liens avec une « secte guérisseuse pseudo-catholique ». Il fallait oser !

Le 7 janvier, le site Internet Agriculture et Environnement a ainsi mis en cause le biologiste pour les liens qu'il entretiendrait avec le mouvement IVI (Invitation à la vie), « à travers une petite société de produits homéopathiques baptisée Sevene Pharma ».

Or, même la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), qui voit des sectes partout, précise qu'IVI « n'a pas fait l'objet de signalements de dérive sectaire », ce qui prouve bien jusqu'où peuvent aller certains détracteurs. D'après sa plaquette de présentation, l'association offre la possibilité de recentrer son existence sur une valeur universelle christique : l'amour. C'est leur droit et rien ne prouve qu'ils ne respectent pas leurs engagements.

Malgré ces considérations, Gil Rivière-Wekstein, responsable et rédacteur du site Agriculture et Environnement, repris par plusieurs médias, affirme que Gilles-Eric Séralini a travaillé avec Sevene Pharma, dont le président du directoire, Daniel Chauvin, est aussi l'un des responsables d'IVI. Ce dernier a déclaré : « Je suis en effet président de l'association IVI, mais cela relève de ma vie privée et cela n'a aucun lien avec Sevene Pharma. »

Quoi qu'il en soit, le Pr Séralini dément toute relation avec IVI. « J'ai en effet dirigé une thèse portant sur les effets de médicaments de détoxification commercialisés par Sevene Pharma et ces travaux ont fait l'objet de deux publications scientifiques, mais j'ignorais tout des liens entre cette société et Invitation à la vie. », explique-t-il.

Le site Web Agriculture & Environnement, à l'origine des attaques lancées contre M. Séralini, est bien connu des chercheurs dont les travaux mettent en cause la sécurité des produits commercialisés par les lobbies agrochimiques (OGM, pesticides, pesticides qui tuent les abeilles etc.). Les scientifiques qui travaillant sur ces risques sont toujours critiqués, même quand leurs travaux ne sont pas controversés.

Il en est ainsi du chimiste Jean-Marc Bonmatin du CNRS, qui a poursuivi pour diffamation le responsable et rédacteur du site, Gil Rivière-Wekstein, et a obtenu gain de cause. Le travail de certains journalistes, en particulier Marie-Monique Robin, auteur du film documentaire Le Monde selon Monsanto, ou encore de Fabrice Nicolino, coauteur de Pesticides, révélations sur un scandale français, est aussi régulièrement attaqué de façon sordide, ainsi que François Veillerette, le professeur Belpomme, Greenpeace, Nicolas Hulot, le WWF ou l'association Kokopelli.

La société de Rivière-Wekstein qui emploie deux salariés - dont lui-même - n'est pas une entreprise de presse, mais une société de « Conseils et études en matière politique, économique, financière, stratégique, agricole et environnementale » qui revendique un tirage de 8 000 exemplaires pour 4 000 abonnés. En 2010, un chiffre d'affaires de quelque 180 000 euros a été déclaré par Amos Prospective, qui édite le site et la revue et en tire l'essentiel de ses revenus grâce à la vente de ses « services ». Gil Rivière-Wekstein a précisé au Monde que « 30 à 40 structures agricoles se sont abonnées pour 3 000 euros en moyenne » à Agriculture et Environnement, ce qui « leur permet d'avoir une intervention de ma part comprise dans leur abonnement ».

Cette société fait partie de l'Afja (Association Française des Journalistes Agricoles), organisme qui a pour membres associés des adversaires déclarés de l'agriculture biologique depuis des décennies et favorables aux OGM. Cet organisme a pour « membre associé » Bayer qui produit l'insecticide Gaucho, accusé d'être une cause de mortalité des abeilles, ainsi qu'un autre « membre associé », l'UIPP (Union des Industriels de la Protection des Plantes) dont font partie Bayer, BASF et Monsanto entres autres. En clair, les fabricants de pesticides et d'OGM. Il fait également partie de l'AFIS, (Association française pour l'information scientifique), et tout ce beau monde de « membres associés » est donc pro OGM et pesticides, contribuant, non seulement à tuer les abeilles mais aussi les consommateurs.

Il nous semble important de souligner que ces comportements ne relèvent pas d'un travail sérieux d'investigation indissoluble de la fonction de journaliste.

Depuis les années 70, la Coordination contre les méfaits de Bayer rend compte des problèmes et des dangers engendrés par la multinationale de l'industrie chimique et pharmaceutique : émissions de produits toxiques dans l'air et l'eau, pesticides et médicaments dangereux, technologie génétique, et surtout son passé lié à l'IG Farben, que la société s'applique à cacher aux consommateurs.

Durant le IIIe Reich, l'IG Farben regroupait plusieurs entreprises chimiques, dont AGFA, BASF, Bayer et Hoechst et était la plus grande entreprise d'Europe. Elle faisait tester par les médecins SS diverses « préparations » chimiques sur les prisonniers des camps de concentrations. Dans ses diverses entreprises disséminées dans tout le Reich, dont la firme Degesh qui a produit le Zyklon B, utilisé pour le gazage des déportés, IG Farben a employé durant la guerre et dans des conditions abominables plus de 350 000 détenus.

En 1947, lors du procès des criminels de guerre par le tribunal de Nuremberg, vingt-quatre de ses dirigeants furent accusés de crimes contre l'humanité. Le cartel d'IG-Farben fut alors dissous et réparti parmi ses filiales Hoechst, Bayer et BASF. Dès 1952, les responsables ont été libérés après leur condamnation, grâce à l'intervention de leur ancien partenaire commercial Nelson Rockefeller, devenu par intérim ministre des affaires étrangères des états-Unis.

N'oublions jamais que Telford Taylor, premier procureur américain du tribunal de Nuremberg, avait averti que « si la faute de ces accusés n'est pas exposée au grand jour ni punie, ils représenteront à l'avenir un danger beaucoup plus grave pour la paix dans le monde qu'Hitler s'il était encore en vie ». Il ne croyait pas si bien dire.

Aucune instance nationale ou internationale ne peut contrôler efficacement des multinationales telles que Bayer ou même s'opposer à des produits ou des procédés de production dangereux. Toutefois, il est utile de rappeler leur pouvoir de vie ou de mort sur les populations.

Et ce sont les sbires de cette engeance qui se permettent de clouer au pilori des chercheurs honnêtes sous le prétexte qu'ils ont ou auraient eu, un jour, un quelconque contact avec ce que l'on nomme des sectes, sans bien savoir de quoi il s'agit ?

Entre ces supposés sectes et ceux qui les accusent au lieu d'avoir honte de leur odieux passé et de raser les murs, il faut espérer que les pouvoirs publics vont enfin choisir leur camp et condamner ce genre d'accusations, au nom de la fraternité humaine qu'ils évoquent à tout bout de champ.