Une plaisanterie classique est de dire que tout le monde croit qu'il dispose d'assez d'intelligence. De manière générale, dans un domaine donné et standard (pas en mécanique quantique, par exemple), nous pensons faire mieux que la moyenne. Un cas classique est la conduite automobile.

Le souci, vous vous en doutez, c'est que c'est une impossibilité statistique. Il s'agit donc d'une illusion de supériorité. David Dunning, professeur américain à l'université Cornell, l'a étudié durant des décennies. Les raisons derrière cette illusion sont diverses. Les gens incompétents par exemple ont du mal à estimer leur compétence... Il arrive aussi que l'entourage n'ose pas dire que vous n'êtes pas très bon (ils se contentent de prier sur le siège passager...)

De manière générale, nous réalisons les traits externes ainsi que les circonstances qui guident les actions des autres. Le souci est que lorsque l'on fait de même à notre encontre, nous avons tendance à penser que ce sont nos efforts, nos désirs qui flottent au-dessus de toutes ces contraintes. On surestime évidemment notre QI déjà... Une étude classique avait montré que 94 % des professeurs se pensaient plus intelligents que leurs collègues.

On surestime aussi notre degré de charité et bien entendu, nos talents au volant, que ce soit pour des conducteurs novices ou de plus de 65 ans ! On obtient peu de « feedback » honnête de la part des autres (ils le disent dans votre dos). Curieusement, les plus incompétents sont aussi les plus susceptibles de surestimer leurs compétences alors que les plus compétents font l'inverse (car ils pensent que leur compétence n'est pas si difficile que cela à acquérir, puisqu'ils l'ont).

Seuls les déprimés et les anxieux semblent ne pas tomber dans ce piège de la surestimation. Plus on est déprimé, plus on se sous-estime. On peut alors légitimement penser que cette illusion de supériorité serait en réalité un mécanisme de protection de notre estime de nous.

La culture joue un rôle. En Amérique du Nord, on est les rois de la surestimation. En Asie, comme au Japon, la Corée ou la Chine, le phénomène s' « évapore ». Les cultures occidentales semblent valoriser l'estime de soi tandis que les pays de l'Est préfèrent penser à l'amélioration continue.

Il n'est pas possible d'être tout à fait juste avec soi-même, mais on peut s'améliorer. Il faut regarder les autres dont les vies inspirent l'admiration, trouver ce qu'ils font de juste et tenter de les imiter. Comme on est assez précis envers les autres, cette imitation nous conduira à nous estimer plus justement.