Mais comment fait-il donc pour se regarder dans la glace ? Qui ne s'est pas, au moins une fois, posé cette question face aux agissements hallucinants de certains dirigeants. Manfred Kets de Vries, professeur à l'Insead, école de management internationale, nous sert la réponse sur un plateau ciselé, en l'occurrence, un document de travail "The Psychopath in the C-Suite".

Il y a de fortes chances que le patron en question soit un psychopathe "léger". Un "FDP", fou de patron, soit la traduction libre de SOB, Seductive Operational Bully, pour M. de Vries - Son of a Bitch, pour les esprits malins ; en français, "fils de pute".

DES ÊTRES APPAREMMENT NORMAUX

Les patrons psychopathes ne se limitent pas aux quelques dirigeants scandaleux qui font la "une" des gazettes, pour avoir provoqué des dégâts planétaires, et qui ont incité M. Kets de Vries à mener cette recherche. Ils sont nombreux et empoisonnent la vie de leurs subordonnés, voire mènent la société qu'ils dirigent à sa perte.

Les FDP sont des êtres apparemment normaux. "On les trouve là où le pouvoir, le statut social, l'argent sont des enjeux importants", décrit M. Kets de Vries. Leur carrière est souvent brillante, surtout dans des entreprises qui apprécient les personnes qui savent garder leur calme en toute situation. Ils ont l'esprit de compétition, de l'assurance et aiment prendre des risques. C'est-à-dire dans un grand nombre de cas.

Car les travers des FDP sont des atouts pour monter dans l'échelle hiérarchique. Les psychopathes légers sont souvent séducteurs, éloquents, très affables avec leurs interlocuteurs. Cela explique qu'ils soient environ quatre fois plus nombreux à des postes de direction fonctionnelle que dans la société en général, selon Robert Hare, chercheur en psychologie, spécialiste de la psychopathie.

DES MENTEURS CHRONIQUES, ET TRÈS PEU ÉMOTIFS

Charmants avec leurs supérieurs, ils sont en revanche odieux avec leurs collaborateurs, qu'ils aiment dominer et humilier. Ils s'arrogent leurs travaux sans vergogne, quand ceux-ci sont loués ; mais leur font porter le chapeau, en cas de dégâts.

Quelques indices peuvent les trahir. Entre autres, ils sont incapables de travailler en équipe, ils sont des menteurs chroniques, et très peu émotifs. Et s'ils ne sont pas totalement incurables, il est très difficile de modifier leur comportement. Mieux vaut donc les identifier à temps, pour les empêcher d'agir. En écoutant les jeunes recrues, conseille M. Kets de Vries. Ce que les hiérarques français savent très mal faire, poursuit-il.

"La pire des situations est d'avoir un FDP comme PDG. Dans ce cas, mieux vaut prendre ses pertes, se préserver, et se faire embaucher ailleurs." Facile à dire !