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On avait pu croire en considérant les déclarations de Hollande d'avant janvier que l'attaque française contre les rebelles maliens serait étroitement circonscrite dans l'espace et dans le temps, qu'elle n'aurait pour but que de rétablir l'équilibre dans les négociations menées au Burkina Faso, équilibre rompu dangereusement par la prise de Konna : reprise de Konna sans doute avec envoi de troupes héliportées, force d'interposition massée à la délimitation Nord-Sud, militaires africains remplaçant très tôt les français...

Mais dés le début de l'offensive Serval, le ton adopté par Fabius et Hollande était rien moins qu'inquiétant. Les rebelles maliens islamistes étaient tous assimilés à des bandits, des meurtriers, des terroristes qu'il fallait « détruire ». Aucun but clairement défini à l'opération, aucune limite fixée dans le temps comme dans l'espace. Une volonté meurtrière mise en avant à mots à peine couverts, sans souci des conséquences.

170 frappes aériennes, tel était le décompte début janvier. Quand on sait la puissance et l'effet ravageur des bombes utilisées, dont certaines à l'uranium appauvri, quand on sait que chaque frappe représente un largage de plusieurs bombes, on frémit en supputant le nombre des victimes des bombardements français. Ce n'est pas plusieurs centaines comme le clamaient Fabius et Le Drian -ce qui est déjà beaucoup trop- c'est probablement plusieurs milliers.

Les opérations terrestres qui se poursuivent apparaissent encore plus marquées par la volonté de tuer, sinon d'exterminer. Les troupes françaises et et leurs supplétifs tchadiens s'enfoncent dans le massif des Ifoghas où les islamistes sont emprisonnés comme dans un ghetto car les Algériens, de l'autre côté de la frontière, les empêchent de fuir. On parle chaque jour de dizaines de rebelles « abattus » comme s'il s'agissait de gibier.

L'assassinat des chefs qui va de pair avec l'extermination de leur garde proche révèle la volonté de refuser toute négociation. Bien sûr, le meurtre accompli, la vague peur de représailles encore possibles empêche qu'on le reconnaisse. On en abandonne de toute façon la responsabilité aux supplétifs tchadiens qui le revendiquent comme on laisse à l'armée malienne du sud la responsabilité de la répression à Konna, Gao ou Tombouctou... Pourtant les internements arbitraires, les tortures, les exécutions qui ont lieu en ce moment au Mali selon les observateurs indépendants sont la conséquence directe de l'intervention française.

Devant le pire massacre auquel l'armée française s'est jamais livrée depuis la guerre d'Algérie, aucune conscience ne semble frémir. Les États-Unis approuvent et soutiennent comme les pays d'Europe. La Russie et la Chine ne disent mot. Les pays arabes les plus proches des rebelles comme la Libye n'osent rien dire. En France, dans ce pays qui fut naguère à la pointe pour dénoncer les sales guerres, les expéditions néocolonialistes, les moindres atteintes aux droits de l'homme et où des voix s'élèvent chaque jour pour hurler contre le syrien Assad moins meurtrier pourtant que Hollande, c'est le silence radio ou presque.

Devant ce massacre commencé, perpétré avec bonne conscience, dont on ne sait quand il va finir, se peut-il qu'aucune voix ne s'élève pour réclamer simplement mais fermement : « halte au feu ! »