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Francesco Carotta (photo, ici avec un buste de Jules César) est un historien atypique, dont les travaux portent surtout sur Jésus Christ et Jules César. Selon lui, ils ne font qu'une seule et même personne ! Cette thèse anticonformiste et même iconoclaste, au sens propre du terme, ignorée des grands médias incompétents (pléonasme), nous a poussé à en savoir plus en l'interviewant. Juste avant, voici un extrait d'un document de près de 2 heures que nous avons sous-titré en français et qui permet d'avoir une rapide idée de l'ampleur des coïncidences entre les deux figures historiques et religieuses.

Enquête & Débat : Votre livre "Jesus was Caesar" est paru en 1999, il a été publié en Hollande, en Allemagne, et en Angleterre, mais jamais en France, pourquoi selon vous ?

Francesco Carotta : Commercialement le manque de traduction n'est pas explicable. Car si la petite Hollande a vendu presque 10.000 exemplaires de ce livre, dans un pays plus grand on devrait en vendre au moins autant sinon plus. Le chiffre d'affaires généré par un tel volume de ventes n'est pas négligeable. Les raisons du désintérêt doivent donc être d'un autre ordre. Lesquelles?
Peut-être l'exception française? Les Français qui notoirement ne regardent pas de l'autre côté du Rhin? Attend-on que Madame de Staël revienne avec un nouveau De l'Allemagne? À propos des études bibliques on disait jadis que les Allemands recherchent, les Français publient et les Italiens traduisent. Or l'Italien est venu cette fois faire ses recherches en Allemagne, en respectant la filière, mais les Français ne publient pas. Faudra-t-il que les Italiens traduisent d'abord?


Blagues à part, la raison est peut-être plus simple. Ce livre a été boycotté, et dans tous les pays (sauf partiellement aux Pays-Bas), par les maisons d'édition établies, par les médias et par les libraires. Je ne vous apprends rien, puisque vous êtes un spécialiste en la matière.
La seule exception fut mon premier éditeur en Allemagne, un gros groupe éditorial. À l'époque je gérai moi-même une maison d'édition, mais celle-ci publiant presque exclusivement des textes de femmes sur des thèmes de psychanalyse, j'optai pour un collègue, ce qui me donnait du recul et garantissait un regard objectif. Éditeur, qui d'abord ne se rendit pas bien compte des conséquences de cette recherche et signa le contrat, mais qui fit bientôt marche arrière, par des pressions internes d'auteurs qui défendaient des thèse plus traditionnelles, d'abord en confinant ce titre dans une édition de poche du groupe, et ensuite en ne le faisant pas traduire en anglais, malgré le fait qu'ils avaient entre temps acheté une maison d'édition américaine où ils auraient pu le publier, et où, sur la poussée du succès de l'édition hollandaise, il aurait pu devenir un best-seller.

L'édition hollandaise fut due à l'initiative de personnes privées, en particulier un journaliste de la télévision publique, et à une maison d'édition similaire à la vôtre, qui l'imposèrent à l'attention du public en provoquant un débat. La violente réaction et les intimidations des opposants, qui allèrent jusqu'à dénoncer tous ceux qui avaient parlé en bien de ce livre, découragea beaucoup de monde, et empêcha entre autres que des Pays-Bas ça déborde en Belgique et que ce soit donc traduit en français.
Même l'édition en langue anglaise publiée par l'éditeur néerlandais est pratiquement introuvable, comme vous avez pu le constater vous même, bien qu'elle soit en stock. Ce n'est probablement pas un hasard.

Il en alla de même du documentaire télévisé tourné par les mêmes néerlandais, qui ne passa à la télé publique hollandaise qu'avec réticences, et jamais à l'étranger, malgré l'existence d'une version anglaise et une espagnole: voir ici (visible aussi sur YouTube, voir plus bas).
Curieusement les opposants n'avaient pas lu le livre, mais il se sentaient néanmoins le devoir de lancer une croisade contre, en écrivant tout le mal possible partout où ils pouvaient, et peuvent.
Les raisons de ce boycottage systématique et irrationnel? Est-ce seulement parce que cela paraît impensable qu'un condottiere comme César ait été transformé dans un inconnu prophète va-nu-pieds? Cela ne justifierait pas tant d'irascibilité, tout au plus un sourire suffisant. Parce que César est trop de ce monde, et en odeur de césarisme, et qu'on en sentirait la religion souillée, qu'on voudrait céleste et pure? Il suffirait de se souvenir de la proverbiale clementia Caesaris, et de l'autre côté des phrases du Christ disant qu'il n'est pas venu porter la paix mais l'épée, pour que les différences s'évanouissent.

Ou est-ce plutôt parce que l'on subodore que les conséquences seraient trop graves si cela s'ébruitait? Car, soyons sincères, si le Jésus Christ historique était Jules César, cela créerait un problème non seulement aux Églises, qui devraient se recycler, mais aussi aux athées, qui ne pourront plus nier l'historicité du Christ, et avant tout à la politique des occidentaux au Moyen Orient. Puisque, si Jésus Christ n'a jamais vécu là-bas et y a été seulement transposé diégétiquement, alors il n'y a pas plus de sainteté dans la soi-disante Terre Sainte que partout ailleurs, et il n'y a pas de Saint Sépulcre à y défendre. Surtout: un Jésus-Christ qui serait César ne serait plus un juif, et par conséquent les juifs ne seraient plus déicides - ce qui dérangerait tout le monde, philosémites et antisémites, pour des raisons opposées, mais concomitantes.
Cette découverte n'intéresse donc personne, et dérange beaucoup de gens. Et comme les informations ne se propagent pas parce qu'elles sont vraies, mais parce qu'elles sont utiles, du moins à quelqu'un, personne n'a intérêt à les diffuser, et beaucoup à les voiler - ce qui pourrait constituer une réponse à votre question. Vraiment personne? Pas tout à fait. Mais cela serait une autre question.

E&D : un certain nombre de critiques de votre thèse sont émises ici. Que répondez-vous à ces critiques ?

FC : Cette personne est de mauvaise foi. Il commence par dire que « he does not (cannot?) cite any source that actually calls Julius Caesar "chrêstos" (if Signor Carotta knows of any, why does he not cite them?), ». Or César a été nommé chrêstos par Pompée le Grand lui même, et nous en donnons forcement la source (Plut. Pomp. 75), note 42 de la première édition. Comme c'est son seul argument, pas par hasard il termine en la ramenant: « And all of this nonsense because Caesar was chrêstos. (Or was he?) » - on peut l'oublier, et ça ne vaut pas la peine de le contredire. Comment contredire une personne qui ne lit pas ce que l'on écrit, et vous reproche de ne pas avoir fait ce que vous avait fait? Il a d'ailleurs été dûment malmené sur son blog même, et bien qu'il ait effacé tous les commentaires négatifs, on peut lire la réfutation (et qui n'est pas de ma plume) : voir ici et .

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E&D : Comment avez-vous découvert cette thèse ?

En partant de cette image de César (voir ci-contre) dans laquelle il ressemble plus à Jésus Christ qu'à l'image que je me faisais de César, plus l'image d'une pietà que le visage d'un condottiere. Cela est expliqué dans la préface et dans le premier chapitre du livre.

E&D : Pourquoi êtes-vous le seul à la défendre plus de 10 ans après l'avoir découverte et publiée ?


FC : Ce n'est pas tout à fait vrai. Entre temps il y en a d'autres qui l'ont adoptée (voir entre autre le blogueur plus haut). Comme il y en a eu d'autres avant moi, le théologien Ethelbert Stauffer par exemple.

E&D : Comment expliquez-vous que personne d'autre ne l'ait découverte en près de 2000 ans ?


FC : Comme dit plus haut, Ethelbert Stauffer avait reconnu que la liturgie du Vendredi Saint ne suit pas l'Évangile mais le rituel des funérailles de César. Il était donc très près de la découvrir, voire il l'avait déjà découverte. Le problème de l'identité du Christ n'est pas vieux de 2000 ans. Il n'existe que depuis les Lumières, parce qu'on commença à ce moment-là à lire l'Évangile de manière positiviste, comme si c'était un livre d'histoire normal. Avant on savait comment le lire. Quand Dante, dans sa Divina Commedia, le premier nom qu'il donne c'est celui de César (« naqui sub Iulio »), et quand il met ensemble les trois traîtres majeurs de l'humanité dans la bouche de Lucifer au plus profond de l'enfer - Cassius Longinus, M. Iunius Brutus et Judas, ce dernier substituant D. Iunius Brutus, le traître de César que l'on attendrait à sa place - ne montre-t-il pas que l'on savait encore en son temps à quoi s'en tenir et de quoi on parle?

E&D : Vous avez identifié un nombre impressionnant de coïncidences, relations et rapports entre Jésus et César. Mais tout ne colle pas à 100%. Comment expliquez-vous les très nombreuses divergences ?

FC : Parce qu'une transposition diégétique (qui relève de la narration, nda) ne peut jamais coller à 100%. Quand vous déplacez une histoire d'un endroit à un autre, d'une époque à une autre, d'une langue à une autre, pour la proximiser à votre nouveau public, vous devez forcement redistribuer les lieux dans la nouvelle topographie en respectant le son des noms, ce qui ne réussit pas toujours, et de plus non seulement changer de langue, mais aussi la nationalité de vos personnages.

E&D : Parmi celles-ci, le fait que Jésus soit juif, contrairement à César ;

FC : Pour la même raison que l'Ulysse de Joyce n'est plus un grec d'Ithaque, mais un un juif irlandais.

E&D : Ou encore le fait qu'il soit mort à l'âge de 33 ans,

FC : Ça, ce n'est écrit nulle part, c'est une tradition basée sur une computation tardive. Qui ne vaut pas grand chose, puisque le roi Hérode, qui prétendument apprit des Mages la naissance du Christ, est mort en l'an 4 avant J.C.

E&D : ... contrairement à César à 56 ans ; ou encore qu'il n'ait pas d'enfant,

FC : Ce n'est pas dit. Il est question dans l'Évangile de ses "frères"; ses "enfants" pourraient ne pas avoir été nommés parce qu'ils n'apparaissaient pas dans le récit.

E&D : ... contrairement à César ;

FC : César n'avait pas d'enfants non plus au début de la guerre civile, ce qui représente mutatis mutandis le début de l'Évangile, le Jourdain étant la transposition du Rubicon. Sa fille était déjà morte, et il n'avait pas encore connu Cléopâtre, de qui il aura un fils il est vrai, mais Égyptien et pas reconnu, puisqu'il ne fut pas mentionné dans le testament de César.

E&D : Cette découverte, si elle est vraie, n'est-elle pas de nature à faire perdre leur foi à de nombreux chrétiens ?

FC : Pourquoi? Se peut-il qu'un César qui conquit la Gaule, vaille moins qu'un bavardeur se baladant en Galilée?

E&D : Vous-mêmes, dans le documentaire sur Youtube "The Gospel of Caesar", on vous voit vous signer au Vatican. Peut-on rester chrétien tout en croyant à votre thèse ?

FC : Peut-être est-ce le contraire: qu'on ne peut rester chrétien qu'en croyant à cette découverte. Car enfin l'existence historique du Christ de la fabulation officielle est improuvable. Or, que signifie le tombeau vide d'une personne qui peut-être n'a jamais existé? Rien du tout. Il n'y a plus de Pâques historique, plus de Résurrection. Par contre l'existence de César est indéniable, son influence sur le monde inégalée, son commandement "aimez vos ennemis" encore aujourd'hui bouleversant, son calendrier toujours en vigueur, et comme nous le découvrons, il est aussi, incognito, au centre de notre religion et de notre morale.

E&D : Si Jésus était César, il n'était donc pas juif, ce qui bouleverserait également tout ce que nous pensons savoir sur les suites du judaïsme, et l'antisémitisme de source chrétienne. Quelles conclusions tirez-vous de cela ?

FC : Oui, comme IL ne fut pas livré par les Ioudaei, mais par les Iunii (Bruti), les juifs sont ipso facto innocentés de l'accusation de déicide. À partir de là l'antisémitisme n'a plus de fondement religieux, est désacralisé. La question juive redevient une affaire socio-politique normale, comme c'était dans l'antiquité, avant la venue du Christianisme.

E&D : Y a-t-il un rapport entre le fait que le Vatican se trouve à Rome et le fait que Jésus serait en réalité César ?


FC : Bien sûr. Le même rapport qu'il y a entre la Gaule conquise par César et le fait que la France soit la fille aînée de l'Église.

E&D : Faites-vous un lien entre celui qui a tendu l'autre joue et César qui était un guerrier ? Ou plus généralement à celui qui est dépeint comme s'étant mis en colère une seule fois, lorsqu'il a chassé les marchands du Temple, et un guerrier de la trempe (et de la violence) de Jules César ?

FC : César n'était pas connu pour sa violence, mais pour son inouïe clémence. Et c'est lui qui introduisit le commandement de s'aimer, entre ennemis de la guerre civile. Mais lisez vous-même ce qu'il dit aux sénateurs romains dans le but de surmonter les guerres civiles et de laisser derrière soi rancunes et vindictes:
"Allons, pères conscrits, unissons avec confiance nos intérêts, oubliant tous ces événements comme s'ils avaient été apportés par une force surnaturelle, et commençons à nous aimer sans soupçons comme si nous étions de nouveaux citoyens. De cette façon vous vous conduirez envers moi comme envers un père, appréciant la prévoyance et la sollicitude que je vous donnerai et ne craignant rien de désagréable, et je m'occuperai de vous comme de mes enfants, en priant que vous n'accomplissiez que les actes les plus nobles, mais en endurant forcément les limitations de la nature humaine, récompensant les bons citoyens par des honneurs appropriés et corrigeant les autres juste ce qu'il faudra."
On croirait entendre parler Jésus Christ. Et ce n'étaient pas des mots vides, puisqu'il licencia son garde du corps, ce qui donna aux sénateurs l'occasion de l'assassiner. Sa clémence et bonne foi lui sont attestées par tous les historiens anciens, et même par un père de l'Église, Orose, qui présente comme un fait connu que Jules César avait été assassiné pour avoir fondé un système politique basé sur la clémence, ce qui allait à l'encontre de tous ses prédécesseurs, qui avait essayé de fonder leur pouvoir sur la force et la terreur, voir Sulla par exemple: Orose Hist. 6.17.1:
«Caesar Romam rediit: ubi dum Reipublicae statum contra exempla maiorum clementer instaurat, auctoribus Bruto et Cassio, conscio etiam plurimo senatu, in curia viginti et tribus vulneribus confossus interiit».
Pour ceux qui veulent aller plus loin, voici le documentaire de près de 2h dont parle M. Carotta dans l'interview (attention il faut parler anglais) :


Et pour ceux qui parlent mieux espagnol qu'anglais :