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La mort lundi soir dans des circonstances encore floues d'un jeune manifestant turc lors d'affrontements avec la police est susceptible de raviver la contestation qui a ébranlé en juin le pouvoir islamo-conservateur turc.

Ahmet Atakan, 22 ans, est mort à l'hôpital à Antakya, dans le sud de la Turquie, des suites de ses blessures après qu'un groupe de 150 manifestants eut affronté la police anti-émeutes, ont rapporté mardi les médias turcs.

Selon l'agence de presse Dogan, le jeune homme, qui manifestait en mémoire d'un autre manifestant tué dans cette même ville, un fief de la fronde anti-régime cet été, a été mortellement touché à la tête par une grenade lacrymogène tirée par les policiers.

Mais les autorités locales ont réfuté cette thèse, affirmant que le jeune homme était tombé du toit d'un bâtiment lors des incidents alors qu'il répliquait avec des pierres à l'intervention policière.

Une autopsie préliminaire, dont les conclusions ont été rapportées par Dogan, établit que la victime est morte d'"un traumatisme général" et d'"une hémorragie cérébrale".

La mort de ce manifestant porte à six le bilan de la contestation depuis juin.

Outre les six morts désormais recensés, plus de 8.000 personnes ont été blessées lors de ce mouvement antigouvernemental sans précédent contre le régime islamo-conservateur du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, au pouvoir depuis 2002.

Après ce nouveau décès, des appels à manifester ont immédiatement été lancés sur les réseaux sociaux, fer de lance du mouvement populaire.
Des manifestations sont prévues mardi soir sur les deux rives d'Istanbul, notamment sur la place de Taksim, lieu emblématique de la contestation en juin.

Depuis le début de septembre et avec la rentrée universitaire, les manifestations dénonçant la dérive autoritaire du pouvoir ont en fait repris graduellement, à Istanbul et Ankara notamment, mais sans l'ampleur qu'elles avaient prises en juin.

De violents affrontements ont opposé lundi à Istanbul la police turque à des centaines de manifestants rassemblés pour soutenir un adolescent de 14 ans plongé dans le coma depuis la fronde, lui aussi victime d'un projectile tiré par les forces de l'ordre.

Une manifestation est également prévue mardi soir pour dénoncer la violence policière dans la capitale turque où, depuis plusieurs jours, des étudiants sont mobilisés avec le soutien des cercles d'opposition contre un projet municipal qui prévoit de faire passer une route sur le campus de l'université du Moyen-Orient (ODTـ). Ce projet prévoit l'arrachage de plus de 3.000 arbres.

Le mouvement de contestation antigouvernemental de juin dernier est parti de la mobilisation d'une poignée de militants écologistes opposés à un projet de réaménagement de la place Taksim d'Istanbul qui prévoyait la destruction d'un parc public, le parc Gezi, et de ses 600 arbres.

Sa répression brutale a sérieusement entamé l'image de M. Erdogan, qui a plusieurs fois affiché sa détermination de ne pas céder face aux 2,5 millions de manifestants qui sont descendus dans les rues de Turquie pour contester son pouvoir.

Depuis la fin de la mobilisation, début juillet, le gouvernement s'est lancé dans un règlement de compte contre ses opposants.
De nombreux manifestants ont été arrêtés, même si la plupart ont été remis en liberté dans l'attente de leurs procès.

La presse, déjà largement contrôlée par le gouvernement, a elle aussi été touchée: des dizaines de journalistes et des éditorialistes de renom ont été licenciés pour avoir exprimé de la sympathie pour les manifestants qui défendaient la laïcité et un mode de vie moderne face à une dérive islamiste supposée du pouvoir.

Si le mouvement de contestation reprend, cela constituera une mauvaise nouvelle de plus pour M. Erdogan, déjà très déçu par l'échec d'Istanbul pour l'organisation des Jeux Olympiques de 2020 et l'annonce par les rebelles kurdes de l'interruption de leur retrait de Turquie dans le cadre d'un processus de paix.