La plupart du temps, nous essayons d'éviter d'infliger une douleur aux autres et quand nous blessons quelqu'un, nous éprouvons habituellement une culpabilité, des remords ou d'autres sentiments de détresse. Mais pour certains, la cruauté peut être agréable et même excitante. Une nouvelle étude, publiée dans la revue Psychological Science, suggère que ce genre de sadisme est plus fréquent qu'on pourrait le penser.

Deux études menées par le psychologue Erin Buckels de l'Université de la Colombie-Britannique montrent que les personnes qui obtiennent un score élevé sur une mesure de sadisme semblent tirer plaisir de comportements qui blessent les autres.

"Il peut sembler difficile de concilier le sadisme avec le concept de fonctionnement psychologique "normal", mais nos résultats montrent que les tendances sadiques chez des personnes par ailleurs bien adaptées doivent être reconnues", dit Buckels. "Ces gens ne sont pas nécessairement des tueurs en série ou des déviants sexuels, mais ils retirent un bénéfice émotionnel en causant ou simplement en observant la souffrance des autres."

Se basant sur leurs travaux antérieurs portant sur la triade noire de la personnalité, Buckels et ses collègues Delroy Paulhus et Daniel Jones, ont fait l'hypothèse que le sadisme est un aspect distinct de la personnalité qui se joint à trois autres - la psychopathie, le narcissisme, et le machiavélisme - pour former une tétrade noire.

Pour vérifier leur hypothèse, ils ont examiné le sadisme de tous les jours dans des conditions contrôlées en laboratoire. Ils ont recruté 71 participants pour une étude qu'ils disaient porter sur la personnalité et la tolérance à des emplois difficiles. Les participants devaient choisir entre plusieurs tâches désagréables: tuer les insectes au moyen d'un moulin à café, aider l'expérimentateur à tuer les insectes, nettoyer des toilettes sales ou tolérer la douleur de l'eau glacée.

12,7% ont choisi la tâche de tolérance à la douleur, 33,8% celle de nettoyage de toilette, 26,8% celle d'aider l'expérimentateur à tuer les insectes et 26,8% celle de tuer les insectes.

Comme attendu, ceux qui ont choisi de tuer des insectes avaient les scores les plus élevés sur une échelle mesurant les pulsions sadiques. Plus ils étaient sadiques, plus ils étaient susceptibles de choisir cette tâche.

Ceux ayant des niveaux élevés de sadisme qui ont choisi de tuer les insectes ont rapporté beaucoup plus de plaisir que ceux qui ont choisi une autre tâche, et leur plaisir semblait être en corrélation avec le nombre d'insectes tués.

Une deuxième étude a montré que, parmi les participants qui avaient des scores élevés aux traits de la triade noire, seuls ceux qui étaient sadiques ont choisi d'intensifier des explosions de bruit blanc dirigées vers un adversaire innocent quand ils réalisaient que ce dernier ne riposterait pas. Ils étaient aussi les seuls à vouloir consacrer plus de temps et d'énergie supplémentaire pour faire sursauter l'adversaire avec le bruit.

Ces résultats suggèrent que les sadiques possèdent une motivation intrinsèque à infliger des souffrances à des innocents, même à un coût personnel, soulignent les chercheurs. Une telle motivation est absente chez les gens qui présentent les traits de la triade noire.

Les chercheurs espèrent que ces résultats permettront d'élargir le point de vue des gens sur le sadisme comme aspect de la personnalité qui se manifeste dans la vie quotidienne en aidant à dissiper l'idée que le sadisme est limité aux déviants sexuels et aux criminels.

Ils continuent d'étudier le sadisme de tous les jours, incluant son rôle dans les comportements de trolling en ligne. La culture du trolling est unique, Buckels, en ce qu'elle célèbre explicitement le plaisir sadique. Ils explorent également des formes vicariantes de sadisme, tel que l'appréciation de la cruauté dans les films, les jeux vidéo et les sports.

Les chercheurs croient que leurs résultats ont le potentiel d'éclairer la recherche et les politiques sur la violence conjugale, l'intimidation, la maltraitance des animaux, et des cas de brutalité militaire et policière.