Avec un mépris prononcé pour la population américaine, le congrès américain a rejeté lundi la décision de passer une résolution portant sur le financement des activités fédérales en paralysant, dès mardi matin à minuit une, de vastes sections du gouvernement.

Le sénat, qui est contrôlé par les démocrates, a rejeté tout au long de la journée les projets de lois de financement soumis par la Chambre des représentants, dominée par les républicains, et qui comprenaient des retards dans la mise en œuvre d'un remaniement général des soins de santé du gouvernement Obama qui avait été adopté en 2010 et qui doit devenir pleinement opérationnel l'année prochaine.

La Chambre, quant à elle, a refusé d'adopter une résolution permanente en l'absence de telles dispositions. Alors que les républicains du Tea Party à la Chambre ont joué le rôle prédominant dans le blocage d'un projet de loi du gouvernement de financement temporaire, dans l'espoir de profiter de l'opposition populaire à la « réforme » réactionnaire des soins de santé d'Obama, la Maison Blanche et les démocrates du congrès ont semblé bien accueillir un blocage.

Ils calculent que la colère populaire se concentrera sur les républicains et que la crise qui s'ensuivra renforcera les divisions au sein du Grand Old Party [Parti républicain, GOP] tout en fournissant une couverture politique au gouvernement Obama pour intensifier ses attaques contre les programmes sociaux et augmenter ses cadeaux fiscaux pour le patronat conformément aux exigences des républicains.

La Maison Blanche et la direction des démocrates au Sénat ont rejeté une proposition lancée lundi par des républicains du Sénat et de la Chambre qui s'opposaient à un blocage budgétaire visant à prolonger le financement des activités gouvernementales durant une semaine dans le but de poursuivre les négociations.

Parallèlement, les démocrates à la Chambre ont proposé de soutenir une loi de financement qui accepterait le niveau des dépenses de 986 milliards de dollars avancé par les républicains, soit 42 milliards de dollars de moins que la proposition de 1,028 millier de milliards de dollars faite par les démocrates. En annonçant la proposition, la dirigeante de la minorité démocrate à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a dit que le chef de file de la majorité au Sénat, Harry Reid (démocrate du Nevada) avait indiqué son soutien pour cette décision.

Bien que la direction des républicains ait refusé d'abandonner sa demande de prorogation de la Loi sur les prestations de soins (Affordable Care Act, ACA), la concession démocratique préfigure la voie dans laquelle la crise du gouvernement sera utilisée pour pousser vers la droite l'ensemble du programme national en augmentant les coupes dans des programmes de base comme les coupons nourriture (Food Stamps), Medicaid, Medicare et la sécurité sociale.

Ce blocage aura un impact punitif pour des millions de travailleurs et de pauvres. Dans le même temps, les activités du gouvernement jugées essentielles par l'élite financière et patronale seront en grande partie épargnées. Les militaires en uniforme, la CIA, l'Agence de sécurité nationale, le Département de la sécurité de la Patrie (Department of Homeland Security) et le reste des agences impliquées dans l'agression impérialiste américaine, la subversion à l'étranger et l'espionnage ainsi que la répression dans le pays ne seront pratiquement pas affectés.

La Réserve fédérale continuera d'injecter 85 milliards de dollars par mois dans les marchés financiers, faisant ainsi gonfler les cours des actions et sauvegardant les bénéfices des entreprises.

Mais, plus de 800.000 sur les 2 millions d'employés fédéraux seront mis à pied sans salaire tant que durera le blocage, dont la moitié des 800.000 travailleurs civils du Pentagone. Des centaines de milliers d'autres employés fédéraux seront contraints de travailler sans salaire. Il s'agit de travailleurs qui ont déjà enduré les conséquences d'un gel de salaire de trois ans imposé par le gouvernement Obama tout comme des semaines sans paye suite aux coupes du séquestre proposées par la Maison Blanche en 2011 et qui sont entrées en vigueur en mars dernier [le Budget sequester, est une procédure américaine créée en 1985 et modifiée à plusieurs reprises, elle impose au Trésor public de refuser automatiquement de procéder aux paiements ordonnés par l'Etat au-delà d'un plafond de dépenses totales prédéfini. ndt].

Dans tout le pays, le revenu personnel des travailleurs fédéraux a chuté en moyenne de 0,8 pour cent au second trimestre de cette année.

Les sections les plus vulnérables de la société seront les plus durement touchées. Le programme fédéral pour les femmes, les nourrissons et les enfants (Women, Infant and Children, WIC), qui fournit de la nourriture aux femmes et aux enfants disposant d'un bas salaire, sera supprimé. Les demandes de prestations d'invalidité des vétérans cesseront d'être traitées.

L'ensemble des parcs et des musées nationaux sera fermé, dont le Smithsonian Institution in Washington DC. Des ministères fédéraux entiers - y compris du Commerce, de l'Education, de l'Energie, l'agence de Protection environnementale, du Logement et du Développement urbain, du Travail, de la NASA et les Instituts nationaux de la Santé - seront quasi fermés.

Le blocage aura un impact tout particulièrement dévastateur dans la région de Washington DC où le gouvernement fédéral représente un tiers de l'économie locale. L'on estime que la capitale du pays perdra 200 millions de dollars par jour et plus de 700.000 emplois seront affectés. La collecte des ordures et les bibliothèques pourraient être touchées.

La région de Washington a déjà perdu 26.500 emplois net en août en raison des coupes du séquestre et du chômage technique.

La date limite de financement et le blocage pourraient être le prélude à une crise encore plus grave concernant le plafond légal de l'endettement fédéral. A un moment donné, vers la fin du mois d'octobre, le gouvernement fédéral atteindra son actuel plafond de la dette. Les républicains à la Chambre menacent une fois de plus de lier un projet de loi augmentant la limite de la dette à des dispositions interdisant ou retardant « Obamacare » en brandissant le spectre d'une faillite nationale.

Les deux crises, celle du financement gouvernemental et celle du plafond de la dette, sont totalement fabriquées. Il y a eu depuis 2010 trois crises gouvernementales similaires, en 2010, au sujet de l'extension des réductions d'impôt de Bush pour les riches, en 2011 au sujet du plafond de la dette et en 2012 au sujet du soi-disant « mur budgétaire » (« fiscal cliff »). A chaque fois se trouvait derrière l'« impasse » et les récriminations un élément significatif de manipulation bipartisane pour pousser le programme d'austérité davantage à droite. La conséquence en a été des réductions des dépenses s'élevant à des milliers de milliards de dollars.

En 2011, Obama avait soumis aux républicains un « grand marchandage » (« grand bargain ») sur la réduction du déficit incluant des attaques historiques contre ce qui reste des deux principaux programmes sociaux du New Deal et de la Great Society, à savoir la sécurité sociale et Medicare. Il a proposé de réduire l'indice du coût de la vie compensant la perte du pouvoir d'achat, il a introduit un examen des ressources pour bénéficier de la sécurité sociale et a relevé l'âge auquel on peut bénéficier de Medicare - en plus des coupes de 500 milliards de dollars de Medicare qui sont intégrées à la Loi ACA.

Ces derniers jours, Obama a réitéré son empressement à élaborer un « grand bargain » bipartisan pour réduire drastiquement les programmes sociaux et la taxe professionnelle. Lundi, la sénatrice républicaine du Maine, Susan Collins, adversaire du blocage du gouvernement, a réclamé des négociations à la fois sur le budget et le plafond de la dette dans le but d'atteindre un plan suffisamment exhaustif pour réduire le déficit aux dépens de la classe ouvrière.

Il ne fait pas de doute que la conséquence de la crise actuelle sera une extension des coupes du séquestre, qui devrait totaliser 1,2 milliers de milliards de dollars sur les huit prochaines années, une coupe massive des coupons alimentaires (les deux Chambres du Congrès ont déjà adopté des projets de loi réduisant le programme de plusieurs milliards de dollars) et des attaques sans précédent des soi-disant programmes « d'aide et de prestations », c'est à dire la sécurité sociale, Medicare et Medicaid.

Derrière l'apparence d'une guerre partisane se cache un vaste consensus entre les deux partis qui sont contrôlés par le patronat pour imposer le poids total de la crise du système capitaliste à la classe ouvrière. Au sein de l'establishment politique, il n'existe pas d'aile pour une « réforme libérale ». Aucun ténor du Parti démocrate ne réclame des mesures sérieuses pour venir à bout du chômage, de la baisse des salaires ou de l'aggravation de la pauvreté, de la faim et du nombre de sans-abris. Les deux partis sont d'accord pour perpétrer un assaut historique contre l'éducation publique et les soins de santé pour la population laborieuse.

L'attaque arrogante et brutale à l'encontre de la population qui est incarnée par le blocage du gouvernement souligne la nécessité pour la classe ouvrière de rompre avec ces deux partis du monde des affaires et de construire un mouvement socialiste indépendant dans le but de sauvegarder les droits sociaux fondamentaux des travailleurs.