En suivant le modèle chypriote, la Grèce et l'Irlande, dont les banques restent plombées par des actifs toxiques, sont sans doute les prochains candidats pour la mise en œuvre de la nouvelle technique de résolution bancaire, celle du bail-in. [1]

Selon l'agence Reuters, un nouveau rapport du Fonds monétaire international (FMI) affirme que l'Irlande aura besoin d'une nouvelle injection d'argent public (argent du contribuable) une fois que le renflouement en cours sera arrivé à son terme à la fin de l'année. Ceci contredit l'image idyllique selon laquelle un miracle serait en train de se produire dans le pays, grâce au renflouement précédent mis en œuvre après l'éclatement de la crise.

La réalité est que le pays est criblé de dettes, de même que son secteur bancaire. Le FMI concède dans son rapport que « le boom des exportations » normalement mis en avant par les médias n'est en réalité qu'une hausse « modérée » et que la dette irlandaise va atteindre 123 % du PIB national d'ici la fin de l'année. La situation des banques est encore pire :
Les banques irlandaises font face à un taux de profit peu élevé, qui nuit à leur capacité à prêter plus. Des soutiens européens pour faire baisser leurs coûts d'emprunt sur les marchés pourraient les aider à soutenir une reprise soutenue de la demande domestique dans le moyen terme, protégeant la soutenabilité de la dette et la confiance des marchés.
La première phase du renflouement (externe) de 85 milliards d'euros doit arriver à son terme à la fin de l'année et l'Irlande devait être à l'abri de tout nouvel effort en ce sens. Le rapport affirme toutefois que « les perspectives à court terme sont faibles et des défis significatifs en matière fiscale, dans le secteur financier et en termes de chômage vont demeurer ».

La crise s'accentue en Grèce

En Grèce, la majeure partie du secteur bancaire a été « consolidée » au cours de l'année dernière grâce à des fusions-acquisitions, pour former 4 quatre banques « systémiques » qui ont été recapitalisées à hauteur de 50 milliards d'euros par voie de renflouement externe. On apprend maintenant que le secteur bancaire grec détient encore 65 milliards d'euros de prêts non productifs, selon le quotidien Greek Reporter ! Ceci correspond à 29% des prêts totaux, soit quatre fois plus que la moyenne de la zone euro en 2012.

Le fond d'investissement américain Black Rock effectue actuellement une étude pour le compte du gouvernement grec, sur l'état des actifs détenus par les banques du pays. Une fois complétée, on peut s'attendre à ce qu'une division des quatre mégabanques soit initiée, avec la création, toujours sous l'œil bienveillant de la Troïka, de « bad » et de « good banks ».

Ici encore, il est clair que les banques grecques auront besoin, comme les banques irlandaises, d'un nouveau renflouement, même si rien ne nous permet pour l'instant d'affirmer qu'il sera interne. Nous savons toutefois que les autorités de la Troïka auront bien du mail à faire avaler aux peuples européens une nouvelle vague de renflouements externes, directement financés par le contribuable.

Bien sûr, avec une nouvelle loi du type Glass-Steagall, il serait possible, une fois les banques d'affaires séparées des banques commerciales, de ne faire payer que les actionnaires et les créditeurs des premières sans toucher aux dépôts rassemblés dans les deuxièmes ; une solution toutefois rejetée d'emblée par les autorités européennes, et qui ne laisse plus, au final, que la solution du renflouement interne tel que défini par les nouvelles lois de résolution bancaire en voie d'adoption dans toute l'Europe.

Entre temps, le gouvernement grec a décidé de prendre les devants en tentant de neutraliser toute opposition prévisible à cette politique, qui sera accompagnée de mesures d'austérité encore plus brutales. D'où la déclaration du Premier ministre Samaras cherchant à mettre dans le même sac le principal parti d'opposition Syriza et le parti d'extrême droite Aube dorée.

Samaras a affirmé lors d'une conférence au Peterson Institute à Washington le 2 octobre qu'il entendait, après avoir démantelé l'Aube dorée, s'occuper de « l'autre extrême » (Syriza, assimilé par lui à la gauche la plus extrême) opposée à la présence de la Grèce au sein de la zone euro et de l'OTAN.

Ainsi, une fois démembré Syriza, il ne resterait qu'à trouver un autre prétexte pour en finir avec l'autre partie de l'opposition légitime à la Troïka, le parti des Grecs indépendants qui, bien que classé à droite et disposant de 33 députés à la chambre, a été complètement ignoré par la presse européenne au cours de l'élection de 2012, au profit de l'Aube dorée (18 députés).

Rappelons que la coalition au pouvoir, le parti Démocratie nouvelle (sic) du Premier ministre Samaras et le Pasok (les socialistes, qui ont piloté l'entrée de la Grèce dans la zone euro) avaient de justesse gagné l'élection de 2012 sur Syriza et les Grec indépendants, avec un maigre 32,1% des voix.

Note :

[1] A l'opposé du bail-out (renflouement externe avec l'argent public), le bail-in implique le renflouement d'une institution financière en difficulté avec les moyens internes, c'est-à-dire les actionnaires, les détenteurs d'obligations ainsi que les créanciers non-garantis, c'est-à-dire les dépôts dépassant les 100 000 euros. Voir notre vidéo Résolution bancaire : quand le vol devient légal.