Traduction par le BBB
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Le légendaire roi Arthur est aujourd'hui connu comme le roi breton (Note : ce qu'on appelait alors la "Bretagne" comprenait la Bretagne française et la partie sud de la Grande-Bretagne) qui chevauchait avec les Chevaliers de la Table Ronde et qui livra douze batailles épiques. Il résidait à Camelot, endroit qui alimente toujours les débats aujourd'hui. Et après avoir reçu un coup mortel pendant sa dernière bataille, il fut emmené sur l'île mythique d'Avalon.


Ce qui est bien moins connu est qu'une bonne partie de la légende arthurienne est due à Geoffrey de Monmouth et à d'autres écrivains dès le douzième siècle. Geoffrey ajouta à la légende le père d'Arthur, Uther Pendragon, son conseiller magicien Merlin et le récit de la conception d'Arthur. Son travail a été jugé "imaginaire" et "fantaisiste". Dans quelle mesure s'est-il inspiré d'archives anciennes et dans quelle mesure n'était-ce qu'une invention littéraire ?

Quand on examine les archives - celles qui survivent aujourd'hui - en détails, il n'existe que très peu de matériaux concernant Arthur. En fait, le journaliste Adrian Berry pose une très pertinente question : "Pourquoi les événements d'avant l'époque arthurienne - le déclin de l'empire romain, avec ses guerres, les traités et assassinats - ont-ils été déterminés avec précision, comme le furent ceux après Arthur, alors que le siècle intermédiaire est plein d'histoires fantastiques de princesses qui vivaient au fond de lacs et de chevaliers dont les têtes tranchées qu'ils portaient sous le bras parlaient ?"

Pour expliquer cette apparente anomalie, Berry suggérait que, "des parties de notre histoire sont périodiquement occultées, avec parfois des civilisations entières éradiquées par l'impact de débris venant du ciel". Un quelconque cataclysme aurait-il pu se produire à l'époque d'Arthur qui n'aurait pas été correctement enregistré à ce moment-là ? Cela fut-il transformé plus tard en mythe pour créer le personnage que nous connaissons aujourd'hui sous le nom d'Arthur et la totalité des récits qui l'accompagnent ?

Il est peut-être utile de démarrer par la fin du récit d'Arthur, à savoir sa mort supposée au milieu du 6ème siècle. Bien que certains chercheurs associent Arthur au 5ème siècle, aussi bien Geoffrey de Monmouth que les Annales du Pays de Galles situent la mort d'Arthur aux environs de 540. Geoffrey dit qu'Arthur mourut à la bataille de Camlann en 542. Les Annales du Pays de Galles (Annales Cambriae), peut-être plus fiables, disent qu'Arthur et Mordred (son fils ou neveu) "tombèrent" lors de l'affrontement de Camlann". Bien qu'il n'y ait aucune certitude concernant la date des Annales galloises, la plupart sont d'accord sur un événement raccordé aux années 537 ou 539.

Chose intéressante, les sources les plus anciennes ne décrivent pas Arthur comme un roi mais appliquent plutôt un terme traduit comme "chef de bataille". C'est corroboré par un clerc gallois du 9ème siècle nommé Nennius, qui établit une distinction entre Arthur et les rois de Bretagne. Il déclare aussi que lors de la précédente bataille du Mont Badon, Arthur élimina 960 hommes en une seule sortie. Il était soit surhumain, soit il existe des zones d'ombre le concernant.

Nonobstant les étonnants exploits d'Arthur, qui ont pu être enjolivés par les bardes au fil des siècles, plusieurs Arthur historiques ont été proposés par divers auteurs. David Hugues, par exemple, pense qu'existait un vrai Arthur né en 479, devenu roi en 507 et mort en 537, alors qu'Alan Wilson et Baram Blackett suggèrent qu'il y avait deux rois Arthur. Ils fournissent des preuves solides d'un personnage Arthur I dès le 4ème siècle, qu'ils considèrent comme une sorte d'empereur de l'Europe de l'ouest siégeant en Bretagne. Ils redonnent ensuite une preuve d'un deuxième roi Arthur plus local qui vécut au sud du Pays de Galles entre 503 et 579. Leur conclusion est que l'Arthur moderne est un mélange des deux.

Wilson et Blackett pense que leur deuxième Arthur vivait à un moment durant lequel la Bretagne fut dévastée par une comète. Leur récit, repris à leur propre compte par plus d'un auteur, se termine par le départ de l'Arthur gallois pour l'Amérique qui mourra plus tard dans le Kentucky et sera ramené au Pays de Galles pour y être enterré. Tiré par les cheveux, pourront penser certains, mais on trouve de nombreuses preuves qu'un dirigeant local nommé Arthmael ('Ours de fer') ou Arthwys ('celui qui dirige/instruit) a réellement existé.
Pourtant il y a un chercheur plutôt compétent spécialiste du 6ème siècle, c'est le professeur Mike Baillie de l'université de Queen, à Belfast.

Le Pr Baillie a aidé au développement de la science de la dendrochronologie, ou datation des anneaux des arbres. Cette méthode relativement précise pour juger des conditions de croissance des arbres depuis plusieurs milliers d'années montre que - pour citer Baillie et son collaborateur - "des chênes européens aux pins de Suède, en Mongolie et de la Californie au Chili, les chronologies ont permis d'observer des effets extraordinaires au cours des années 536 à 545".

David Keys a écrit un livre sur cet événement-même, intitulé Catastrophe - Une enquête sur les origines du monde moderne. Keys a recherché dans des sources historiques des indices, comme un "brouillard sec" persistant en Méditerranée, qui dura entre 12 et 18 mois et entraîna "un printemps sans douceur et un été sans chaleur", pour utiliser les mots d'un chroniqueur latin.

En Europe du nord, les Annales Irlandaises ont enregistré "un manque de pain" en 536 et 539, alors que les Annales galloises rapportent qu'à partir de 537 il y a eu la peste pendant presque les 20 années suivantes. On l'avait nommée Peste Jaune. À rapprocher peut-être de la peste de Justinien, nommée d'après l'empereur romain Justinien, qui fit irruption en Méditerranée orientale dans les années 540.

D'autres parties du monde ne furent pas épargnées. Par exemple, en Amérique du sud à cette époque, les cultures Moche et Nasca furent dévastées par des sécheresses, pendant que dans les terres mayas de l'Amérique centrale il y eut une baisse dans l'activité de construction et d'inscription. En Chine, les archives contemporaines ont enregistré de la poussière jaune tombant comme de la neige, de graves sécheresses, un gel inhabituel en été, des inondations massives et des morts par famine.

À la lumière de ces faits, David Keys suggère que l'humanité fut touchée par l'une des plus grandes catastrophes naturelles jamais survenue, qui a conduit à un chaos climatique, à la famine, à des migrations, à la guerre et à des changements politiques importants sur virtuellement tous les continents. Cette catastrophe avait toutes les caractéristiques d'un hiver nucléaire. Pour Keys, une éruption volcanique majeure était probablement la responsable. Il privilégia le Krakatoa, dans l'Indonésie actuelle, comme premier coupable et suggéra même qu'un bruit très violent enregistré en Chine pendant l'année 535 aurait pu être l'explosion du volcan.

Malgré la preuve d'une activité volcanique du milieu du 6ème siècle découverte par des glaciologues, il existe aussi des preuves d'un phénomène cométaire à cette période-là. Des astronomes pensent que dans la période entre 400 et 600, il y a eu un risque accru de bombardement. Deux de ces astronomes, Victor Clube et Bill Napier expliquent que "le fait dominant n'est pas la collision avec les comètes elles-mêmes, mais avec leurs débris." Ce qui veut dire que la Terre s'est retrouvée à une occasion dans le sillage d'une grosse comète active en cours de désintégration, et qu'elle a subi directement la poussière et les roches de la traîne.

Divers scientifiques se sont montrés favorables à l'influence d'une comète. Des chercheurs de l'université de Cardiff ont conclu que l'événement survenu aux environs de 535 aurait pu être causé par un fragment de comète d'une taille d'environ un demi-kilomètre qui aurait explosé dans la haute atmosphère. Dallas Abbott de l'université de Colombia a suggéré qu'un objet d'une taille identique s'est désintégré et a impacté la terre au large de l'Australie il y a à peu près 1500 ans.

Un autre chercheur, Leroy Ellenberger, proposait qu'à la place d'un événement majeur en lien avec une comète, le chaos climatique a été dû à "des tempêtes périodiques de grosses météorites, ponctuées par des manifestations répétées du style Tunguska". Il parle ici de l'étrange événement de 1908 ayant fait tomber les arbres comme des dominos sur une vaste portion du territoire sibérien, éclairant les cieux d'Europe et d'Asie pendant plusieurs nuits de suite.

Quelle que soit la théorie, il existe de façon certaine une preuve historique de ce que les scientifiques appellent un "vecteur cosmique" - quelque chose de plus qu'une activité volcanique terrestre qui entraîne un chaos climatique. Cette preuve commence avec des étoiles filantes et des pluies de météorites enregistrés autour de 530 en Chine et en Méditerranée, qui a conduit un écrivain de l'époque à commenter que "quelque chose de mystérieux et d'inhabituel semble venir sur nous en provenance des étoiles". Plus tard, il y eut cependant une preuve plus spécifique de comète.

En 538, une comète était visible selon l'historien Edward Gibbon. Une comète "semblait suivre le Sagittaire : sa taille augmentait graduellement ; sa tête était à l'est, sa queue à l'ouest, et elle resta visible plus de 40 jours. Les nations qui la regardaient avec stupéfaction s'attendaient à des guerres et des calamités de par son influence funeste ; et ces attentes furent abondamment réalisées".

Zacharie de Mitylène écrivit qu'aux environs de 538/539, "une grande et terrible comète apparut dans le ciel pendant 100 jours à l'heure du crépuscule". Pareillement, l'historien médiéval Roger de Wendover exposait que, "en l'an de grâce 541, apparut une comète en Gaule, si grande que le ciel tout entier semblait en feu. La même année, du ciel tomba du vrai sang et s'ensuivit une effrayante mortalité". Bien que les historiens rejettent ce qui précède comme une fantaisie médiévale, il semble bien y avoir une correspondance avec d'autres preuves que les cieux étaient la cause d'un chaos climatique.

Un moine, Gildas, écrivant autour de 540, écrivit que "l'île de Bretagne fut en feu d'une mer à l'autre...jusqu'à ce qu'il ait brûlé presque toute la surface de l'île et léché l'océan à l'ouest avec sa féroce langue rouge". Ce sont les éléments de preuve utilisés par Wilson et Blackett pour soutenir leur théorie que la Bretagne fut ravagée et rendue en partie inhabitable, à cause d'une comète. Eux et d'autres pensent que c'est la raison pour laquelle les saxons n'eurent aucun mal à s'installer en Bretagne - il ne restait pas beaucoup de bretons survivants pour les arrêter.

Un peu plus tard une autre preuve est apportée également par Jean d'Asie (ou Jean d'Éphèse), qui décrivit "le monde secoué comme un arbre par le vent pendant 10 jours". Les murs de Constantinople s'effondrèrent, des régions de Méditerranée orientale et d'Afrique du nord furent inondées par la mer, pendant que des nations et des cités entières auraient été touchées par un "bolide", qu'un auteur a assimilé à la queue de la comète.

Même Geoffrey de Monmouth s'y est mis, parlant de l'apparition d'une "étoile de grande magnitude et brillance, dont sort un unique rayon de lumière. Au bout de ce rayon il y a une boule de feu, qui se déploie en forme de dragon". Les rais de lumière sortant de ce 'dragon' s'étendaient vers la Gaule et la mer d'Irlande. Cette étoile serait apparue trois fois, et "tous ceux qui la virent étaient frappés de terreur et d'émerveillement". À quelle période du 6ème siècle cet événement s'est produit n'est pas clair, mais il dénote l'influence de comètes sur la vie du 6ème siècle.

On peut aussi établir un lien entre la légende arthurienne de Geoffrey et ce qui a pu réellement se produire au 6ème siècle. On considère en général que Geoffrey a introduit le personnage de Uther Pendragon, qui aurait été le père d'Arthur. Sachant que Uther se traduit par "terrible" (ou horrible ou merveilleux) et que "pen" signifie "tête", il y a une bonne raison de penser qu'Uther Pendragon signifiait, "Tête terrible de dragons", avec 'dragons' au pluriel.

Les dragons peuvent très bien se référer à des comètes et/ou des météorites - comme on l'a vu au cours des âges sur diverses descriptions illustrées de comètes ressemblant à des dragons. En outre, les archives chinoises notent que quand des 'dragons' passaient, "on retrouvait tous les arbres couchés". Leroy Ellenberger a donc suggéré que vraisemblablement les récits de dragons du 6ème siècle étaient associés à Arthur et que Beowulf (poème de la tradition orale anglo-saxonne, NdT) s'inspirait de la détonation de débris de comètes dans la haute atmosphère.

Comme ces comètes et météorites sont des objets brillants du ciel, les peuples anciens auraient-ils pu les relier à un autre objet stationnaire du ciel : le soleil ? Le soleil était peut-être considéré comme la terrible tête (ou le chef) des comètes qui tourmentaient la terre. Si c'est le cas et si Arthur était vraiment le fils d'Uther, serait-il en fait une comète ? Chose surprenante, des arguments plaident en faveur de cette idée.
Le Pr Baillie, qui rédigea ou fut le co-auteur des livres L'Exode d'Arthur et Les dieux celtes - Comètes de la mythologie irlandaise, relie Arthur et Merlin aux récits de dieux celtes. Baillie conclut que sous-jacent à tous ces personnages existe un symbolisme de comète. Par exemple, il note qu'un auteur du 15ème siècle a décrit l'épée d'Arthur, Excalibur, comme "si brillante dans les yeux de ses ennemis qu'elle donnait la lumière de 30 torches". Cette lame "brillante" d'Excalibur pouvait potentiellement représenter la queue de la comète.

De plus, on disait qu'Arthur dirigeait la Chasse Sauvage dans le ciel. Cela consistait en une meute de chiens de chasse blancs, avec parfois des oreilles rouges, qui parcouraient les cieux pendant les nuits d'orage. Arthur est également représenté dans le folklore comme un vent tempétueux impossible à stopper. Tout cela pourrait être envisagé comme symbolisant aussi des comètes et des débris cométaires qui tombent sur terre, et les liens avec Arthur sont renforcés par la dernière apparition dans la légende arthurienne d'un "lieu de désolation" - le genre de lieu qui pourrait avoir été causé à la suite d'une rencontre rapprochée avec un "vecteur cosmique".

Pour finir, les Annales galloises exposaient que pendant la bataille de Camlann à la fin des années 530, "Arthur et Mordred tombèrent et il y eut de la mortalité en Bretagne et en Irlande". Si Arthur et Mordred étaient des comètes se désintégrant plutôt que des combattants humains, cela pourrait-il expliquer le manque de références à Camlann dans la liste des batailles terrestres établie par Nennius ?

L'un des défauts de cette théorie où 'Arthur égale comète' est que Arthur, fut considéré, dans une légende plus tardive, comme une image de héros. De plus, bien qu'Arthur et Mordred soient "tombés" à Camlann, c'est Mordred qui est décrit comme le méchant notoire. En effet, les Triades galloises disent que dans l'un des trois 'ravages effrénés de Bretagne', un personnage appelé Medrawd (Mordred) est arrivé à la cour d'Arthur, qu'il y a consommé toute la nourriture et la boisson et qu'il a tiré Guenièvre de son trône et l'a frappée.

Une interprétation large d'esprit de cet événement pourrait être qu'Arthur était la terre, Mordred la comète en route et Guenièvre (l'épouse d'Arthur) la lune, qui fut touchée par les débris de la comète et dont l'orbite varia brièvement. Il existe cependant une dernière théorie : qu'Arthur serait le soleil, la cour d'Arthur notre système solaire. C'est encouragé par le fait qu'il y avait un dieu solaire chez les anciens celtes qui se nommait Artaois, et qu'Arthur était décrit dans les antiques contes gallois comme possédant de flamboyants cheveux roux mais qu'il était rasé de près avec les cheveux coupés court. Étant donné que les comètes étaient considérées comme des 'étoiles chevelues' en raison de leurs queues traînant derrière elles, le soleil serait logiquement celui 'rasé de près'.

Quelle que soit la solution, il y a une preuve solide que les éruptions volcaniques qui ont contribué à la catastrophe climatique du milieu du 6ème siècle doivent être vues à la lumière d'un phénomène cométaire qui a pu en être la cause première. Et étant donné qu'Arthur serait mort à l'époque même de la survenue de cet événement, il y a une bonne raison pour tenter d'interpréter la légende arthurienne comme une version 'mythologisée' d'événements qui se sont passés dans le ciel.