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Daisy Coleman: victime de la culture psychopathique made in USA
L'un des livres (dans la catégorie histoires vraies) les plus prenants que j'aie jamais lus est In Broad Daylight [en plein jour - NdT], de Harry N. MacLean, un compte-rendu authentique de la vie et de la mort de Ken Rex McElroy, un voleur, escroc et, plus généralement, pitoyable représentant de la race humaine, qui sévissait à Skidmore, Comté de Nodoway, Missouri, USA.

Avec force détails crus et choquants, MacLean expose la nature véritablement psychopathique de McElroy, qui intimida, terrorisa et maltraita ses femmes, ses enfants et la population locale pendant plusieurs années. La justice se faisait attendre, McElroy déjouant sans cesse les tentatives de la police locale de le prendre sur le fait et utilisant le système judiciaire pour s'en tirer à bon compte et ne pas avoir à répondre de son comportement monstrueux. Finalement, après le meurtre par balle du propriétaire d'un magasin du coin par McElroy, les gens de la ville, galvanisés, décidèrent de faire justice eux-mêmes, et McElroy fut abattu « en plein jour » dans une rue de Skidmore, alors qu'il était assis dans son camion. Personne ne fut jamais inquiété pour son meurtre. Peu de gens (voire personne) pleurèrent sa mort.

J'ai repensé à cette histoire récemment, car depuis quelque temps, une ville située dans le Comté de Nodoway, Missouri (non loin de Skidmore) et ses habitants font l'actualité.

En janvier 2012, Daisy Coleman, 14 ans, et une de ses amies (13 ans) sortent en douce de la maison de Daisy, à Maryville, Comté de Nodoway, vers 1h du matin. Elles rejoignent deux « athlètes » de leur lycée et montent dans leur voiture. L'un des « athlètes », Matthew Barnett, et son copain conduisent Daisy et son amie chez Barnett. Là, on donne à Daisy un grand verre d'alcool que les garçons appellent la « bitch cup » [tasse à salope - NdT] ; après, c'est le trou noir, Daisy ne se souvient de rien. Quelques heures plus tard, Melinda, la mère de Daisy, retrouve sa fille dehors, en état d'hypothermie, en train de gratter à la porte de la maison familiale. C'est en aidant Daisy à prendre un bain que Melinda remarque les rougeurs autour des parties génitales et des fesses de sa fille. « Ça fait mal », dit Daisy lorsque sa mère l'interroge sur ces rougeurs. Ensuite, Daisy fond en larmes.

Dans cette affaire, les faits sont on ne peut plus clairs. Daisy a été droguée par les garçons qui se trouvaient chez Barnett, a été violée par Matthew Barnett, transportée, dans un état délirant, hors de la maison, reconduite chez elle en voiture, et jetée dehors dans le froid, à des températures en dessous de zéro. Les garçons se fichaient de savoir si Daisy vivrait ou mourrait. L'un d'eux a plus tard déclaré dans son témoignage que, tandis qu'ils la portaient jusqu'à la voiture, Daisy pleurait. L'amie de Daisy a également été violée par l'un des garçons, qui a admis lors d'un interrogatoire conduit par le shériff local que la jeune fille avait dit « non » à de nombreuses reprises.

Comprenant ce qui s'est passé, le mère de Daisy appelle immédiatement le 9/11. On lui dit d'emmener Daisy à l'hôpital St Francis de Maryville. Le rapport médical de Daisy fait état de petites déchirures vaginales, indiquant une récente pénétration sexuelle. Le lendemain, la police interroge tous les garçons présents au domicile de Barnett la veille et collectent des preuves, dont un téléphone portable utilisé pour filmer le viol.

Barnett, qui a été arrêté et inculpé d'agression sexuelle (un crime) et de mise en danger de la sécurité d'un enfant (un délit) a admis avoir eu des relations sexuelles avec Daisy, et avoir été conscient du fait qu'elle avait bu. Il a soutenu que la relation sexuelle était consentie. L'ami de Barnett, Jordan Zech, a été inculpé d'exploitation sexuelle sur mineur, pour avoir filmé l'agression. Seulement, en l'espace de deux mois, les poursuites contre les deux garçons ont été abandonnées.

L'Amérique provinciale - pareille que l'Amérique des grandes villes

Comme de nombreuses villes dans cette partie des USA, Maryville est régulièrement décrite comme une « communauté très soudée », ce qui, dans ce cas, s'avère être un euphémisme auquel ont recours les médias dominants pour désigner « une ville habitée et dominée par des crétins étroits d'esprit, arriérés et sans conscience - et leur progéniture ».

L'auteur d'In Broad Daylight, Harry MacLean, a fait remarquer que Maryville « a beau être une grande ville en milieu rural, on est toujours en milieu rural... tout tourne autour de plusieurs familles influentes. Toutes ces petites villes fonctionnent de la même manière, là-bas. Il y a quatre, cinq ou six familles dominantes. »

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L'ancien membre du Congrès Rex Barnett : il fait juste son boulot
Le nom de famille Barnett est réputé être très influent à Maryville et dans l'État du Missouri lui-même. Le grand-père de Matthew Barnett, Rex, a « servi » quatre mandats en tant que membre républicain de la chambre des Représentants du Missouri, avant de se retirer en 2002. Rex a nié avoir utilisé son influence pour faire abandonner les poursuites contre son petits-fils ; toutefois, vu que c'est un ancien politicien au long cours, on ne peut guère accorder de crédit à ses propos. Rex Barnett a également des liens politiques avec Robert Rice, le procureur de Comté de Nodaway. La petite-fille de Barnett a travaillé comme bénévole sur la campagne du républicain Sam Graves, et Graves est l'employeur de la sœur de Rice, qui travaille comme assistante dans un service d'administration publique.

Le procureur Rice a affirmé que les poursuites contre les garçons avaient été abandonnées parce que Daisy et sa mère avaient toutes deux « invoqué le 5e Amendement » [c.à-d, refusé de répondre aux questions - NdT]. Toutefois, la mère de Daisy a depuis fourni des enregistrements de conversations entre elle et Rice où elle affirme clairement que Daisy et elle ont toujours été déterminées à poursuivre leur action contre les garçons. Melinda admet que, lorsque la plupart des poursuites contre les garçons ont été abandonnées et qu'un seul délit a été retenu, elle a brièvement laissé entendre qu'elle ne voulait pas continuer les poursuites par souci du bien-être de Daisy, mais que, dès le lendemain, elle a changé d'avis et en a informé Rice. Il semble donc que le procureur Rice s'est malhonnêtement servi des inquiétudes de Melinda concernant les possibles effets sur la santé mentale de Daisy d'une action publique qui n'entraînerait qu'une inculpation mineure pour un des garçons, pour leur faire porter la responsabilité, à elle et sa fille, du classement de l'affaire.

La vérité s'avère bien plus sinistre.

Pire encore, Rice a apparemment omis ne serait-ce que d'informer Melinda Coleman de l'abandon des poursuites. Dans une lettre envoyée à Rice le 19 mars, une semaine après le classement sans suite, l'avocat de Coleman écrit : « J'ai appelé votre bureau à de nombreuses reprises la semaine dernière, dans la tentative d'obtenir des informations précises qui me permettraient d'expliquer votre décision à ma cliente. Vous n'avez pas donné suite à mes appels. »

Une majorité des habitants du coin a, semble-t-il, pris parti pour les deux garçons et leurs familles. Daisy, sa mère et ses frères ont tous été diffamés et attaqués dans des commentaires postés sur Facebook et Twitter. Dans l'un de ces nombreux tweets haineux, on peut lire : « Va te faire f..... Ça t'apprendra a être une sale pouffe :) »

Un parent d'un des adolescents présents chez Barnett cette nuit-là a déclaré à un journal local : « Nos garçons méritent des excuses, et ils ne les ont toujours pas obtenues. » Le procureur Rice a déclaré qu'il s'agissait d'une histoire d'« adolescents incorrigibles » qui boivent de l'alcool et couchent ensemble. « Ils ont fait ce qu'ils avaient envie de faire, et il n'y a eu aucune conséquence. »

L'avocat de Matthew Barnett a déclaré : « Ce n'est pas parce que nous n'approuvons pas le comportement des adolescents qu'il s'agit pour autant d'un crime. »

Le shériff White, qui a enquêté sur l'affaire, maintient toutefois qu'il n'y a « aucun doute » sur le fait qu'un crime a été commis cette nuit-là. Le docteur qui a pris Daisy en charge le lendemain de l'agression a qualifié de « surprenante » la décision du procureur Rice d'abandonner les poursuites.

Un avocat missourien de longue date croit que le statut « d'étrangers » (relativement parlant) des Coleman a joué un rôle dans le classement de l'affaire. « La famille n'était pas de Maryville, ce qui, pour le procureur, a facilité l'abandon des poursuites », a t-il déclaré.

La mère de la jeune fille de 13 ans et amie de Daisy qui a également été violée est plus directe :
« Si ça avait été l'un de mes fils - et mes fils préféreraient se couper les mains que de faire une chose pareille - mais si ça avait été l'un de mes fils, il aurait pris 25 ans, et aujourd'hui, il croupirait dans une prison de haute sécurité, quelque part. Ça ne fait aucun doute pour moi. »
Lorsque Mme Coleman, vétérinaire dans une clinique locale, a soudainement et inexplicablement été licenciée (ajouté au fait que la majorité des habitants de la ville et le système judiciaire étaient contre elle), elle a décidé de retourner vivre à Albany, une ville située à 65 km de Maryville, où elle résidait avant de déménager à Maryville. Mais les habitants de Maryville n'avaient pas encore dit leur dernier mot. Melinda Coleman possédait toujours sa maison à Maryville. Plus tôt cette année, plusieurs mois après le retour des Coleman à Albany, leur maison de Maryville a mystérieusement pris feu et a entièrement brûlé.
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Le Procureur Robert Rice : « Étouffer l'affaire ? Moi ? »
Selon le capitaine Phil Rickabaugh, de la brigade des pompiers de Maryville, la cause de l'incendie n'a pas été immédiatement déterminée. « Nous avons commencé à creuser et à enquêter là-dessus, a t-il déclaré, mais la structure était jugée peu fiable. » Plusieurs semaines plus tard, un enquêteur d'assurances et des personnes privées sont venus sur place pour enquêter en profondeur sur le sinistre. (Mais) rien n'en est jamais ressorti. » La cause demeure inconnue, déclare Rickabaugh.

Toutefois, depuis le classement de l'affaire il y a 18 mois, la pression augmente progressivement sur les autorités pour qu'elles re-examinent ce qui s'avère manifestement être une grave erreur judiciaire. D'après une annonce récente, le procureur Rice va rouvrir le dossier sur le viol de Daisy et de son amie par Matthew Barnett et Jordan Zech. Le groupe activiste des Anonymous a attiré l'attention sur l'affaire et, il y a quelques jours, Daisy Coleman a écrit un article déchirant sur son expérience et sur les deux tentatives de suicide qu'elle a faites à la suite de ce viol et des calomnies qu'elle a subies de la part des citoyens modèles et des figures d'autorité de Maryville.
J'ai été exclue de l'équipe des pom-pom girls, et les gens m'ont dit que je « l'avais bien cherché » et que j'aurais « ce que je mérite ».

Pourquoi je voudrais croire en un Dieu ? Pourquoi un Dieu permettrait-il une telle chose ? J'ai perdu toute foi en la religion et en l'humanité. Je me voyais moche, à l'intérieur comme à l'extérieur. Si j'étais aussi moche à l'intérieur, pourquoi les autres ne verraient-ils pas cette laideur que, moi, je voyais ?

J'ai brûlé et gravé la laideur que je voyais en moi sur mes bras, mes poignets, mes jambes, et partout où je pouvais.

Sur Twitter et Facebook, on m'a traitée de sale pouffe et de menteuse, et les gens m'ont exhortée à me suicider. Par deux fois, j'ai tenté de mettre fin à mes jours.

En me rendant à un concours de danse, j'ai vu une fille qui portait un T-shirt qu'elle avait fait elle-même, avec l'inscription : « Matt 1, Daisy 0. »
Quant aux deux violeurs, ils semblent « tenir le choc » et supporter le « stress » à merveille. Tous deux font aujourd'hui partie des équipes athlétiques de la Northwest Missouri State University, et Matthew Barnett est inscrit à l'Université du Central Missouri, où a étudié son grand-père Rex. Si l'on en croit son compte Twitter (avant qu'il ne soit fermé au public), les événements des deux dernières années ne semblent pas avoir diminué son enthousiasme de prédateur du sexe opposé.

Dans un retweet récent, il écrivait :
« Si son nom commence par A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z, elle veut de la B. »
Une culture psychopathique

Le monde serait bien meilleur, c'est certain, si les parents de Matthew Barnett n'avaient jamais procréé. Toutefois, logiquement, la même chose pourrait s'appliquer à ses grands-parents, arrière grands-parents et ainsi de suite, jusqu'à une époque précédent l'introduction de la nature « déviante » au sein de cette lignée génétique particulière. À combien d'autres personnes cela pourrait-il s'appliquer ?
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Matthew Barnett, modèle de l'exceptionnalisme américain
Toutefois, accuser la génétique ne constitue pas vraiment une réponse exhaustive au grave problème de la pathologie flagrante qui imprègne la « culture » et la « civilisation » occidentale, en particulier les USA. Le fait même que ces adolescents possédaient une tasse appelée « bitch cup » dans laquelle ils versaient de grande quantités d'alcool qu'ils encourageaient les jeunes filles à boire prouve que quelque chose cloche sérieusement dans la version de la « moralité » que la société inculque aux jeunes.

Le fait que Matthew Barnett juge approprié de poster le Tweet ci-dessus après avoir violé une jeune fille de 14 ans est profondément choquant et répugnant, et, pour être honnête, j'essaie de trouver un moyen d'éviter d'attribuer l'entière responsabilité de ces actes à cette sale petite ordure fondamentalement immorale qui, jadis, aurait connu - et aurait dû connaître - le même sort que Ken McElroy. Mais il semble que quelque chose ait changé, dans la mentalité et l'attitude des Missouriens de province, depuis les événements de Skidmore en 1981. Au lieu d'unir leurs forces pour neutraliser un individu clairement pathologique qui sévissait au sein de leur communauté, les bonnes gens de Maryville ont fait front autour d'individus pathologiques et ont accusé la victime.

Une telle réaction anti-humaine à un crime brutal subi par un prochain est-elle « normale » pour des êtres humains ? La réponse à cette question est importante, parce que le cas de Daisy Coleman a suscité la même réaction chez l'« expert » de Fox News et avocat criminaliste Joseph Dibenedetto, lorsqu'il a commenté l'affaire :



Commentaire : Résumé pour les non anglophones : pour « Maître » Dibenedetto, Daisy Coleman n'est pas une victime, mais une menteuse et une criminelle : selon lui, elle est simplement sortie en douce de chez elle et a couché avec un garçon. Point. Embarrassée après-coup, pour éviter les ennuis avec sa mère, elle a raconté qu'elle s'était fait violer. « Ce ne serait pas la première, ni la dernière à faire ça »... « Personne ne l'a forcée à sortir de chez elle et à boire de l'alcool. À quoi s'attend-elle, lorsqu'elle fait le mur à 1h du matin ? Je ne dis pas que c'est ce qui s'est passé, je ne dis pas qu'elle méritait de se faire violer, mais connaissant les faits... ce dossier ne tient pas debout, et il n'ira nulle part... trop de contradictions... les détails du dossier sont clairs... au lieu de témoigner, elle a invoqué le 5e amendement, c'est révélateur... »


Ce genre d'attitude envers une victime est-elle « normale » pour des êtres humains ? Est-ce pour cela qu'elle est serinée par les médias dominants ? Ou bien, les médias dominants ont-il réussi à faire passer ce genre de réaction pour quelque chose de « normal » grâce à des décennies de propagande incessante ?

La « culture » américaine d'aujourd'hui s'avère fondée sur des idéaux psychopathiques, et donc, fondamentalement inhumains. On peut parier que les « bitch cups » (et bien pire encore) ne sont pas populaires qu'à Maryville, mais font partie de la panoplie et du discours habituels des adolescents, que ce soit en province ou dans les grandes villes des USA. Ça ne veut pas dire que les gens biens n'existent plus, bien qu'ils soient en train de devenir une minorité et qu'ils aient de plus en plus de mal à s'élever contre la vague de barbarie et de cruauté qui balaiera bientôt ce qui reste de la conscience morale américaine. Si ce problème était uniquement américain, s'il était la nature réelle de l'« exceptionnalisme » américain, ce ne serait pas aussi grave. Toutefois, le hic est que, depuis des décennies, la quasi-totalité du reste du monde subit et est infectée par la même vision destructrice de la vie et des êtres humains, via la propagande d'État américaine (ie, les médias dominants), le bellicisme américain et les autres grands agents de l'Empire/du gouvernement américain - les multinationales.

Pour répondre à ma propre question : je ne trouve pas normal que des êtres humains traitent des victimes de la manière dont Daisy Coleman a été traitée par les autorités et les citoyens de Maryville, qu'ils aient ou non eu un intérêt personnel à protéger les responsables. Une telle indifférence face à la détresse d'un autre être humain et un tel mépris pour les idéaux de justice ne peuvent être « normalisés » que lorsque ce genre de rupture avec les valeurs humaines normales est imposée par une force extérieure. Dans ce cas-ci, la force extérieure en question sont les psychopathes en position de pouvoir à travers le monde et concentrés (en particulier aujourd'hui) aux USA.