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"Il faisait très sombre, on ne voyait rien. J'ai entendu un cri, je pense que c'était ma grand-mère, mais je ne la voyais pas". Mardi 29 octobre, c'est une fillette de 9 ans, Nabila Rehman, qui a pris la parole devant des membres du Congrès américain.

Venue du Pakistan avec son père et son frère, elle est en passe de marquer l'Amérique en devenant l'une des première victimes de la "guerre des drones" à témoigner aux Etats-Unis de ses effets sur la population.

Devant les parlementaires, Nabila est venue avec un de ses dessins. Comme tous les enfants, elle représente son quotidien : sa maison et son paysage montagneux. Sauf qu'au-dessus planent comme une menace permanente les deux silhouettes noires de drones américains.

Ce jour d'octobre 2012, c'est sa grand-mère, Momina Bibi, 67 ans, qui a péri sous un missile envoyé par un drone alors qu'elle récoltait des légumes dans son jardin. "On aurait dit qu'elle avait explosé en morceaux", a raconté son frère, Zubair, 13 ans, également présent lors de cette audition organisée par le député démocrate Alan Grayson et Robert Greewald, auteur d'un documentaire sur les drones qui sort mercredi aux Etats-Unis.

Erreur de frappe américaine ? Son fils, le père de Nabila, n'y croit pas.

"Certains médias ont raconté que l'attaque visait une voiture, mais il n'y a pas de route près de chez ma mère. D'autres ont dit qu'elle visait une maison, mais les missiles ont touché un champ, pas une maison", a-t-il raconté, rapporte le Telegraph.

"J'invite prestement le président Obama (...) à rencontrer cette famille et à lui expliquer pourquoi leur grand-mère est morte", a lancé Mustafa Qadri qui travaille sur le Pakistan à Amnesty International.

"Je préfère les jours nuageux, parce que les drones ne volent pas"

Dans son dernier rapport sur les attaques de drone au Pakistan, l'ONG estime à 19 le nombre de civils qui "n'étaient pas impliqués dans les combats et ne représentaient aucun danger pour autrui" et qui ont été tués par des drones depuis janvier 2012 dans le Nord-Waziristan, région du nord du pays connue pour être un bastion des talibans.

Une situation devenue pénible à vivre pour les habitants, comme l'ont raconté les enfants Rehman. "Maintenant, je préfère les jours nuageux, parce que les drones ne volent pas ces jours-là, a raconté Zubair, dans des propos rapportés par The Independant. Quand le ciel devient bleu et brillant, ils reviennent, et la peur revient avec eux. Les enfants ne jouent plus beaucoup et ont arrêté d'aller à l'école. L'éducation n'est plus possible tant que les drones rôdent au-dessus de nos têtes".

Amnesty, qui a enquêté précisément sur 9 des 45 attaques ayant touché le nord-ouest du Pakistan entre janvier 2012 et août 2013, estime que certaines s'apparentent à des "exécutions extra-judiciaires ou des crimes de guerre".

"Quand il a reçu le prix Nobel de la paix en 2009, Obama a fait un discours émouvant qui faisait référence à la centralité de la doctrine chrétienne de la guerre juste théorisée par saint Ambroise et saint Augustin, rappelait mardi le Washington Post. Or, la doctrine de la guerre juste implique qu'une attaque soit non seulement proportionnée et nécessaire, menée en ultime recours, qu'elle évite des dommages inutiles et qu'elle ait des chances raisonnables de mettre un terme au conflit. Sur ce point précis, on voit difficilement comment les attaques de drone pourraient agir pour la paix, ni même y mener."