Steve Forbes répond à ceux à qui il paraît inconcevable de placer Vladimir Poutine - à la place de Barack Obama - en tête du classement 2014 des personnalités les plus influentes du monde.

Poutine et Obama
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Tout d'abord, il faut distinguer l'influence des États-Unis en tant qu'État et celle de Barack Obama en tant que président de cet État.

Les États-Unis devancent largement la Russie sur les plans économique et militaire - nous ne remettons pas le constat en question. Toutefois, notre classement ne concerne ni les gouvernements ni les entreprises, mais bel et bien les individus.

Ensuite, et c'est plus important, Obama a démontré sa faiblesse personnelle sur la scène internationale. Certes, il fait sans cesse preuve de puissance en termes de politique intérieure, en concentrant sur lui tous les leviers de la gestion économique. Si le Congrès ne lui laisse pas l'initiative législatrice, il essaiera à tout prix de faire passer les propositions de loi via des décrets présidentiels ou de recourir à ses pleins pouvoirs.

La nécessité de se conformer à la loi n'a jamais empêché l'actuel président de mettre en œuvre tous ses désirs : l'administration Obama préfère ignorer les décisions des tribunaux qui lui sont hostiles.

Mentir effrontément ne fait pas peur au président : je fais notamment référence à sa promesse non tenue d'accorder aux Américains le droit à une assurance et une médecine gratuites.

La réforme Obamacare avait été conçue dès le départ pour détruire le marché privé de l'assurance maladie et éliminer les médecins libéraux. Les socialistes l'ont bien compris : il est plus facile de manipuler les gens s'ils sont rassemblés en un groupe.

Bref, Obama s'est affaibli politiquement : il n'est pas parvenu à concevoir un plan de réforme, ni à conserver la confiance de la population - en colère face à tant de mensonges. Il n'a pas non plus été capable de sauver l'économie nationale de la crise. Mais pour le président, ce qui compte avant tout est de conserver le pouvoir.

C'est ainsi qu'il est devenu le président des États-Unis le moins influent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale en termes de politique étrangère. Même Jimmy Carter était meilleur dans les affaires extérieures.

Les diplomates sont toujours étonnés d'apprendre combien de temps Obama consacre à la préparation de ses conférences internationales. Il n'établit pas d'ordre du jour spécifique et rechigne aux entretiens particuliers avec les autres dirigeants pour obtenir leur soutien. La plupart du temps, il se pointe, et c'est tout. Mais Obama a des raisons bien à lui pour agir ainsi. Le président considère que les États-Unis sont le plus grand mal de la planète et souhaite réduire leur influence dans le monde, pour rejoindre le niveau de pays comme la Belgique ou l'Albanie.

Voilà pourquoi la France et la Grande-Bretagne ont pris les devants de la campagne en Libye pendant que les États-Unis « assuraient les arrières ». Quand les manifestations antigouvernementales ont commencé en Iran en 2009, les États-Unis n'ont pas levé le petit doigt pour soutenir les dissidents.

Le spectacle de cette superpuissance réduite à une position d'observateur faible et passif du conflit a conduit l'Arabie saoudite, État certes riche mais ayant toutefois besoin d'une aide militaire extérieure, à rompre délibérément sa relation privilégiée avec l'Oncle Sam, son partenaire privilégié depuis plus d'un demi-siècle.

La Chine a déjà compris la faiblesse des États-Unis, mais il n'est pas certain que ses voisins, notamment la Corée et le Japon, interprètent correctement ce manque de réactivité. Si Tokyo et Séoul croient au refus de Washington de tenir le rôle de « gendarme du monde », ils sont capables de se lancer immédiatement dans l'acquisition d'un arsenal nucléaire indépendant.

Ainsi, la politique étrangère d'Obama ne diminue pas seulement le rôle de l'Amérique dans le monde : elle fait planer une menace réelle sur la stabilité de l'ordre géopolitique planétaire. Le président voulait peut-être réduire la domination des États-Unis, mais il ne pourra pas aller jusqu'au bout : l'escalade de la violence exigera l intervention immédiate de Washington. Un des scénarii possibles est la fabrication par l'Iran d'une bombe atomique.

Qui croit encore, après l'échec du plan d'Obama de faire bombarder la Syrie et son flirt avec Téhéran, qu'Israël continuera de s'appuyer sur l'Amérique comme garant de la stabilité dans la région ?