J'ai récemment reçu un coup de fil de Madame H, qui me priait de lui prêter de l'argent. Avant la catastrophe, elle habitait dans le village de Tōni, dépendant de la ville de Kamaishi, dans le département de Iwate et gagnait suffisamment bien sa vie, mais sa maison a été détruite par le tsunami si bien qu'elle et son mari ont perdu leur travail de pêche. Son fils souffre de troubles psychiques consécutifs au choc provoqué par le raz-de-marée. En raison de l'état de leur enfant, ils ont décidé de s'installer dans la ville de Marioka, chef-lieu du département de Iwate, pour y commencer une nouvelle vie. Mais la vie à Marioka n'est pas aussi facile qu'ils l'avaient imaginée. Son mari a commencé à travailler dans une compagnie, mais son salaire n'est pas assez élevé pour couvrir leurs dépenses. Elle aussi avait pris un travail, mais elle n'a pas pu s'intégrer à l'atelier et a dû très vite renoncer. Son fils est entré dans une école secondaire privée en 2012, mais lui non plus n'a pas réussi à bien s'adapter et à présent il ne peut plus la fréquenter.

Je suppose qu'après la catastrophe les sinistrés disposaient d'une certaine épargne, mais maintenant, deux ans et huit mois plus tard, celle-ci est presque totalement épuisée, et pourtant ils ne voient luire aucun espoir d'avenir et ils sont confrontés à toujours plus de difficultés. Je traiterai aujourd'hui de l'état des victimes de Fukushima qui, du fait de l'accident nucléaire, ont une vie plus difficile.

Le nombre d'enfants maltraités augmente

Dans l'ensemble du pays, les cas de mauvais traitements à enfants ont atteint le nombre de 66 807 en 2012, mais leur croissance est particulièrement forte à Fukushima : 311 cas (52 de plus qu'en 2011)

M. Tōno Kaoru, qui vient en aide aux mères célibataires, analyse ainsi la situation :
« Un nombre assez important de personnes ont perdu l'espoir, à cause de la catastrophe et certaines mères célibataires, occupant des logements provisoires, refusent la responsabilité de prendre soin de leurs enfants ».
M. Kanbé Shinitshi, qui s'occupe de tels enfants dans le département de Fukushima dit :
« Les parents qui maltraitent leurs enfants, vivaient déjà auparavant en désaccord ou logeaient séparément. Le stress et l'inquiétude engendrés par la catastrophe et l'accident nucléaire les pousse dans la voie de la maltraitance. Il y a certainement davantage de tels parents que ne l'indiquent les rapports. ».
(paru dans le journal Mainitshi du 28 juillet 2013)

La capacité sportive des élèves s'est amoindrie

Le département de Fukushima vient de publier les résultats d'une enquête ayant trait à la force corporelle et à la capacité sportive des élèves. Selon cette enquête, c'est surtout le niveau des garçons qui a baissé. Le professeur Ogawa Hiroshi de l'université de Fukushima a déclaré : « La diminution de la capacité sportive conduit à l'habitude de ne plus faire de sport et, par suite, à l'obésité et à la maladie. ». Dans le département, on a interdit aux enfants de jouer longtemps à l'extérieur.

(paru dans le journal Fukushima-Minpō du 13 juillet 2013)

Dans le jardin d'enfants de la ville de Nihonmatsu, département de Fukushima, se trouve un dosimètre mesurant la radioactivité de l'aire de jeux. Le taux actuel est de 0,166 microsieverts/h (la limite supérieure « sûre » étant de 0,23 µSv/h)), mais la ville ordonne, que les enfants ne jouent pas à l'extérieur plus de trente minutes par jour. Le directeur du jardin d'enfants dit : « Je veux que les enfants puissent librement jouer sur l'aire de jeux. »

(paru dans le journal Fukushima-Minpō du 11 juillet 2013)

Au cours de la réunion pédagogique qui a suivi l'accident nucléaire, un enseignant a déclaré :
« Les élèves semblent en forme, mais en fait, fréquentant une école provisoire et logeant dans une maison petite et provisoire, ils souffrent d'un grand stress. » Un autre a dit : « Les conditions permettant aux élèves un développement humain convenable ont disparu. Certains d'entre eux répètent : "Nous sommes des enfants à jeter, bons pour la poubelle !" ou bien ils s'en prennent à leurs parents en disant : " Pourquoi donc tu ne travailles pas, idiot de père ? "
(paru dans le journal Akahata du 29 juillet 2013)

Les suicides et les "morts consécutives"se multiplient

Suicides
2011: 10 suicides

2012: 13

2013 de janvier à août : 15

Total : 38 (hommes : 24, femmes : 14)

Par âge: de 20 à 29ans : 5

de 30 à 39 ans : 2

de 40 à 49 ans : 1

de 50 à 59 ans : 12

de 60 à 69 ans : 7

de 70 à 79 ans : 3

de 80 ans : 8
Mme Narui Kanae, psychologue, livre cette analyse :
« Plus le temps passe, plus les réfugiés souffrent psychiquement de l'accident nucléaire. Ils ont leur maison mais ne peuvent y revenir, c'est pourquoi ils ne cessent d'hésiter, ne pouvant ni y renoncer, ni commencer une nouvelle vie. En voyant leur maison pourrir, leur stress s'accroît. Les suicides pourraient se multiplier. »
Morts consécutives à l'accident nucléaire

Dans Fukushima 1599 personnes sont mortes à cause du tsunami. Depuis, 1459 autres décès en rapport avec l'accident nucléaire se sont produits. En 2011, après la catastrophe, 761 sont morts à cause de circonstances et de conditions de vie désastreuses, or les décès actuels sont dus au désespoir. Le professeur Takagi Ryūsuke de l'université de Iwaki-Meisei affirme:
« Les victimes vivent depuis bientôt deux ans et demi hors de leur foyer, sans aucune perspective d'avenir, ce qui influe de façon néfaste sur leur corps et leur esprit. ».
Dans une telle situation, le nombre de ceux qui veulent entrer à l'hôpital se multiplie également. Sans travail, sans foyer, sans espoir beaucoup vieillissent rapidement et tombent malades.

(paru dans le journal Fukushima-Minpō du 17 août, du 12 septembre et du 13 octobre 2013)

Aux Philippines, vient de se produire une grande catastrophe. Là-bas, les gens sont beaucoup plus pauvres que les Japonais et le gouvernement n'est pas aussi bien organisé que celui du Japon, donc il y aura beaucoup de victimes qui souffriront comme celles de Fukushima.

Pardon pour ce triste rapport, mais il s'agit là de faits auxquels nous devons faire face.

Texte de HORI Yasuo, rédigé le 13 novembre 2013. traduit de l'espéranto par Paul Signoret