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© Reuters / Ronen Zvulun
« Auriez-vous placé Nelson Mandela dans un centre de détention ouvert ou fermé ? » : cette interrogation de la députée Tamar Zandberg, du parti Meretz (gauche), a marqué le débat qui a précédé le vote intervenu, mardi 10 décembre, à la Knesset (le Parlement israélien) pour instituer un système de détention pour les immigrés africains illégaux.

Par 30 voix contre 15, les députés israéliens ont décidé de créer un double régime, qui s'appliquera dans un premier temps aux quelque 1 700 immigrés africains qui sont détenus dans une prison de sinistre réputation, Saharonim, située à trois kilomètres de la frontière égyptienne, près de Nitzana.

Le 16 septembre, la Cour suprême avait décidé à l'unanimité de ses membres que la loi permettant d'incarcérer sans jugement pendant trois ans des migrants illégaux était inconstitutionnelle. Elle bafouait une autre loi garantissant « la dignité humaine et la liberté ».

Depuis, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou, le premier ministre israélien, n'a eu de cesse de trouver une parade : à l'avenir, les immigrés seront incarcérés dans des centres soit « ouverts », soit « fermés ». Dans les premiers, ils seront enfermés la nuit et devront pointer auprès de l'administration carcérale trois fois par jour, ceci afin de s'assurer qu'ils ne sont pas employés illégalement.

Alors que la loi ne fixe aucune limite à la durée de leur détention, elle réduit de trois à un an celle de l'incarcération sans jugement dans des centres de détention « fermés » qui seront en principe réservés aux clandestins soupçonnés d'enfreindre la loi, ou de ne pas respecter les règles des centres « ouverts ». Outre que l'administration carcérale israélienne n'a aucune expérience des seconds, plusieurs experts soulignent le caractère aléatoire de ce système : il est probable qu'après une première expérience, les illégaux choisiront de ne pas revenir et de grossir les rangs des quelque 50 000 Africains clandestins qui résident en Israël, notamment dans le sud de Tel-Aviv.

« Éloigner les infiltrés des centres de nos villes »

Le premier centre « ouvert », situé à Holot, dans le désert du Néguev, devait accueillir 600 détenus de Saharonim, jeudi 12 décembre. Dans un premier temps, il devrait héberger 3300 personnes, pour une capacité maximale de 11 000 détenus. La presse israélienne a publié mercredi 11 décembre des photos du centre de Holot, montrant des conteneurs transformés en lieux d'hébergement. Le débat à la Knesset a pris une résonnance particulière à l'aune de l'exploitation politique qui a été faite en Israël autour de la mort de Nelson Mandela.

Le ministre israélien de l'intérieur, Gideon Saar, s'est félicité que la nouvelle loi permette « d'éloigner les infiltrés des centres de nos villes », ajoutant : « c'est notre responsabilité, pas celle des organisations de défense des droits de l'homme ou des tribunaux, de protéger nos frontières. »

Plusieurs commentateurs ont en revanche souligné que les Noirs en Israël, qu'ils soient migrants clandestins ou juifs originaires d'Ethiopie, pâtissent du racisme. Il y a moins d'une semaine, des manifestants d'origine éthiopienne se sont rassemblés devant la Knesset pour protester contre leurs conditions de vie.

Les propos de M. Nétanyahou saluant dans « Madiba » « un homme de vision, un combattant pour la liberté qui a rejeté la violence » (ce qui est faux s'agissant de la première partie de son parcours politique), ont été rectifiés mercredi par Youli Edelstein, président de la Knesset, qui a représenté le gouvernement israélien aux obsèques de Mandela : « J'espère que notre région aura des leaders comme Mandela, qui diront "plus de violence, plus de lutte armée, il est temps de faire la paix" », a insisté M. Edelstein dans une claire allusion aux dirigeants palestiniens.

Dans le quotidien Haaretz (gauche), Amira Hass établit un parallèle entre l'Afrique du Sud de l'apartheid et l'attitude des autorités israéliennes envers les Palestiniens, et le journal enfonce le clou dans son éditorial : « Israël sous le leadership de M. Nétanyahou, où la ségrégation, les législations racistes et la discrimination sur la base de la nationalité, se développent quasiment sans entraves, ne peut pas dire qu'il respecte l'héritage de Mandela, pas plus qu'il ne peut joindre la famille des nations dont les valeurs primordiales sont la lutte pour l'égalité et le combat contre le racisme. »