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© Franck Dubray/Ouest FrancePrise d'empreintes génétiques
Pour le pénaliste Me Joseph Cohen-Sabban la pression exercée dans l'affaire du viol de La Rochelle pour contraindre les 527 élèves et membres d'un lycée à se soumettre à un prélèvement ADN est un détournement de la loi inacceptable.

LE FIGARO : En quoi y a t-il selon vous détournement de la loi?

ME Joseph COHEN-SABBAN : Refuser un prélèvement ADN quand il n'y a pas de garde à vue est un droit. Or dans cette affaire, le procureur indique que la personne qui refuserait de s'y soumettre sera convoquée au commissariat, et que son refus sera susceptible de faire peser sur elle des soupçons, ce qui pourra aboutir à une garde à vue. On marche sur la tête! On veut ainsi décider d'une garde à vue sur la base d'un droit exercé par une personne. Or en garde à vue, refuser de se soumettre à un test ADN devient une infraction! Elle devra alors se soumettre à cette demande. C'est un véritable détournement de la loi inacceptable. Selon les textes, un prélèvement ADN ne peut se faire que sur la base du volontariat quand on n'est pas dans le régime d'une garde à vue. C'est très clair.

Mais dans ces conditions, les parents peuvent-ils refuser ce prélèvement pour leur enfant?

Avec de telles menaces, on exerce une pression folle sur les parents qui ne veulent évidemment pas une garde à vue pour leurs enfants. D'autant que les conséquences peuvent être lourdes. Quand on est placé en garde à vue, on est fiché. Notre nom apparaît alors dans le Stic, le Système de traitement des infractions constatées. Il s'agit d'un fichier d'antécédents, qui enregistre les informations recueillies à partir des procédures établies par les services de police dans le cadre de leurs missions de police judiciaire. Le nom du mineur figurera alors dans le Stic et sera associé à une affaire criminelle, une affaire de viol. Cela pourra définitivement entraver sa carrière s'il se destine à devenir policier ou s'il veut travailler sur une zone aéroportuaire. Ces métiers lui seront interdits.

Que faut-il faire?

Il faut réfléchir sérieusement à encadrer ce type de procédures. Avec les progrès de la police technique et scientifique, on aura de plus en plus recours à ce genre d'opération et il y a déjà eu des précédents. En 1996, dans l'affaire du meurtre et du viol de la jeune anglaise, Caroline Dickinson, à Pleine-Fougères (Ille-et-Vilaine), les hommes de la ville avaient été soumis à des prélèvements ADN. Mais un juge seul doit-il prendre ce type de décision et ne faudrait-il pas plutôt une décision collégiale pour éviter tout abus? Il faudrait aussi nommer un comité d'éthique qui listerait les cas pour lesquels le recours à ce genre de procédure de large envergure serait possible.

DOCUMENT - La lettre envoyée aux élèves et leurs familles

DOCUMENT - L'autorisation de prélèvement ADN