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© Photo Kirill Kudryavtsev. AFPUn homme armé monte la garde à Sloviansk, le 23 avril 2014.
Des affrontements ont lieu ce jeudi à Sloviansk ainsi qu'à Marioupol, sur la mer Noire. Cinq prorusses au moins ont été tués.

« Jusqu'à cinq » insurgés prorusses ont été tués et un soldat ukrainien blessés au cours d'une opération ukrainienne pour reprendre le contrôle de la ville de Sloviansk, dans l'Est, contrôlée par les séparatistes, a indiqué le ministère ukrainien de l'Intérieur. «Pendant les affrontements jusqu'à cinq terroristes ont été éliminés. Un soldat a été blessé» dans les rangs des forces ukrainiennes, a indiqué le ministère dans un communiqué en ajoutant que trois barrages séparatistes à l'entrée de la ville ont également été « détruits ».

De vifs affrontements opposaient jeudi les forces loyalistes et les séparatistes dans ce bastion prorusse dans l'est de l'Ukraine, Kiev ayant décidé de passer à l'offensive face à l'échec de l'accord de Genève dont Barack Obama a jugé la Russie responsable.

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L'armée russe a riposté à l'opération militaire lancée par Kiev en lançant de nouvelles manœuvres à la frontière avec l'Ukraine. «Nous sommes contraints de réagir à un tel développement de la situation», a déclaré le ministre des Affaires étrangères, Sergueï Choïgou, cité par les agences russes. «Des exercices des unités des districts militaires du Sud et de l'Ouest ont débuté», a-t-il indiqué. «L'aviation effectue des vols (...) près de la frontière», a-t-il ajouté.

Le ministre a exprimé sa «grande préoccupation» quant à l'assaut meurtrier lancé par les troupes ukrainiennes contre les séparatistes à Slaviansk. Il a affirmé que plus de 11 000 soldats ukrainiens avaient été envoyés pour l'opération contre les séparatistes, qui seraient eux un peu plus de 2 000, selon lui. «Le rapport de force est clairement inégal», a-t-il jugé.

Le président russe Vladimir Poutine a de son côté estimé que l'utilisation par les autorités ukrainiennes de l'armée contre la population dans l'est du pays était un «crime grave». «Si le régime actuel à Kiev a vraiment commencé à utiliser l'armée contre la population dans le pays, c'est un crime très grave contre son propre peuple», a-t-il déclaré. «C'est une opération de répression qui aura des conséquences pour les gens qui prennent ces décisions, en particulier pour les relations intergouvernementales.»

Des journalistes de l'AFP ont entendu des échanges de tirs à un barrage des insurgés à une entrée nord de Sloviansk puis vu plusieurs blindés, dont l'un arborant le drapeau ukrainien, passer le poste de contrôle, enflammé par les pro-Russes. Le leader séparatiste local de la ville de plus de 100 000 habitants, Viatcheslav Ponomarev, a ordonné aux civils de quitter la mairie, selon sa porte-parole.


Sloviansk est depuis plusieurs jours entièrement contrôlé par les insurgés prorusses. Des hommes armés de fusil d'assaut, en treillis sans insigne et cagoulés y occupent plusieurs bâtiments publics, et Ponomarev avait demandé dimanche à la Russie d'intervenir pour protéger la population.

Kiev a également annoncé la libération de la mairie de Marioupol, un port de près de 500 000 habitants dans le Sud-Est, après une bagarre qui a fait cinq blessés. Plus au nord, un soldat a été blessé lors d'un assaut des séparatistes contre une base militaire à Artemivsk.

La tension ne cesse de monter et Moscou, après avoir évoqué la possibilité d'une intervention militaire si ses «intérêts légitimes» étaient menacés dans l'ex-république soviétique, a lancé une charge contre les Occidentaux qui utilisent l'Ukraine comme un «pion dans le jeu géopolitique».

A Tokyo, Barack Obama a fait porter sur la Russie la responsabilité de l'échec du compromis international signé il y a une semaine à Genève et qui était censé amorcer une désescalade des deux côtés. «Jusqu'à présent, nous ne les avons pas vus respecter ni l'esprit ni la lettre de l'accord de Genève», a déploré Obama, lors d'une conférence de presse.

Rhétorique « enflammée »

La veille, le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, avait averti que son pays était prêt à intervenir si ses intérêts étaient menacés dans l'est de l'Ukraine, faisant le parallèle avec l'Ossétie du Sud. En août 2008, l'armée russe était entrée en Géorgie en dénonçant des attaques géorgiennes contre ce territoire séparatiste prorusse, où Moscou maintient des troupes jusqu'à présent après en avoir reconnu l'indépendance ainsi que celle de l'Abkhazie, une autre région géorgienne jouxtant son territoire.

L'Otan a fustigé la «rhétorique enflammée de Moscou».

Jeudi, Lavrov a mis en cause les Occidentaux qui utilisent selon lui l'Ukraine comme «un pion dans le jeu géopolitique». «En Ukraine, les Etats-Unis et l'Union européenne [...] ont tenté de mener une nouvelle "révolution de couleur", une opération de changement de régime contraire à la Constitution», a-t-il déclaré.

Les autorités russes ne cessent de dire que les populations ukrainiennes d'origine russe sont menacées par les nationalistes qui soutiennent le pouvoir pro-occidental en place à Kiev depuis la destitution de Viktor Ianoukovitch.

Washington et Kiev reprochent de leur côté à Moscou d'avoir massé des soldats à la frontière et de soutenir les insurgés de l'Est en envoyant des agents armés. Les Etats-Unis ont décidé de renforcer leurs troupes en envoyant 600 soldats en Pologne et dans les pays baltes.

Kiev veut «éliminer» les insurgés

A Kiev, le ministre de l'Intérieur, Arsen Avakov, a promis «une réponse sévère, jusqu'à l'élimination, aux terroristes». Outre les affrontements en cours jeudi à la mi-journée à Sloviansk, près de 100 assaillants ont attaqué pendant la nuit une base militaire à Artemivsk «avec des armes automatiques, mitrailleuses et grenades», selon le ministère de la Défense. Un soldat a été blessé.

«Les assaillants ont été repoussés et ont subi d'importantes pertes», a déclaré de son côté le président par intérim, Olexandre Tourtchinov. Avakov a affirmé que l'assaut, destiné à s'emparer d'armes, avait été mené «par un militaire russe». A Marioupol, l'une des grandes villes industrielles de la région, les forces de l'ordre ont repris le contrôle de la mairie, occupée par les pro-Russes depuis le 13 avril.

La police de Marioupol a expliqué dans un communiqué être intervenue vers 3 heures du matin après avoir repéré un groupe d'une trentaine d'hommes armés de battes de base-ball qui tentaient de s'introduire dans le bâtiment pour exiger sa libération. «Des heurts ont éclaté» et les forces de l'ordre sont alors intervenues, a expliqué la police, précisant que cinq personnes avaient été blessées.

Dans ce contexte tendu, le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius, a annoncé que le président français, François Hollande, se rendrait «dans quelques jours» en Géorgie, ex-république soviétique du Caucase qui ambitionne de rejoindre l'Otan et l'UE.