Une première confirmation de l'existence d'un nouvel élément de numéro atomique 117 avait été obtenue par un groupe de chercheurs en physique nucléaire états-uniens et russes en 2010. Récemment, une nouvelle équipe utilisant l'accélérateur d'ions lourds du GSI en Allemagne annonce à son tour qu'elle a créé et observé des noyaux de ce nouvel élément baptisé pour le moment ununseptium.

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© G. Otto, Gesellschaft für SchwerionenforschungL'intérieur de l'accélérateur linéaire de 120 mètres long du GSI (Gesellschaft für Schwerionenforschung) à Darmstadt en Allemagne. Il a permis d’accélérer les ions utilisés pour produire de nouveaux éléments et des isotopes radioactifs.

Lorsque le chimiste russe Dimitri Mendeleïev a dressé son célèbre tableau des éléments chimiques, il avait eu la prescience de l'existence de nouveaux éléments à découvrir, ceux laissés sous forme de cases vides. On pouvait partir à leur recherche en se basant sur leur position dans le tableau, car elle indiquait certaines de leurs propriétés chimiques et physiques. Les développements de la physique nucléaire ont permis d'étendre le tableau de Mendeleïev au-delà de l'atome d'uranium portant le numéro atomique 92 dans le tableau du chimiste russe. En effet, avec la découverte du neutron par James Chadwick en 1932, une nouvelle ère s'était ouverte, comme allait le démontrer Enrico Fermi quelques années plus tard.

L'existence du neutron avait été soupçonnée dès 1920 par Rutherford, mais c'est en étudiant le rayonnement pénétrant émis par les noyaux de bore et de béryllium bombardés par des particules alpha que Chadwick réussit à prouver son existence. Dès 1919, Rutherford avait montré que l'on pouvait transformer des noyaux d'un élément en ceux d'un autre en utilisant des particules alpha dont il avait prouvé en 1908 qu'il s'agissait de noyaux d'hélium. Le rêve des alchimistes était devenu réalité. Dès 1934, Fermi comprend qu'il doit être possible de créer des éléments transuraniens, donc avec des noyaux comportant un nombre de protons plus importants que ceux de l'uranium, en utilisant des neutrons. Il ne réussira à produire que des isotopes des éléments déjà connus, mais ses travaux lui vaudront le prix Nobel de chimie en 1938 pour sa découverte de nouveaux noyaux radioactifs.
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© Wikipédia, DPLe prix Nobel de chimie états-unien Glenn Theodore Seaborg (1912-1999) a été impliqué dans la découverte et l’étude de dix éléments transuraniens : le plutonium, l’américium, le curium, le berkélium, le californium, l’einsteinium, le fermium, le mendélévium, le nobélium et le seaborgium, nommé en son honneur. Il a également découvert plus de 100 isotopes et a fait d'importantes contributions à la chimie du plutonium. Membre du projet Manhattan, il a développé le procédé d'extraction utilisé pour isoler le plutonium de la deuxième bombe atomique, Fat Man.
En 1940 se produit finalement la percée menant à l'exploration du monde des noyaux transuranien. En bombardant de l'uranium 238 avec des neutrons au Berkeley Radiation Laboratory (que l'on n'appelait pas encore Lawrence Berkeley National Laboratory, LBNL) de l'université de Californie à Berkeley, Edwin McMillan et Philip Abelson produisent l'isotope 239 du neptunium, d'une demi-vie de 2,4 jours. De 1945 à 1974, les équipes menées par Edwin McMillan, Glenn Seaborg et Albert Ghiorso vont créer au LBNL de nouveaux isotopes d'éléments superlourds. La relève va être prise par le Centre de recherche sur les ions lourds, plus connu sous le nom de GSI (Gesellschaft für Schwerionenforschung) à Darmstadt, en Allemagne, puis par le Joint Institute for Nuclear Research (JINR), un centre de recherche international de physique nucléaire situé à Doubna, en Russie, dans l'oblast de Moscou.

L'élément 117, alias l'ununseptium

Il y a quatre ans, une collaboration entre laboratoires russes et américains annonçait avoir découvert un nouvel élément transuranien, l'élément 117. Selon les recommandations de l'Union internationale de chimie pure et appliquée (en anglais International Union of Pure and Applied Chemistry, IUPAC) concernant la dénomination systématique des nouveaux éléments lourds découverts, l'élément chimique de numéro atomique 117 devrait s'appeler l'ununseptium (de symbole Uus). Ce nom dérive d'unus et septem, qui veulent dire « un » et « sept » en latin.

Tout a commencé par la production d'environ 13 milligrammes d'un isotope du berkélium, 249Bk. Comme tous les transuraniens connus, cet élément est radioactif, et sa demi-vie est de 330 jours. C'est aux États-Unis, grâce au flux intense de neutrons produit par un réacteur de l'Oak Ridge National Laboratory, que cette faible quantité de berkélium a été produite avant de partir pour l'Allemagne. Là-bas, ces noyaux ont été bombardés par des faisceaux d'ions de calcium.

La longue marche vers l'îlot de stabilité

Très instables, les noyaux d'ununseptium ont été identifiés dans les débris de réactions par la présence de séries d'isotopes radioactifs se désintégrant en chaîne les uns dans les autres par radioactivité alpha. Dans les chaînes de désintégration identifiées, il en est apparu une nouvelle menant à un isotope du dubnium (270Db, élément 105), ainsi qu'à un nouvel isotope du lawrencium (266Lr), l'élément de numéro atomique 103. Avec des demi-vies d'environ 1 heure et 11 heures respectivement, ils sont parmi les isotopes superlourds ayant la plus longue durée de vie connus à ce jour.

La confirmation de l'existence l'ununseptium peut apparaître comme anecdotique, étant donné qu'il est bien trop instable et difficile à fabriquer pour envisager la moindre application. Néanmoins, elle représente une étape de plus sur le chemin qui devrait mener à ce qu'on appelle l'îlot de stabilité des éléments superlourds en physique nucléaire. En effet, le modèle en couches des noyaux laisse penser que certains de ces éléments redeviennent plus stables, avec des demi-vies pouvant atteindre quelques minutes ou jours, voire bien plus selon certains. Du bohrium (107Bh) à l'ununseptium (117Uus), les demi-vies ne font que décroître, en passant de la minute à 78 millisecondes.