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Romain Nadal, porte-parole du Quai d’Orsay. Pour la France, ce n’est pas aux Syriens de choisir qui les gouverne. La seule fin acceptable de la guerre livrée à la Syrie, c’est l’acceptation d’un gouvernement de transition nommé par les Grandes puissances.
Les autorités françaises, suivies par leurs homologues allemandes, ont notifié au ministère syrien des Affaires étrangères qu'elles s'opposaient à l'organisation de l'élection présidentielle syrienne sur leur sol. Outre que cette position montre le peu de cas que la France actuelle fait de la démocratie et des Droits de l'homme et du citoyen, elle agit en contradiction avec ses engagements internationaux.

Une élection présidentielle va se tenir en Syrie le 3 juin prochain et dès le 28 mai pour les Syriens résidents à l'étranger [1]. Mais les autorités françaises ont notifié au gouvernement syrien qu'elles s'opposaient à l'organisation de cette élection « sur l'ensemble du territoire français, y compris à l'ambassade de Syrie » [2]. Les mêmes autorités, qui ont précisé « espérer » que cette opposition sera prise en compte et respectée, croient pouvoir se fonder sur la Convention de Vienne du 24 avril 1963 relative aux relations consulaires.

Ceux qui gouvernent actuellement en France ont, depuis quelques années déjà, donné bien des gages de l'hostilité (non déclarée, et pour cause, le Parlement s'y refuse) qu'ils nourrissent envers la Syrie. Non contents de contribuer aux malheurs des Syriens de Syrie, le gouvernement français veut encore priver les Syriens résidents en France, réfugiés pour certains, de leur droit d'expression démocratique.

La prétention française à appliquer le droit international est en soi un progrès au regard des extravagances passées. Mais les services juridiques des ministères n'ont pas travaillé correctement, car cette fois-ci la France encoure des sanctions, pour violation ouverte du droit international. Doublement.

La France coupable de mauvaise foi

Le gouvernement actuels de la France, spécialement son président François Hollande, son Premier ministre Manuel Valls et son ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, semblent faire fi de la pierre angulaire du droit international, comme de tout droit en général : le respect de la parole donnée. Principe que l'on exprime, à l'oreille des millénaires, en latin : pacta sunt servanda (Les conventions doivent être respectées). Principe qui implique d'exécuter les traités de bonne foi (Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités, article 26).

En effet, en quoi la Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires permettrait à un État de s'opposer à l'organisation d'élections étrangères sur son territoire ? L'article 5 de cette Convention précise en quoi consistent les fonctions consulaires. Il commence par en dresser la liste, et en aucun cas il n'est prévu que l'État de résidence puisse s'opposer à leur exercice. Parmi cette liste figurent « certaines fonctions d'ordre administratif » (au f dudit article 5). L'organisation d'élections entre à l'évidence sous cette notion de fonctions d'ordre administratif, sachant que la France elle-même, comme n'importe quel État, organise régulièrement dans ses consulats le vote de ses nationaux établis hors de son territoire (par exemple le 25 mai prochain avec les élections européennes et celles des conseillers consulaires). Par conséquent, en toute rigueur rien dans la Convention de Vienne du 24 avril 1963 ne permet à un État de s'opposer à ce qu'un État étranger organise ses élections dans ses consulats ou son ambassade.

Les autorités françaises ne peuvent prétendre se fonder, pour s'opposer à la tenue d'un scrutin, que sur la seule disposition qui prévoit une faculté d'opposition. Il s'agit, au terme de la liste précitée, du cas général de « toutes autres fonctions confiées à un poste consulaire par l'État d'envoi », car pour ces dernières, et seulement pour elles, il est prévu cette réserve : « autres fonctions (...) auxquelles l'État de résidence ne s'oppose pas » (au m dudit article 5). S'opposer à l'organisation d'une élection suppose donc que l'on a considéré que celle-ci ne relevait pas des fonctions d'ordre administratif, mais de ses « autres fonctions » qui ne sont pas définies plus précisément. Pour soutenir pareille interprétation, il faut être de mauvaise foi. Par conséquent, la France n'exécute pas la Convention de bonne foi. Et elle se met donc en infraction avec le droit international.

La France coupable de discrimination

Le droit des relations consulaires, qui suppose l'amitié entre les nations et l'égalité entre États, proscrit expressément le traitement discriminatoire entre les États (voir Convention de Vienne du 24 avril 1963, article 72).

Or, en l'espèce la France n'interdit pas toute tenue d'élections étrangères sur son sol, ni toute tenue d'élections présidentielles étrangères. Est seule prohibée la prochaine élection présidentielle syrienne. Les élections algériennes, états-uniennes ou israéliennes demeurent permises comme toutes les autres.

Par conséquent, en faisant un sort discriminatoire à l'État syrien, la France viole le droit des relations consulaires, et en particulier l'engagement par elle pris en ratifiant la Convention de Vienne du 24 avril 1963.

La France est maintenant passible de la Cour Internationale de Justice.

Notes :

[1] « Élection démocratique en Syrie », par Thierry Meyssan, Al-Watan (Syrie), Réseau Voltaire, 28 avril 2014.

[2] « La France interdit aux Syriens vivant sur son sol d'élire leur président », Réseau Voltaire, 13 mai 2014.