frguerre eau syrie
La guerre de l'eau au Proche-Orient, déclenchée par Israël en détournant les eaux du Jourdain et en occupant le Golan, a de beaux jours devant elle en Mésopotamie (Irak et Syrie), dont les conditions de vie des habitants sont étroitement liées, depuis l'antiquité, au débit du Tigre et de l'Euphrate.

Quand Suleyman Demirel, Premier ministre turc a lancé le programme GAP - construction de 22 barrages et de 19 centrales électriques sur le Tigre et l'Euphrate- Hafez al-Assad et Saddam Hussein lui prêtèrent une arrière-pensée, celle de donner un jour à la Turquie un énorme moyen de pression sur leurs pays. On ne peut pas dire que Demirel en 1992 les avaient rassuré en répondant: « Nous ne réclamons pas de partager leurs ressources en pétrole, ils n'ont aucun droit sur nos ressources en eau. ».

Le cauchemar devient réalité

Un accord de partage des eaux avait finalement été signé entre les 3 pays, engageant la Turquie à laisser s'écouler un minimum de 500 m3 par seconde en direction de ses voisins. Mais cela n'avait pas apaisé la crainte des deux dirigeants arabes, qu'à l'occasion d'une guerre l'eau des barrages sur ces fleuves serve à inonder leur pays ou à assoiffer leurs peuples. Depuis le déclenchement de la guerre civile en Syrie, ce cauchemar est en passe de devenir réalité (1).

Premier acte : les barrages de Tichrin et de Tabqa (ou Thawra), situés dans la région de Raqqa, sont passés des mains gouvernementales dans celles des djihadistes du Front al-Nosra, puis de l'Etat islamique en Irak et au Levant (Daash) autrement plus redoutables. Heureusement, son chef Abou Bakr al-Baghdadi - déjà maître en Irak du lac Thartar et du barrage de Falloujah - a ordonné à ses hommes de laisser les ingénieurs syriens assurer le fonctionnement des vannes et des turbines qu'ils contrôlent.

Pour la population, le soulagement a été de courte durée, car c'était sans compter avec l'acte II du drame qui se joue dans leur région. La décision du gouvernement turc de réduire le débit de l'Euphrate vers la Syrie, puis de le bloquer, a provoqué l'arrêt des turbines électriques du barrage Tichrin (Octobre)et une baisse de plus de 6 mètres du lac artificiel Assad. On estime à 7 millions le nombre de Syriens qui, de ce fait, risquent d'être privés d'eau potable.

A Alep, touchée depuis plusieurs mois par une grave pénurie d'eau et d'électricité, les habitants des quartiers pro-Assad font la queue derrière les camions citernes de l'armée, ceux des quartiers tenus par les rebelles se contentent de ce qu'ils récupèrent ici ou là... ou sont la proie de trafiquants.

Note :

(1) A new Turkish aggression against Syria: Ankara suspends pumping Euphrates water, par Suhaib Anjarini (Al-Akhbar - 30/5/14)