La nature a mis à notre disposition certains échantillons des roches du manteau supérieur sous forme d'inclusions dans des laves, ce qui a permis de vérifier presque directement qu'il existe bien des péridotites dans cette partie du manteau. La sismologie et les expériences sur des matériaux à haute pression indiquent qu'il existe une zone de transition entre le manteau supérieur et le manteau inférieur à l'intérieur de la Terre.
bridgmanite
© Chi MaCette lame mince de roche montre un échantillon de la météorite de Tenham âgée d'environ 4,5 milliards d'années. Elle renferme un cristal jamais retrouvé à l'état naturel mais qui constitue pourtant un des composants majeurs du manteau inférieur de la Terre. Il vient d'être baptisé : bridgmanite.
On pensait que l'olivine de la péridotite contenue dans les roches du manteau supérieur y subissait un changement de phase en devenant de la ringwoodite, ainsi nommée en l'honneur d'Alfred Edward Ringwood (1930-1993), un des grands noms des géosciences. Tout récemment, un échantillon de ce minéral depuis longtemps supposé commun dans le manteau à des profondeurs comprises entre 400 et 600 kilomètres environ a été retrouvé dans un diamant craché à la surface de la Terre par des laves qui en se refroidissant donnent des roches appelées kimberlites.

La ringwoodite n'était connue à l'état naturel que dans une météorite tombée près de Tenham Station (Australie) en 1879. Depuis quelques années, certains chercheurs espéraient y découvrir également un autre minéral mythique, la pérovskite silicatée, considéré comme un composant majeur du manteau inférieur entre 670 et 2 900 kilomètres, c'est-à-dire de la zone de transition du manteau jusqu'à son interface avec le noyau de la Terre. En effet, lors de l'impact de cette météorite avec notre planète, le choc a reproduit les conditions de pression et de température régnant dans le manteau inférieur et, étant donné la composition de ce corps, des cristaux de pérovskite silicatée auraient pu se former.

La bridgmanite identifiée grâce aux rayons X

Deux minéralogistes, Oliver Tschauner, de l'Université du Nevada, et Chi Ma, du célèbre California Institute of Technology, là où enseignait le légendaire Richard Feynman, se sont penchés sur ce problème depuis 2009. Ma avait réussi à repérer, en utilisant un microscope électronique, un minéral qui pouvait être de la pérovskite silicatée. Mais quand il a voulu vérifier son intuition en déterminant sa structure cristallographique par la méthode de diffraction des électrons, le minéral ne l'a pas supporté et a été détruit avant de livrer ses secrets. Tschauner a alors décidé d'utiliser une autre méthode mais qui a nécessité une analyse plus longue, la diffraction à rayons X.
Percy Williams Bridgman
© Smithsonian Institution Research Informations SystemLe prix Nobel de physique 1946, Percy Williams Bridgman (1882-1961), a ouvert la voie à l'étude de la matière à hautes pressions à l'intérieur des planètes. Il a eu comme étudiants Robert Oppenheimer, le grand géophysicien Francis Birch et le futur prix Nobel de physique John Hasbrouck van Vleck. Il est considéré comme l'un des théoriciens les plus influents de l'opérationnalisme en épistémologie.
Les deux hommes sont finalement parvenus au bout de leurs peines quelques années plus tard. En juin 2014, l'International Mineralogical Association (IMA) a même officialisé un nom pour la pérovskite silicatée retrouvée à l'état naturel pour la première fois : la bridgmanite. Cette dénomination honore l'un des grands pionniers de la physique des hautes pressions en géosciences, le prix Nobel de physique Percy Williams Bridgman.