Traduction SOTT

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Nicolas Poussin - Echo et Narcisse - 1630
Chères âmes courageuses : une âme se demande pourquoi un membre adulte de sa famille imite ses faits et gestes, comme on dit...copie ce qu'elle fait, prend note des raisons pour lesquelles les autres lui font des compliments...et tente ensuite de posséder les mêmes biens, singer les mêmes traits, reproduire les mêmes efforts...au lieu de vivre une existence libre fondée sur ses propres idées et en particulier sur les appels de sa propre « encore petite voix ».

Au lieu de cela, il ne trouve pas son inspiration à l'intérieur, mais se dédie plutôt à observer ce qu'un autre semble faire/obtenir/posséder... et il désire ce que l'autre possède, convoite surtout l'énergie, les cadeaux, les résultats, l'aura autour de l'autre, l'approbation et les louanges imaginaires qu'il croit que l(es)'autre(s) reçoi(ven)t... dont il manque...ainsi, certaines personnes copient une certaine cible.

Du côté positif, nous partageons des ressources avec des amis et des membres de notre famille qui donnent beaucoup, ou même modérément ou discrètement en retour. Cela constitue une symbiose saine, dans laquelle chaque individu prospère plus grâce/avec l'autre, suite à une invitation explicite/implicite, en s'engageant activement dans une relation. Il y a un respect de la vie privée et du temps passé ailleurs, seul ou avec d'autres, y compris sans l'ami en question.

Il est épuisant d'être entraîné dans une relation où l'une de deux personnes tente trop fréquemment de pomper l'énergie et l'inspiration de l'autre, où seulement une en tire profit ...tandis que l'autre est de plus en plus fatiguée.

Car aucun soutien n'est donné en retour. Ceux qui sont susceptibles de vider les autres sont généralement intrusifs sans le vouloir, ou peut-être le sont-ils car ils n'ont pas encore fait le point avec un thérapeute qui aurait pu leur dire la vérité sur leurs talents, mais aussi sur les situations dans lesquelles ils insistent trop ou transgressent les frontières, leur montrant ce qui nécessite un traitement spécifique...

Ce n'est généralement pas une conversation qu'on peut avoir avec un ami qui est vidé. « Dis-moi mes torts », « dis-moi ce qui te dérange en moi ». Un tel échange continue littéralement à vider l'autre en le poussant à penser à l'ensemble du problème de façon plus approfondie que la personne qui lui pose ces questions.

En outre, un ami n'est habituellement pas coutumier des esquives et manoeuvres auxquelles un individu aura recours afin d'éviter d'être acculé ; d'entendre sans entendre qu'une thérapie est nécessaire... La guérison est différente d'une simple acquisition de connaissances, dans le
sens ou elle sous-entend une série d'exercices et de techniques thérapeutiques avancées sur une longue période de temps, souvent à vie. Il s'agit de remodeler nos attitudes à la racine avec la psyché comme soutien et comme guide ; il s'agit de se débarrasser de tout ce qu'un individu porte en lui et qui le fait souffrir, et bien plus encore.

Certains de ceux qui sont intrusifs avec les autres ont pour habitude de refuser de se voir tels qu'ils sont, honnêtement, et refusent de grandir tant que leurs plaidoyers et leurs intrusions arrivent à leurrer une personne de plus et la poussent à les aider, à donner, à accepter les intrusions. Ses victimes sont souvent celles dont l'instinct et les limites ont été minés...

Ceux qui prennent plus, demandent plus que ce que l'autre est en mesure de lui offrir, ou poussent à une intimité à laquelle ils ne sont pas invités, sont souvent dirigés par une jalousie et une envie de s'accaparer ensuite d'une autre manière ce qui ne leur est pas offert et ce qui ne leur appartient pas.

Souvent dire non à de tels individus touche directement leurs blessures les plus profondes... car généralement ils ne voient pas les autres comme étant séparés d'eux-mêmes, menant des vies séparées de la leur... et ils sont souvent surpris, car ils estiment eux-mêmes donner beaucoup, et souvent ils dressent une longue liste de ce qu'ils donnent aux autres.

Mais la plupart du temps, une personne capable qui prend beaucoup trop aux autres sans donner en retour de manière qu'ils soient heureux de la voir... ne leur demande jamais au préalable ce qui pourrait les aider. Ainsi, les autres sont de plus en plus fatigués d'être obligés de donner indéfiniment. Et si on leur demande ce qu'ils veulent qu'on leur donne, une réponse honnête pourrait être « rien », ce qui peut générer davantage de confusion chez une personne souffrant d'une blessure narcissique qui ressent presque toujours le besoin de quelque chose, et ceci peut être fort déroutant.

La plupart d'entre nous sommes extrêmement sensibles à l'idée d'être exploités et colonisés par des gens encore incapables de vivre de manière autonome. La partie instinctive de notre psyché nous signale que nous devons nous éloigner de quiconque commence à tenter de nous envahir, voler notre temps et notre énergie, dérober des parcelles et des fragments de notre corps, notre mental, notre coeur et notre esprit, qui font partie de notre vie privée, de notre intimité, de notre vie professionnelle et familiale ; de ceux qui prennent notre temps et le gaspillent à cause de leur propre fragilité. Envahir autrui et l'imiter provient d'un manque d'identité, où cette dernière n'est pas encore assez solide.

Comme je vous l'ai tous dit à de nombreuses reprises, le moi dérivé n'est pas la même chose que le moi véritable. Chaque âme mérite un moi authentique plutôt qu'une copie artificielle.

La bonne nouvelle est que tout ce dont une personne souffrant de blessures narcissiques impose à autrui (du temps, être vue, regardée, aidée, assistée, soutenue, comprise, estimée, conseillée, etc.) est précisément ce qu'elle aurait besoin de s'offrir avec le soutien d'une personne qualifiée qui ne la laissera pas déraper comme elle le veut... afin d'aboutir à une guérison profonde...

Ce qui consiste à ne pas demander à autrui mais à soi-même... de la compassion, de la confiance,une prise de responsabilité totalement fiable , suffisamment de temps pour travailler sur les problèmes intérieurs, voir sans relâche ses propres blessures, en particulier pour ceux
qui tendent à mettre en avant leurs talents et leurs biens matériels...plutôt qu'accorder suffisamment de temps et de réflexion pour sécher leurs larmes, apprendre à se calmer et à se tempérer, à tenir debout sans assistance, avoir plus qu'une idée passagère de ce qui est approprié et quand, et d'être un vrai individu... un exemplaire original, et non pas une copie ou un moi réduit en pièces.

C'est également un acte de compassion à l'égard de l'esprit de l'enfant intérieur que de rechercher de l'aide dans un lieu confiné avec un professionnel, plutôt que de rechercher ailleurs une nourriture plus globale et à sens unique.

Parfois ceux qui passent leur temps à convoiter et imiter autrui, à user de leur jalousie, tentent de punir l'autre s'il refuse de coopérer et de leur offrir de plus en plus de temps, de leur donner de l'énergie sans se plaindre, d'avoir une vie avec des limites aisément franchissables.

(Comprenez que les personnes dans une telle situation ne peuvent véritablement pas connaître leur propre soi, ce n'est pas méchant, ce n'est pas fait exprès... c'est inconscient... jusqu'à ce que dans la plupart des cas, on leur dise en face, et souvent à plusieurs reprises jusqu'à ce que ça traverse leur armure... Ce qu'ils disent vouloir, ils peuvent l'obtenir, mais seulement en étant authentiques plutôt que la copie de quelqu'un d'autre, et à la seule condition de se donner non seulement ces choses, mais aussi de les accepter de leur propre soi.)

Des tentatives et des violations agressives des limites posées par autrui se produisent car la jalousie attire la personne vers l'hôte, mais quoiqu'il donne, la personne finira par le punir pour ne pas être tout, tout, tout... vidant ainsi l'hôte jusqu'à ce qu'il n'ait plus rien à lui donner.
Parfois la personne demandera à l'hôte, est-ce que ça te vide, est-ce que je te draine ? Et la plupart des hôtes vont rechigner à répondre honnêtement, en partie parce la personne qui envahit les autres n'agit pas non plus avec honnêteté. Encore une fois, ce n'est pas de leur faute et ce n'est pas méchant. C'est l'un des derniers moyens qu'il leur reste d'avoir une identité après avoir subi une blessure narcissique.

Dans le pire des cas : la personne qui a tendance à drainer / s'approprier l'énergie qui n'est pas librement donnée...se tourne vers un autre hôte.

Dans le meilleur des cas : La personne se tourne vers elle-même et demande comment guérir cette soif qui ne peut être étanchée quoi que l'autre donne...ce n'est jamais assez, jamais suffisament bon, et en particulier ça ne permet jamais à l'autre d'être authentique. Les personnes authentiques ont besoin de repos, de répit, de grâce, d'amour, d'attention, de soutien... obtenus honnêtement.

Cette forme agressive de jalousie par imitation n'est pas perçue comme l'acte d'« honorer » ou d'« admirer », car elle dépouille l'autre de son énergie, violant ses limites sans permission, s'immisçant là où on n'est pas invité, faisant irruption en disant : « J'espère que ça ne te dérange pas ».

C'est nocif pour l'esprit ou l'âme d'autrui. Être insatiable, possessif, rivaliser inutilement à moins qu'on participe à un triathlon, imiter les autres comme une forme de « compliment »... n'est pas un compliment. C'est voler des facettes de l'autre car on souffre de ce que j'appelle
un « courant insuffisant », une déficience variable en termes d'énergie et de confiance, ou une incapacité à s'apaiser, s'aider, se soutenir soi-même ? De manière durable.

Cela dérange vraiment les gens. La plupart d'entre eux veulent vivre en paix et disposer d'un espace intime aussi vaste que possible. Pour nombre d'entre eux, il est difficile de poser des limites face à des gens insistants et fragiles à la fois... au moins tant qu'ils ne sont pas drainés. Et puis les limites sont posées, telles qu'elles doivent l'être, et ce pour la cohérence de l'individu.

Être drainé implique qu'on se remette sur pied. Peu reconnaitront avoir été drainés par un adulte, que ce soit un collègue de travail, un ami, un membre de la famille, un voisin... qui est en mesure de guérir mais ne l'a pas encore fait ou ne le fera jamais, obligeant ainsi les autres à prendre beaucoup de temps pour récupérer de ses assauts.

La plupart des adultes apprennent au cours de leur vie à choisir les moments et les activités qui leur procurent de l'apaisement, une personnalité épanouie et stable, des opportunités d'introspection et d'apprentissage, la possibilité d'agir avec une implication concentrée et humble sur ce qui est le plus important, pas forcément pour eux, mais pour celui qui leur parle et s'exprime à travers eux.

Dans un tel cas, la jalousie, l'envie, les comportements intrusifs, l'imitation et l'épuisement d'autrui, l'exigence deviennent des problèmes secondaires. Le problème de fond est un grave manque de respect pour la blessure que le moi véritable a subie... l'ignorer ou la réparer à l'emporte pièce, se sentir un peu mieux et puis perdre sa concentration et oublier jusqu'à ce que ça resurgisse avec fracas ...

On peut s'attendre à une telle jalousie ou de tels comportements intrusifs de la part d'un enfant de 10 ans à l'égard de son frère de 18 ans. L'enfant de 10 ans est simplement immature, il veut agir comme un adulte et montrer ce dont il est capable. A cause de sa naïveté il ne se rend pas compte qu'il voudra bientôt trouver son propre style, suivre sa propre voie, pas celle de son frère. Vouloir exceller fait partie de la nature humaine...mais il faut le faire à sa manière. Ne pas être un mini-clone dont tout le monde dit : « diable il tient beaucoup de Frédéric ». Mais plutôt : « c'est vraiment quelqu'un de bien ».

Les adultes qui tentent d'imiter partiellement ou totalement quelqu'un d'autre disposent également d'un moi original. C'est juste que ce dernier n'est pas encore pleinement développé à cause d'obstacles dus à des blessures. Et même si un adulte pourra trouver charmant un enfant de 10 ans qui veut en avoir 40 du jour au lendemain, ce ne sera pas la même chose avec un adulte qui s'immisce dans les affaires d'un autre adulte.

Et pourtant, traiter ces blessures narcissiques légères à modérées est tellement bénéfique, tout comme la quête pour découvrir son propre soi, gagner en maturité et se soigner... un difficile labeur, qui mérite toutefois d'être entrepris. Cette quête curative provoque également le respect chez ceux qui ont mené ce type d'entreprise difficile, qui ont réussi à redécouvrir leur véritable moi et en prennent désormais grand soin, et aussi... ne s'attachant plus à ceux qui peuvent leur apporter de la joie ou un coup de main temporaire, mais ne sont pas capables de maintenir cette attitude dans la durée.

Au bout du compte, il ne s'agit pas d'obtenir amour, attention ou sympathie. Il ne s'agit pas que les autres pensent que vous êtes formidable dans tel ou tel domaine. Il ne s'agit pas d'être encensé, ou de faire avancer les choses ou de gagner en renommée, ou de faire quelque chose de noble, de grand ou de petit « dans le monde ». Il s'agit de guérir.

Comme nous le savons tous, nous portons tous dans notre psyché tel ou tel complexe ou faille qui peuvent nous rendre la vie misérable, et habituellement lorsqu'on se retrouve dans la tourmente, on recherche partout un moyen de réduire la douleur, un médicament qui agisse, vite.
C'est peut-être le facteur déterminant qui explique pourquoi certaines blessures ne guérissent pas...le manque de patience et d'habileté accordées au temps nécessaire à la guérison ... au lieu de choisir la solution « rapide ». Ce type de blessure nécessite un effort approprié, récurrent et durable pour guérir. Et chaque petit succès comporte des propriétés curatives.

Nous ne connaissons aucun moyen d'accélérer la guérison, mais nous savons que, pour la ralentir, il suffit de ne pas s'y impliquer. Tout comme le corps, la psyché a les moyens de se réparer, mais elle a aussi des délais et des limites...

Ainsi, il existe des médicaments qui soulagent temporairement la douleur mais doivent être pris de manière récurrente...et il y a un médicament qui soigne efficacement et durablement.

Prenez cet exemple : vous êtes à l'hôpital. Vous avez une jambe cassée. Les gens peuvent veiller sur vous jour et nuit. Ils peuvent vous aimer infiniment. Ils peuvent vous aider en faisant le ménage chez vous, en vous apportant de la soupe tous les jours, en vous disant que vous êtes formidable, en vous tenant la main, en vous faisant la lecture, en vous faisant des compliments, en vous disant que bientôt votre jambe sera complètement guérie, en écoutant encore et encore comment vous vous êtes cassé la jambe, combien vous avez souffert, et ainsi de suite.

Mais votre jambe guérira seulement si vos os sont ressoudés, si un plâtre est soigneusement posé, si vous portez ce plâtre suffisamment longtemps, si vous gardez cette jambe en hauteur, si vous évitez d'y exercer de la pression, si vous mangez et prenez les vitamines et minéraux appropriés pour renforcer les os, si vous prenez soin de votre jambe, si vous entraînez votre jambe pour développer la masse musculaire, si vous réparez cet escalier terriblement dangereux duquel vous êtes tombé car une marche a cédé.

Ainsi la carte menant à votre véritable foyer est tracée.
De grands espoirs et de bonnes résolutions attendent ceux qui n'ont pas guéri de la manière décrite. Peut-être ont-ils essayé à plusieurs reprises, et le temps est venu d'essayer à nouveau. Ça serait bon pour eux et pour ceux qui les entourent. Je pense également qu'on peut décider de ne pas entreprendre cette démarche, ou de l'arrêter, ou de ne pas solliciter l'aide qui est proposée ; cependant, dans un tel cas, le prix à payer pourrait être très élevé comparé à l'effort pour mener à bien ce projet, pour apprendre à contrôler plus efficacement le véhicule appelé corps, mental, esprit, âme.

Lorsqu'on est prêt à entreprendre cette démarche et qu'on souhaite donner et recevoir de soi-même... tout ce qui est nécessaire pour guérir, se renforcer et tenir debout par soi-même...
pas seulement les éléments périphériques qui sont souvent illusoires et éphémères... alors on pourra guérir, on pourra se renforcer. On pourra se tenir debout par soi-même, plus orphelin de son véritable soi.

En même temps, nous avons tous le droit de poser les limites qui nous semblent le plus pertinentes, et de dire non, oui, peut-être, peut-être pas, plus tard, et non, jamais...quand bon nous semble, et de demander que ces limites réfléchies soient respectées, sans provoquer flatteries, lamentations ou questionnements par quiconque.

Plus nous guérissons, mieux nous comprenons un « oui dit de tout son coeur » et le plus facilement nous acceptons un « non dit de tout son coeur »... que nous en comprenions les raisons et objectifs ou pas.

A mes yeux, un « non » signifie juste ça : Ce n'est pas à toi d'ouvrir cette porte. Va de l'avant, de nombreuses portes t'attendent. Nombre ne t'ouvriront pas non plus, mais certains le feront. Poursuis ton effort. Et la plupart de ces portes contribuent à ta guérison.

Heureusement, notre force et notre guérison ne dépendent de personne - absolument personne - hormis nous-mêmes.

Dieu merci...

Avec tout mon amour,
Dr.e