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L'Union européenne se propose d'examiner un paquet de sanctions économiques contre la Russie. Néanmoins, certains membres de l'UE, notamment la Pologne, ont déclaré que face à l'absence d'unanimité sur cette question il serait inutile de convoquer un nouveau sommet. Il vaut mieux se limiter à l'échelon des ambassadeurs pour ne pas vouer à l'échec une rencontre entre dirigeants d'un niveau supérieur.

Les experts de l'UE ont consacré la journée de lundi à l'analyse du troisième paquet de sanctions antirusses. Il a été déjà décidé d'exclure le gaz et les équipements gaziers : l'Europe n'est pas disposée à se priver de son confort. Les nouvelles sanctions devront affecter certains services financiers et bancaires, la signature de nouveaux contrats dans le domaine de la défense et la vente de matériel à double usage. L'UE a cependant déclaré que ces nouvelles mesures ne concerneraient pas les contrats déjà conclus. Les Français ont promis de fournir à la Russie leurs porte-hélicoptères Mistral.

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© RIA Novosti
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré pour sa part que les sanctions contre la Russie étaient absurdes et que « des intérêts conjecturels unilatéraux » s'immisçaient d'une manière évidente dans le processus. Selon lui la Russie a toujours cherché à « trouver les moyens d'influer sur la situation en Ukraine pour que la confrontation armée se transforme en négociations politiques en conformité avec les engagements pris par la Russie, les Etats-Unis et l'Ukraine ».

« Ce projet géopolitique (en Ukraine) vise à domestiquer l'espace géopolitique ukrainien au détriment de la Russie et de la population russophone de l'Ukraine. Cela n'a pas réussi d'emblée et cela ne marchera pas car il est impossible d'imposer de telles choses à une seule partie »,a noté le ministre.

L'expert du Fonds russe de la perspective historique Pavel Sviatenkov signale que l'Union européenne n'est pas intéressée à des sanctions dures contre Moscou :
« Au premier chef, cela portera un coup à l'économie de l'Europe dont la reprise s'amorce seulement. Les Européens tenteront de se contenter de sanctions minimales. Peut-être n'auraient-ils décrété aucune sanction sans la pression des États-Unis. »
Selon le chef du centre d'analyse de la politique internationale de l'Institut de la mondialisation et des mouvements sociaux Mikhaïl Neijmakov, en réalité les États-Unis et l'UE ne sont pas disposés à prendre des mesures qui pourraient leur causer du tort à eux-mêmes :
« L'Ukraine n'est pas un motif suffisant pour qu'ils sacrifient en son nom quelque chose de sérieux. Il va de soi que l'énergie sera touchée, qu'il y aura bien sûr de nouvelle mesures visant à stopper la réalisation des projets comme South Stream. En attendant aucune démarche importante dans cette direction n'a été entreprise et l'UE n'y fera appel qu'en dernier recours dans la mesure où cela nuit à ses propres intérêts. »
En effet, les experts de la Commission européenne ont déjà calculé que si l'Europe introduisaient des sanctions sous la forme prônée par les Etats-Unis, elle perdrait dès l'année en cours 40 milliards d'euros, soit environ 0,5 % du PIB de l'UE. Cela, si les sanctions frappent seulement les produits des branches militaires et à double usage. Les pertes seront multipliées si les restrictions s'étendent à d'autres exportations et dans l'hypothèse d'une réponse inévitable de la part de Moscou. Rien qu'en Allemagne le chiffre d'affaires des échanges avec la Russie se monte annuellement à 80 milliards d'euros et assure 350 000 emplois.

Ces calculs arithmétiques permettent à de nombreux experts russes de conclure que les sanctions dissimulent l'intention des Etats-Unis de rompre les liens entre la Russie et l'Europe et d'occuper la niche politique et économique russe au sein de l'UE.

Washington initie une nouvelle guerre froide et tente de contraindre l'Europe à rompre ses liens avec Moscou dans plusieurs domaines, estime le rédacteur en chef de la revue Géopolitique Léonide Savine :
« Les relations avec la Russie une fois rompues, l'Europe se verra obligée de coopérer plus activement avec les Etats-Unis. Les tentatives d'établir un nouveau format de transatlantisme ou d'euro-atlantisme en Europe sont donc l'objectif numéro un des Etats-Unis et de leur régime de sanctions. »
Entre-temps la « guerre des sanctions » entre les États-Unis, l'UE et la Russie revêt parfois des formes grotesques. Le président de la Tchétchénie Ramzan Kadyrov a annoncé avoir établi sa propre liste de sanctions comprenant le président des Etats-Unis Barack Obama, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso, le président du Conseil de l'Europe Herman van Rompuy, la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton et le président du Parlement européen Martin Schulz. Ramzan Kadyrov a ordonné de geler leurs comptes bancaires et leurs actifs, ainsi que de les interdire d'entrée en Tchétchénie.