Traduit par Daniel pour vineyardsaker.fr

L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (Otan) se désespère. C'est qu'elle veut à tout prix une guerre sur le champ de bataille de l'Ukraine.


Commençons par le Général suprême du Pentagone, le Secrétaire à la Défense étatsunien Chuck Hagel qui, dans une envolée lyrique, a parlé de la « menace » de l'ours russe. « Lorsque vous observez le déploiement des troupes russes, la sophistication de ces troupes, la formation de ces troupes, l'équipement militaire lourd étalé le long de la frontière, c'est bien sûr une réalité, c'est une menace, c'est une possibilité, carrément. »

La porte-parole de l'Otan, Oana Lungescu, peine à expliquer s'il s'agit, carrément ou non, d'une « menace » ou d'une « réalité », mais elle a tout vu : « Nous n'allons pas tenter de deviner ce que fomentent les Russes, mais nous pouvons voir ce qu'ils font sur le terrain, ce qui est très inquiétant. La Russie a massé environ 20 000 soldats prêts au combat à la frontière orientale de l'Ukraine. »

Poursuivant sur sa lancée dans un Otan-discours classique d'une précision minutieuse, Mme Lungescu a ensuite ajouté que la Russie va « fort probablement » envoyer des troupes dans l'est de l'Ukraine sous le couvert d'une « mission humanitaire ou mission de paix ». L'affaire est classée.

De toute évidence, M. Hagel et sa subalterne roumaine, qu'il contrôle par télécommande, n'ont pas lu l'article indiqué en note [1] ou ont tout simplement ignoré les explications détaillées fournies par le porte-parole des forces armées russes : la « menace » ou « déploiement » va prendre fin ce vendredi, dernier jour de ces manœuvres militaires russes annoncées à l'avance.

« Fogh la guerre » s'agite

Juste au bon moment, le Secrétaire général de l'Otan, Anders « Fogh la guerre » Rasmussen, est arrivé à Kiev, l'écume de la guerre lui sortant pratiquement de la bouche, prêt à jeter les bases du sommet de l'Otan qui aura lieu le 4 septembre au Pays de Galles. L'Ukraine, déjà intronisée comme alliée principale non membre de l'Otan, pourrait être alors propulsée pays membre armé par l'Otan, qui s'apprête aussi à se « déployer » sérieusement en Pologne, en Roumanie, dans les pays baltes et même en Turquie.

Sauf que tout plein de produits dérivés du Khaganat [2] de Nuland (en l'honneur de Victoria Nuland, Secrétaire d'État adjointe des États-Unis pour les affaires européennes et eurasiatiques) ont commencé à échapper à tout contrôle. On se demande comment le vaniteux « Fogh la guerre » va faire pour reprendre son sang-froid.

Il a dû sûrement faire quelques efforts pour conserver ce sang-froid à la présentation du spectacle du Président ukrainien Petro Porochenko, un oligarque breveté aux pratiques douteuses, lequel s'efforce d'évincer les activistes originaux de Maïdan qui occupent de nouveau la place au centre de Kiev [3], les mêmes qui étaient à l'origine des manifestations de l'an dernier, détournées par la suite par les néo-nazis du Secteur droit, au profit du Banderastan (en l'honneur du prince saoudien Bandar ben Sultan) et de ses maîtres néo-conservateurs étatsuniens.

À l'origine, les manifestations de la place Maïdan, une sorte de « Occupons Kiev », voulaient mettre fin à la corruption monstrueuse et à la valse perpétuelle des oligarques ukrainiens. Ce que les manifestants ont obtenu, c'est encore plus de corruption, la valse habituelle des oligarques, un État défaillant, en guerre civile, professant le nettoyage ethnique d'au moins 8 millions de ses concitoyens et, pour couronner le tout, un État déliquescent, en voie de paupérisation accrue dans le cadre du « rajustement structurel » imposé par le Fonds monétaire international. Pas étonnant que les manifestants continuent d'occuper la place Maïdan.

Ainsi donc, Maïdan, le remix, a déjà commencé, avant même l'arrivée du général Hiver. Le Roi du chocolat Porochenko doit les évincer le plus rapidement possible, car ces nouvelles manifestations à Kiev vont à l'encontre de la description narrative hystérique des médias de masse occidentaux, clamant que « tout est de la faute à Poutine ». Le pire, c'est que la corruption a un goût encore plus amer qu'auparavant, avec de forts relents néo-nazis.

Avec « Fogh la guerre » qui fulmine déjà parce que « la Russie n'envahira rien », le pompeusement déclaré « Secrétaire » du Conseil de la sécurité nationale et de la défense de l'Ukraine, le néo-nazi Andriy Paroubiy (le plus susceptible d'avoir ordonné le mois dernier le tir sur un avion civil, le vol MH117), a remis sa démission. Voila donc un rat qui quitte un navire en perdition, probablement parce qu'il n'a pu intensifier sa campagne de nettoyage ethnique dans l'est de l'Ukraine et a qu'il a dû se résigner à un cessez-le-feu. M. Porochenko n'est pas un idiot. Avec toutes ces mauvaises relations publiques, il sait pertinemment que son « soutien » national fond à vue d'œil.

S'ajoute à tous ces facteurs l'arrivée d'un croiseur lance-missiles étatsunien en Mer Noire, encore une fois pour « promouvoir la paix ». Mais le Kremlin et les services du renseignement russes ne sont pas dupes.

Par ailleurs, dans l'est de l'Ukraine, l'horrible crise des réfugiés s'amplifie. Mardi dernier, lors d'une réunion du Conseil de sécurité de l'Organisation des Nations Unies, la Russie a demandé que des mesures humanitaires soient adoptées d'urgence, mais, sans surprise, en vain. Washington a bloqué la demande en raison du blocage de Kiev (« Il n'y a pas de crise humanitaire à régler »). L'ambassadeur russe Vitali Tchourkine a qualifié de « désastreuse la situation à Donetsk et Lougansk », en soulignant que Kiev intensifie ses opérations militaires.

D'après l'ONU même, le nombre de réfugiés dans l'est de l'Ukraine s'élève à au moins 285 000 personnes. Kiev insiste pour dire que le nombre de réfugiés internes s'élève « seulement » à 117 000, ce que l'ONU met en doute. Moscou soutient que pas moins de 730 000 Ukrainiens ont trouvé refuge en Russie, ce que confirme le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Certains d'entre eux, qui se sont enfuis de Semenivka, près de Sloviansk, ont fourni des renseignements détaillés sur l'utilisation, par Kiev, de N-17 [Bombe à l'essence, NdT], plus mortel encore que le phosphore blanc.

Lorsque l'ambassadeur Tchourkine a parlé de Donetsk et Lougansk, il faisait allusion aux brutes de Kiev qui se préparent en vue d'une attaque massive. Ils ont déjà commencé à pilonner le quartier Petrovski à Donetsk. Près de la moitié des résidents de Lougansk ont fui, la plupart en Russie. Ceux qui restent sont en majorité des retraités et des familles avec de jeunes enfants.

La crise humanitaire n'a pas encore commencé à décrire la réalité suivante : il n'y a plus d'eau, ni d'électricité, de communications, de carburant et de médicaments à Lougansk. L'artillerie lourde de Kiev a partiellement détruit quatre hôpitaux et trois cliniques. Bref, Lougansk est le Gaza ukrainien.

La symétrie est sinistre, mais l'administration Obama, qui a donné carte blanche à Israël dans le cas de Gaza, fait de même avec les bouchers de Lougansk. Il y a même une diversion au programme. M. Obama se demandait s'il valait mieux larguer sur les brutes du Calife de l'État islamique en Irak des bombes ou un peu d'aide humanitaire. Il a choisi d'effectuer (peut-être) des frappes « limitées » et sans doute des parachutages moins limités d'eau et de vivres [4].

Soyons clairs. Pour le gouvernement étatsunien, « il y a peut-être une catastrophe humanitaire » sur le mont Sinjar en Irak, touchant 40 000 personnes. Quant aux 730 000 Ukrainiens de l'est, ils ont le droit inaliénable d'être pilonnés, bombardés, frappés du haut des airs et transformés en réfugiés.

La nouvelle Somalie

Les lignes rouges de Moscou sont assez explicites : l'Otan n'a pas sa place en Ukraine ; la Crimée fait partie de la Russie ; il ne veut pas de troupes étasuniennes près des frontières russes ; la protection pleine et entière de l'identité culturelle russe dans le sud et l'est de l'Ukraine doit être assurée.

Mais la véritable crise humanitaire (que Washington écarte) est une toute autre paire de manches. Les forces armées de Kiev ne sont pas équipées pour mener une guerre urbaine prolongée. En supposant que ces forces armées - un ramassis de militaires de métier, d'escadrons de la terreur et de la mort financés par des oligarques, de gardes nationaux ukrainiens « volontaires » infestés de néo-nazis et de mercenaires étrangers formés par les États-Unis - décident de se lancer dans un carnage pour prendre Donetsk et Lougansk, Moscou devra sans doute reconsidérer ce que le personnel de l'Otan qualifie « d'intervention terrestre limitée » en Ukraine.

Les spécialistes en communication de l'Otan sont assez fous pour croire que si M. Poutine arrive à travestir une intervention russe en mission de paix ou mission humanitaire, il arrivera à convaincre l'opinion russe de son bien-fondé. En fait, si M. Poutine n'a rien « envahi », c'est parce que l'opinion publique russe s'y oppose. Son taux de popularité s'élève à rien de moins que 87 % [5]. Seul un carnage massif perpétré par Kiev, qui est improbable, changerait l'équation et ferait fluctuer l'opinion publique russe. Sauf que c'est exactement ce que veut l'Otan, et « Fogh la guerre » fera tout ce qui est en son pouvoir pour amener ses vassaux à se lancer dans pareil carnage.

Pourtant, à la lumière des derniers développements, ce qui se passe sur le terrain laisse présager le dénouement de la dernière valse des oligarques en cours à Kiev, comme le démontre l'article indiqué en note [6]. Moscou ne se donnera même pas la peine de songer à « envahir ». Dans l'intervalle, M. Porochenko aura carte blanche pour poursuivre son génocide au ralenti dans l'est de l'Ukraine, tout comme sa répression contre Maïdan, le remix, à Kiev. Tous saluent l'Ukraine comme la nouvelle Somalie : un Frankenstein bien opportun créé par l'exceptionnaliste Empire du Chaos.

Notes

[1] Russian Air Force begins military exercises near Ukrainian border (Airforce-technology.com, 04-08-2014)

[2] Empire des Khazars alias Tatars au VIIe siècle (Wikipedia, français)

[3] Maidan Unrest Back to Life as Activits Clash With Police on Central Kiev Square (RIA Novosti, 07-08-2014)

[4] Obama Allows Limited Airstrikes on ISIS (The New York Times, 07-08-2014)

[5] Putin's Approval Rating Soars to 87%, Poll Says (Moscow Times, 06-08-2014)

[6] Ukrainians Order to War, Women Burn the Military Writs (Before Its News, 29-07-2014)