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Alors que les écosystèmes marins ont été progressivement déstructurés par la surpêche, la politique européenne montre aujourd'hui des résultats contrastés.
Une étude publiée en août 2014 dans la revue Fish and Fisheries "confirme l'impact de la pêche sur les ressources et les écosystèmes marins". Les conclusions de l'équipe scientifique conduite par Didier Gascuel rappellent que "la pression de pêche s'est très fortement accrue dans les eaux européennes depuis la fin de la seconde guerre mondiale et jusqu'à la fin des années 90, avec des navires de plus en plus puissants et des engins de pêche de plus en plus sophistiqués". L'étude porte sur sept grands écosystèmes européens, de la mer Baltique à la côte ibérique, en passant par la mer du Nord et le golfe de Gascogne.


Des écosystèmes fortement "déstructurés"

"Les premiers signes de surexploitation apparaissent dès les années 50", mais les impacts les plus importants se manifestent à la fin des années 90, précisent les scientifiques. En mer du Nord, le hareng, la sole et la plie ont été surexploités dans les années 50, puis vint le tour de la morue, de l'églefin et du merlan, dans les années 60. A cette surexploitation sectorielle succède une surexploitation généralisée, dès les années 70.

A la fin des années 90, la surexploitation a conduit à une "déstructuration en profondeur de la structure des écosystèmes", explique Didier Gascuel. Les espèces opportunistes se sont développées, "notamment des espèces à vie courte", ainsi que certains poissons pélagiques (lançon, chinchard) et certains crustacés (langoustine) alors que "les poissons prédateurs sont en forte régression et les biomasses totales sont en diminution". Les écosystèmes marins sont alors devenus à la fois "moins productifs" mais aussi "plus instables".

Une pression de pêche divisée par deux au cours des douze dernières années

"A partir de la fin des années 90, l'Union européenne commence à mettre en place des mesures de gestion de la pêche plus efficaces", avancent les chercheurs. "Au cours des douze dernières années, la pression de pêche a été divisée par deux", chiffrent-ils. Un progrès que les acteurs de la pêche ont payé cher, puisque les mesures ayant permis "d'éviter l'effondrement du système [de] pêche européen" se sont avérées "souvent douloureuses pour les pêcheurs", fait remarquer l'étude.

Des résultats contrastés

Malgré l'enclenchement d'une politique de gestion, l'étude montre que "les résultats espérés ne sont pas toujours au rendez-vous". D'un côté, "certains stocks naturels montrent (...) des signes assez spectaculaires de reconstitution". C'est le cas de la plie de mer du Nord et du merlu, "dont les biomasses ont été multipliées au moins par trois depuis dix ans". De l'autre, l'étude relève que "d'autres espèces restent au plus bas", telles que la sole du golfe de Gascogne ou la morue de la mer du Nord.

Les résultats positifs ne sont donc pas suffisants : "globalement, les abondances ne remontent guère", tranche l'étude. En effet, "la structure des écosystèmes reste perturbée, avec des indices de productivité et de diversité qui n'enregistrent aucune amélioration significative".

Non-reconstitution des stocks : une explication "inquiétante"

S'il "est assez logique que la reconstruction de la structure des écosystèmes soit un processus long", rappelle le responsable des recherches, les scientifiques ont été "surpris de constater que beaucoup de stocks ne se reconstituaient pas". Pour Didier Gascuel, la raison de ce non-renouvellement est "inquiétante". L'étude a en effet montré que "la reproduction des différents stocks a été divisée en moyenne par deux depuis vingt ans". "Il est vraisemblable que cette diminution résulte pour partie de la très forte surexploitation qu'ont connu les stocks européens, avec une quasi-disparition des grands géniteurs les plus féconds", estime Didier Gascuel .

Mais l'étude pointe également des facteurs "extérieurs à la pêche". Il faudrait ainsi prendre en considération "une possible baisse de productivité de la chaîne alimentaire liée au changement climatique, ainsi que la dégradation d'habitats côtiers qui sont essentiels dans le cycle de vie de certaines espèces", explique le responsable des recherches. Le caractère multifactoriel de la chute des reconstitutions de stocks est le signe, selon les auteurs de l'étude, de la nécessité "d'appréhender l'état de santé des écosystèmes marins de manière globale, en prenant en compte l'impact de l'ensemble des activités humaines", qui dépasse les seules activités de pêche.