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Des lecteurs d'empreintes digitales, pour contrôler les achats de chacun : telle est la mesure choc que veut implanter le Venezuela d'ici la fin de l'année, voulant ainsi s'attaquer à la contrebande, responsable selon le gouvernement de la pénurie extrême dont souffre le pays.

Cette annonce s'ajoute à celle, en début de mois, d'une fermeture la nuit de la frontière avec la Colombie, destinataire d'une grande partie de cette contrebande.

«L'ordre a été donné pour la mise en place d'un système biométrique dans tous les établissements et réseaux de chaînes de distribution et commerciales du pays», a déclaré le président Nicolas Maduro, assurant que ce programme est une «bénédiction anti-fraude».

Selon le gouvernement socialiste, la contrebande fait s'échapper du pays 40% des produits de première nécessité et l'équivalent de 100 000 barils de pétrole par jour, occasionnant des pertes annuelles de 3,65 milliards de dollars.

Un juteux trafic motivé par les énormes différences de prix entre Colombie et Venezuela, où les généreuses subventions et le contrôle des prix aboutissent à des tarifs défiant toute concurrence.

Fort de ses prodigieuses réserves pétrolières, le Venezuela offre l'essence la moins chère au monde : le plein d'une voiture coûte moins cher qu'une bouteille d'eau.

Difficile de résister depuis la Colombie, où le litre d'essence coûte 1,18 dollar.

Quant aux produits basiques comme le lait, le sucre ou le papier toilette, ils peuvent être jusqu'à cinquante fois moins chers qu'en Colombie.

Au quotidien, cela se traduit par une terrible pénurie pour les Vénézuéliens : du déodorant aux cercueils en passant par les bouchons de bouteille en plastique, la farine ou les médicaments, un produit de première nécessité sur quatre est introuvable.

Le mécanisme annoncé cette semaine, et qui devrait être implanté d'ici fin décembre, utilisera des lecteurs optiques d'empreintes digitales - un système déjà éprouvé lors des élections - pour identifier chaque acheteur.

«Le système biométrique sera parfait», a affirmé Nicolas Maduro, héritier politique de Hugo Chavez et de son programme du Socialisme du 21e siècle, dont l'un des axes, le strict contrôle des changes, est aussi une des raisons de la pénurie, en bloquant les importations des entreprises.

Grâce à ce relevé d'empreintes, l'idée est d'empêcher qu'une personne achète le même produit dans des quantités ou à une fréquence dépassant son simple usage personnel, ce qui serait donc un indice de trafic.

«DE LA COMMUNICATION»

La nouvelle a été fraîchement accueillie dans le pays.

«Maintenant, nous achèterons quand le gouvernement en aura envie», a réagi en une le journal populaire 2001.

«Cela n'est rien d'autre que le livret de rationnement cubain. Le gouvernement ne peut pas décider ce que va manger chaque famille», a dénoncé jeudi le député Alfonso Marquina, du parti de l'opposant Henrique Capriles.

Ce dernier a jugé la mesure inutile : «cela ne mettra pas fin à la pénurie dans le pays».

Au Venezuela, «nous parlons de contrebande à grand échelle. On ne peut pas combattre ça avec des lecteurs d'empreintes», renchérit le président de l'Association nationale d'usagers et consommateurs (Anauco), Roberto Leon.

«En limitant les achats, on ne résout pas le problème de fond, qui est lié à la production et aux mécanismes d'importation pour couvrir une demande qui dépasse l'offre. Ce genre de mesures, c'est plus de la communication».

Mais «ensuite, cela se traduit en atteinte aux droits des citoyens», regrette-t-il.

Les analystes s'accordent sur le fait que, de toute façon, cette contrebande n'est possible qu'avec la complicité de membres des forces de sécurité et des douanes des deux côtés de la frontière.

Et surtout, derrière reste une des principales raisons de la pénurie, qui est la faible fourniture en devises par l'État aux entreprises, ce qui paralyse leurs importations : sur les sept premiers mois de l'année, celle-ci a chuté de 27%, de 18,1 à 13,2 milliards de dollars, selon un rapport de la revue Synthèse Économique.