Alors que la plus grande part de l'intérêt aux affaires du monde se porte sur les guerres et les troubles au Moyen-Orient et en Ukraine, une autre guerre gronde, au Pakistan, dans l'indifférence internationale. Un mouvement qu'on pourrait qualifier de Révolution, qui, cette fois, n'est pas sponsorisée par les États-Unis : ce n'est pas la Révolution de Couleur habituelle. Et, à ce titre, tous les organes de l'État fantoche pakistanais tentent de la nier et de l'étouffer.

révolution pakistan
Les partisans de Tehrek-e-Insaaf (PTI) prêts à marcher sur la capitale, Islamabad
Dans ce que l'on peut qualifier de guerre civile larvée, 40.000 pakistanais ont déjà perdu la vie, et cela à cause de la guerre globale contre le terrorisme menée par l'Amérique. Un cadeau qui continue de prospérer, comme Pepe Escobar l'a pertinemment remarqué. Des milliers de civils ont péri et le gouvernement continue de danser au son des violons du Fonds monétaire internationale, des États-Unis, de leurs copains et des marionnettes oligarchiques locales.

Comme dans tous les États vassaux, le pouvoir en place et le statu quo sont férocement défendus par les héraults de l'Empire. Et, comme d'autres peuples éveillés, la majorité des Pakistanais sont lassés des fausses promesses vides d'un État fantoche, qui se déguise en « démocratie » embryonnaire.

Actuellement, la voix la plus révolutionnaire au Pakistan est celle de Tehrek-e-Insaaf's Imran Khan. C'est une ancienne star du cricket, qui s'est tournée vers la politique. Il a connu beaucoup de succès depuis le monde du cricket, jusqu'à son ambitieux projet social d'un hôpital de soins cancéreux gratuit, à Lahore. Il est en politique depuis 18 ans environ. Petit à petit, il a grandi, commis des erreurs, appris de ses erreurs, et a continué à avancer. C'est un homme habité par une vision et un destin, quoi qu'en disent ses opposants.

Imran appartient à l'ethnie pachtoune de la province centrale du Pendjab. Il est unique dans ses appels à un rassemblement des ethnies et des religions, auprès d'une population forte de 180 millions d'habitants.

Bien sûr, comme quelqu'un qui parle d'intérêt national et d'indépendance des politiques étrangère et domestique, Imran Khan est calomnié quotidiennement par les élites de la société pakistanaise, la classe sociale fantoche triée sur le volet, comme dans d'autres États clients.

Dans la presse nationale anglophone, Imran Khan a longtemps été ridiculisé, spécialement par le journal Dawn, l'instrument colonial qui chapitre habituellement au nom du ministère de la Propagande, équivalent, pour le Pakistan, du New York Times, du Washington Post ou du Kiev Post. Pour avoir tenté de négocier avec les Talibans, Imran Khan a même été surnommé Taleban Khan.

Pour trouver une solution aux problèmes que lui cause Imran Khan, le régime fantoche néolibéral a eu l'idée de poursuivre les frappes de drones et les opérations militaires dans les zones tribales du Pakistan, où chaque homme est un guerrier aguerri et motivé. Ainsi, grâce à la « Guerre à la Terreur », ceux qui n'étaient que quelques milliers de militants sont devenus une insurrection en plein essor, soutenue par une population sympathisante. Imran Khan a très justement déclaré que, lorsque la population locale considère les militants comme des libérateurs, alors la guerre est déjà perdue :
« Essayer de prendre son arme à un homme de la tribu est comme essayer de prendre ses bijoux à une femme. Où est la fin du jeu, là ? Tuer un million de Pakistanais pour satisfaire l'Amérique ? »
Évidemment, la seule solution est d'éradiquer les causes qui sont à la racine du terrorisme : l'interférence américaine et les frappes de drones contre les civils innocents du Pakistan. Alors seulement, le Pakistan pourra s'occuper de ses problèmes internes avec les extrémistes, de son système éducatif et de la pauvreté endémique, parmi tous les autres problèmes non traités depuis 60 années calamiteuses.

Pour tout État fantoche, la plus grande menace géopolitique reste l'unité de la nation, que ce soit sous la direction d'un ayatollah ou d'un dictateur. Un État souverain dans ses politiques intérieure et extérieure est de la première importance. Sans cela, il n'y a pas de démocratie.

A qui profite le statu quo maintenu au prétexte pathétique de la démocratie ? La réponse semble toujours venir de la sympathique oligarchie US (incluant vos industriels, banquiers, parrains mafieux...). L'oligarchie n'est pas seulement restreinte à l'ère post-soviétique, c'est une classe qui existe presque partout, avec des nuances variées, et qui travaille facilement contre les intérêts nationaux.

Nawaz Sharif [1], le Premier ministre actuel, est au pouvoir malgré d'innombrables plaintes (classées sans suite) pour fraude électorale (un cadeau spécial de l'Empire au Tiers-Monde, Colombie et autres États vassaux). Ce milliardaire exilé jusqu'en 2007 était hébergé en exil en Arabie saoudite. Il est un allié des États-Unis d'Amérique. Est-il vraiment nécessaire d'en dire plus ?

Tout est analysé au niveau micro-local à partir de l'idée démente que la démocratie articulée au marché libre néolibéral (qui détruit littéralement la planète) est une bonne chose, et que, là est le cœur de l'affaire, elle sauvera le Pakistan d'une ruine imminente, si une révolution sociale réussissait.

Les réactions typiques des apologistes du pouvoir installé, telle que celle parue dans le journal Dawn le 21 août 2014, sont des répliques d'« opinions intellectuelles » glanées ici et là dans les médias de masse de la presse-système [2]. Cet article se focalise essentiellement sur deux menaces contre les objectifs déclarés du mouvement social, par l'allié principal de l'État vassal, la banque centrale.

Ce qui suit est très significatif de ce qu'un État vassal trouve normal :
« Ils pourraient continuer à gouverner et payer leurs factures en se mettant à découvert auprès de la Banque d'État, mais ils devraient savoir que, par le passé, la Banque ne s'est pas gênée pour refuser les chèques émis par le gouvernement provincial, quand elle a senti que les autorités provinciales étaient irresponsables dans la gestion de leurs finances » [2].
Traduction : le gouvernement central peut vous asphyxier financièrement et vous regarder mourir de faim. Un principe démocratique néolibéral plutôt brutal. Une approche complètement sauvage, de punition collective contre un peuple dissident.

L'idée de la force est balayée d'un revers de main par une boutade : « ... menaces que personne ne peut probablement prendre au sérieux ». Ensuite, un autre coup rapide est asséné : « Sans revenus, coupera-t-il les dépenses à proportion ? ». L'auteur est un journaliste-système classique, dont l'espèce est aujourd'hui bien connue chez d'autres « héraults de l'Empire », tels The New York Times, The Guardian, The Economist...

Je ne vois tout simplement pas pourquoi existe une telle haine, un tel mépris (et finalement une telle peur) d'un mouvement social ? Pourquoi ne pas suggérer l'idée, ou peut-être entretenir l'idée, de, disons, une révolution ?

Imran Khan
Imran Khan s'adresse aux manifestants à Islamabad
Dans une révolution, vous utilisez la force là où elle est nécessaire. Vous détournez peut-être des revenus d'ailleurs et, lorsque le centre vous coupe les vivres, vous marchez sur la capitale. Mais, attendez, ils sont déjà dans la capitale. Cela pourrait arriver, même si l'échéance est lointaine. Voila pourquoi les organes de l'État s'acharnent à combattre la menace contre le statu quo.

Noam Chomsky l'a résumé de belle manière en disant :
« Le moyen intelligent pour garder un peuple passif et obéissant est de limiter strictement le spectre des opinions acceptables, et d'autoriser un débat vivant dans ce spectre... ».
Le spectre de l'élite néolibérale pakistanaise repose sur les fondations d'une utopie démocratique fantasmée, émergeant d'un système corrompu et pourri, qui assassine ses citoyens pour des dollars. Et pas seulement ça, mais un système qui a pillé le pays depuis des dizaines d'années. Mais, si la moindre tentative de contestation de cette « démocratie coloniale » est entreprise, cela mettra en péril le conte de fée de la chance du Pakistan de modifier le cours des choses dans les urnes (qui sont trafiquées de façon routinière en faveur de l'oligarchie fantoche du moment).

Récemment, le ministre des Finances pakistanais est revenu de Dubai pour répondre à un livre-blanc de Tehrek-e-Insaf [3] sur la corruption du gouvernement [4]. Il participait au dernier round des réunions avec le Fonds monétaire international, qui a violé le Pakistan depuis des décades.

Alors, qui profite de tout ça ? Le pouvoir en place, ses sycophantes et le classique bric à brac des élites néolibérales.

Traduit par Jean-Jacques pour vineyardsaker.fr

Notes :

[1] Mian Muhammad Nawaz Sharif (en ourdou : نواز شریف), né le 25 décembre 1949 à Lahore, est un homme politique pakistanais, qui a été Premier ministre du Pakistan à trois reprises non consécutives depuis le début des années 1990 (wikipedia, français)

[2] PTI's empty threats, alias Les menaces vides du PTI, signé par Khurram Husain, est un exemple typique de journalisme publié dans les médias de masse dominants (dawn.com, anglais, 21-08-2014)

[3] Le Mouvement du Pakistan pour la Justice ou Pakistan Tehreek-e-Insaf (PTI) (wikipedia, français)

[4] Finance Secretary summoned from Dubai to prepare reply on PTI white paper (nation.com.pk, anglais, 11-08-2014)