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La politique américano-européenne de sanctions occasionne des changements dans le système de liens régionaux. Les 10 et 11 septembre de cette année, la commission intergouvernementale russo-iranienne étudiera à Téhéran des accords concrets, prévus dans un mémorandum d'intention qui fut signé début aout pour une durée de 5 ans. Selon les informations de « Kommersant » les accords prévoient l'achat par la Russie de pétrole iranien. Il est question d'achats en très grandes quantités, jusqu'à 500.000 barils par jour, soit 25 millions de tonnes/an. Ce qui représente le quart de la production totale de l'Iran. L'Iran prévoit de vendre avec une réduction de prix -légèrement en dessous du Brent- soit environ moins 5$ par baril. L'embargo pétrolier imposé par l'Occident sur la vente de brut iranien, qui date de 2013, finit aux oubliettes. Moscou, dans l'attente de sanctions renforcées venant de Washington et de Bruxelles dues à la défaite des opérations militaires ukrainiennes, entreprend de briser le blocus pétrolier en s'associant à Téhéran. Les experts de Kommersant estiment que l'essentiel des ventes se feront au 'spot', et que la majorité des fournitures iront à la Chine et l'Afrique, plus précisément l'Afrique du Sud. De toute évidence les BRICS reçoivent ainsi un stimulus pour leur développement, et un renforcement de leurs liens internes.

Selon les propos de l'ambassadeur d'Iran en Russie Mr SANAN, les bénéfices retirés par Téhéran de ces ventes seront orientés sur l'achat à la Russie de machines-outils, rails, véhicules lourds, métaux et céréales. Le groupe d'état russe « Rostekhnology » a déjà annoncé sa disponibilité pour fournir à l'Iran un large spectre d'équipements de haute technologie. Une partie des profits de l'IRI (les pétroles iraniens) sera consacrée aux entreprises russes qui construisent le second bloc de la centrale nucléaire de Boushehr. Les plans US qui depuis tant d'années tentent de geler le programme nucléaire iranien s'effondrent à vue d'œil. Mais là ne s'arrêtent pas les maux de tête de l'administration Obama : Téhéran appelle à lancer un programme commun de construction de mini raffineries en Iran, et développer les champs gaziers de Asaoul et South Pars, où déjà s'activaient des entreprises russes. Ce n'est un secret pour personne que la participation de nos entreprises à de tels projets conforte le statut de la Russie en tant que puissance énergétique mondiale. Même le chaos en Syrie et en Irak, sur lequel l'Arabie Saoudite et le Qatar fondaient tant d'espoir, ne pourra changer le rôle leader de la Russie dans le monde de l'énergie.

« L'Etat islamique » transforme ces espoirs en poussière. Le journal britannique Guardian reconnait que la situation est sans issue : « nous n'avons aucunement envie d'utiliser nos forces au profit de l'Etat islamique , qui ne pourra qu'apprécier si l'on tue en Irak de braves sunnites, ni si la révision possible des relations de l'Occident avec le président Assad inquiète les Sunnites, ou les rapproche des djihadistes. » Au sens propre, les combattants de l'Etat islamique lient les mains à Obama et Cameron, et par leurs actes offrent à V. Poutine et Kh. Rohani une marge de manœuvre.

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L'Iran ne s'arrête pas en si bon chemin, mettant l'Arabie Saoudite sous pression via le voisin yéménite. A Sanaa depuis quelques semaines se poursuivent activement les manifestations, organisées par les hussites, soit les chiites locaux, qui gardent en mémoire le cheikh Hussein Badr Ad-Dina Al-Hussi, tué en 2004. Selon l'agence iranienne FARS, en installant dans la capitale Sanaa un camp de toile, les contestataires exigent la démission du gouvernement de Abd Rabbo Mansour Khadi. Auquel ils reprochent son soutien à Al-Qaida. La situation s'est compliquée à tel point que le gouvernement yéménite recourt à la tactique des bombardements aériens sur la province de Amran au nord-est, territoire contrôlé par les Hussites. L'inquiétude des saoudiens ne connait pas de frontières : dans la presse filtrent des plans d'intervention terrestres de Ryad dans le pays voisin. Les Hussites et les Salafistes s'engagent dans un combat mortel.

Remarquons que ces agissements de la Russie et de l'Iran ne constituent pas seulement une avancée diplomatique ; c'est exactement ce dont nous prévenait il y a peu l'agence d'information REKh , en évoquant « le cauchemar de la coalition ». Dans ce cas, le « cauchemar » pour Obama et ses conseillers en politique extérieure. Depuis longtemps les USA poussent l'Iran dans les bras de la Russie : le rapprochement de ces deux puissances était prévisible. Sur fond de ce rapprochement russo-iranien, les experts turcs réagissent avec nervosité, se souvenant de l'accord de partenariat stratégique de Rosneft et ExxonMobil, signé un an auparavant. Dans la publication de YENICAG un article sous le titre paradoxal « l'union Américano-Russe » évoque l'indépendance de ExxonMobil par rapport à la Maison Blanche, qui est apparue lors de forages communs avec Rosneft dans l'Océan Arctique, conforté par un investissement sans précédent de 400 milliards $ jusqu'à 2030. YENICAG reste perplexe : « Les USA pressent les Européens d'introduire des sanctions contre les entreprises pétrolières russes, alors qu'ils ne peuvent contraindre ExxonMobil, sachant qu'aucun président des USA ne dispose d'un tel pouvoir ». L'annonce fut faite que le premier tanker de pétrole kurde fut acheté par Rosneft, et livré en Europe par le port italien de Trieste. Il est possible que ExxonMobil, qui travaille de façon notoire dans le nord de l'Irak, ait fait usage de sa relation avec Rosneft pour faire aboutir cette vente. L'auteur de l'article évoque qu'il y a deux Amériques : celle d'Obama, et celle d'ExxonMobil... leurs processus sont différents.

Pendant que les anciens soviétologues du Congrès US élucubrent sur les relations Russie-USA dans le registre « guerre froide », le rôle de notre pays sur la balance de la politique globale se métamorphose au point d'être méconnaissable. Dans les années 80 Ronald Reagan et son directeur de la CIA William Joseph Casey ont sereinement convaincu l'Arabie Saoudite et la Grande-Bretagne d'augmenter leur fourniture pétrolière sur le marché mondial, étranglant ainsi l'afflux de devises en URSS. Ce qui a conduit au crash du modèle économique soviétique. Actuellement une manœuvre similaire n'est plus possible : les réserves de l'Arctique, l'exploration et l'exploitation commune Rosneft-ExxonMobil , dépassent les moyens de l'Arabie Saoudite et de ses partenaires régionaux ; et la part de l'export iranien de pétrole qui aboutira en Russie constituera une force supplémentaire, capable de préserver le marché du dumping.

Traduit par Mufasa