Les rues de la capitale de Sierra Leone, Freetown, étaient vides vendredi, au premier des trois jours de confinement de la population du pays pour une campagne de porte-à-porte géante visant à juguler l'épidémie d'Ebola, décrétée «menace pour la paix et la sécurité internationales» par l'ONU.

Le but de cette opération controversée était l'information des populations, un enjeu vital tragiquement illustré en Guinée voisine par le sort de huit membres d'une mission de sensibilisation, tués par des villageois.

Quelque 30 000 volontaires par équipes de quatre sillonnaient le pays pour informer en trois jours 1,5 million de foyers pour les informer sur l'épidémie, qui a fait 2 630 morts depuis le début de l'année, dont 562 sur 1 673 cas en Sierra Leone.

Seuls les véhicules utilitaires et des urgences circulaient dans la capitale d'1,2 million d'habitants, d'habitude congestionnée.

«La police ordonnera à quiconque sera trouvé dans la rue sans motif valable de rentrer immédiatement chez lui», a averti le président Ernest Bai Koroma dans une allocution radio-télévisée.

La population est autorisée à sortir pour des nécessités essentielles, comme chercher de l'eau, et à aller prier après 18h.

«Cette campagne de trois jours ne va pas mettre un terme à elle seule à l'épidémie d'Ebola, mais si tout le monde suit les recommandations des équipes de sensibilisation, elle contribuera beaucoup à inverser la tendance d'accélération de la transmission», a assuré M. Koroma.

Leur mission est de distribuer à chaque foyer un savon, transmettre des informations sur Ebola, mais pas d'entrer dans les domiciles, avec instruction d'alerter les services spécialisés s'ils découvrent des malades ou des morts.

S'attendant à identifier de nombreux nouveaux cas, les autorités ont prévu des lits supplémentaires, dont plus de 250 autour de la capitale.

L'accueil initial était plutôt favorable.

«Il y avait beaucoup de messages contradictoires dans le quartier sur cette campagne, mais nous voyons maintenant que c'est une bonne chose pour nous tous. Il s'agit de sauver nos vies», a déclaré Sammy Jones, un père de famille, dans l'ouest de Freetown.

Le chef d'une équipe dans le centre de la capitale, Francis Coker, a précisé que «les questions les plus fréquentes portaient sur la stigmatisation et les traitements expérimentaux. Cela montre que les gens veulent désespérément un médicament».

«Marathon à la vitesse d'un sprint»

Une porte-parole de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), Nicka Alexander, a dit «espérer que cette opération de trois jours soit utile», se félicitant que «les habitants de Freetown la prennent au sérieux en restant chez eux».

«C'est un marathon parce que nous savons qu'il faudra encore des mois de mobilisation, mais nous devons le courir à la vitesse d'un sprint», a-t-elle affirmé.

L'Unicef, qui participe au financement, a salué l'opération, son représentant Roeland Monasch estimant nécessaire de donner aux habitants «les informations qui pourront les sauver là où ils vivent, sur le pas de leur porte».

Mais les spécialistes de santé publique doutent de l'efficacité d'une opération aussi contraignante.

Présente en Sierra Leone, Action contre la Faim (ACF) s'est dite «très préoccupée par les conséquences de la mise en place de mesures coercitives de masse vis-à-vis d'une population déjà en souffrance et méfiante à l'encontre du système de santé».

Le risque est particulièrement important dans le cas d'Ebola, maladie effrayante qui a suscité des réactions de déni, parfois violentes, des populations.

Huit responsables locaux et journalistes guinéens portés disparus après des heurts mardi lors d'une campagne de sensibilisation dans le sud, région la plus touchée, ont été retrouvés morts, tués par des villageois.

Le gouvernement a jugé «ces crimes d'autant plus regrettables qu'ils interviennent au moment où la communauté internationale se mobilise pour accompagner les pays affectés».

La mobilisation internationale a franchi un palier jeudi, avec l'adoption à l'unanimité par le Conseil de sécurité d'une résolution qualifiant l'épidémie de «menace pour la paix et la sécurité internationales», une première pour une urgence sanitaire.

Selon la directrice générale de l'OMS Margaret Chan, il s'agit «du plus grand défi jamais relevé par l'ONU et ses agences en temps de paix».

Le coordinateur de l'ONU pour Ebola, le Dr David Nabarro, a déploré une réaction internationale encore trop faible, estimant que pour regagner du terrain sur le virus elle devrait être «20 fois plus forte qu'en ce moment».

L'ONU estime avoir besoin de près d'un milliard de dollars sur six mois.

Une infirmière française de Médecins sans Frontières (MSF) contaminée à Monrovia, capitale du Liberia, de loin le pays le plus touché avec 1459 morts, a été rapatriée et recevait vendredi des «traitements expérimentaux» dans un hôpital de la région parisienne.