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Hier 24 septembre, notre vieil ami le chroniqueur et ancien diplomate indien M. K. Bhadrakumar a publié dans Indian Punchline un article bien intéressant [1]. S'il se trouvait vérifié, et généralement l'auteur est très bien informé, il annoncerait une nouvelle de grande importance.

En effet, alors qu'Obama vient de présenter la Russie à l'ONU comme la deuxième menace existentielle contre la paix du monde [2], il se serait engagé parallèlement dans un colossal rétropédalage. L'Ouest, c'est-à-dire en fait Obama, viendrait de décider de ne plus soutenir le gouvernement de Kiev et son président Porochenko dans leur lutte homérique contre Moscou.

Avant-hier, mardi 23 septembre, à Washington, lors d'une réunion conjointe, Obama aurait déclaré qu'il recommandait à Porochenko de rétablir de bonnes relations avec Moscou, sur les plans tant diplomatique qu'économique. Pour (ré)conforter l'infortuné (c'est le cas de le dire) Porochenko dans cette nouvelle voie, Obama ne lui aurait promis que $50 millions, pour faire face aux dettes de l'Ukraine, alors que celles-ci avaient été estimées au bas mot à $55 milliards, sinon $100 milliards. Autant dire seulement de quoi permettre au roi du chocolat d'acheter quelques tonnes de sa production pour nourrir le peuple ukrainien durant l'hiver prochain.

Selon l'article, ce changement de cap aurait été préparé depuis quelques semaines par des discussions entre Obama et ses alliés européens. Déjà l'Union européenne ne voyait pas favorablement la perspective d'une Union économique avec l'Ukraine, et l'avait reportée à 2015, pour la raison qu'elle eut été le mariage entre l'aveugle et la presque paralysée. De plus l'UE ressentait de plus en plus mal, non seulement la perspective d'être poussée par l'Amérique dans une guerre avec la Russie, mais plus immédiatement les sanctions contre la Russie dont elle est déjà, et serait encore plus à l'avenir, la première à souffrir.

Mais pourquoi Obama renoncerait-il (au moins momentanément) à abattre la Russie par l'intermédiaire de l'Ukraine, alors qu'il a consacré tant d'efforts et de soins à cela depuis de nombreux mois ? Eh bien, pour mieux se consacrer à la guerre qu'il vient de déclarer à l'État islamique (EI) et, surtout, pour obtenir le soutien de la Russie dans cette guerre, ne serait-ce que pour la légitimer. Il est vrai que l'EI représente une menace autrement plus sérieuse que la Russie, car il touche aux relations des US avec les États pétro-arabes du Golfe et, plus généralement, à tous les intérêts américains aux Proche et Moyen-Orient. Dans cette guerre, le soutien actif de la Russie, qui affronte les mêmes menaces, sera fort utile. Ce n'est pas évoqué dans l'article de M. K. Bhadrakumar, mais il serait intéressant de savoir si Israël a joué un rôle dans ce retournement, ne voulant être en froid ni avec les États-Unis, ni avec Poutine, tenant absolument à se débarrasser d'Assad et craignant en même temps l'extension de Daech à ses portes.

Si cela se vérifiait (un grand SI), il faudrait remercier les égorgeurs de Daesh, sans les absoudre pour autant, de leur rôle indirect dans le rétablissement d'une relation normale entre l'Amérique, l'Europe et l'Eurasie.

Bref, affaire à suivre.

Notes :

[1] West beats retreat in Ukraine (Indian Punchline, anglais, 24-09-2014)

[2] Russia tops ISIS threat, Ebola worst of all? Lavrov puzzled by Obama's UN speech (rt.com, anglais, 24-09-2014)