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Pourquoi demander aux musulmans de se « désolidariser » des atrocités djihadistes ? Pourquoi, croyant ou pas, les assigner à résidence identitaire ? Pour mieux faire accepter une identité nationale étriquée qui permet de désigner un bouc émissaire.

Être musulman ou originaire d'un pays de « culture musulmane », est-ce être différent du reste du monde ? Les catholiques du monde se sont-ils sentis obligés de manifester pour marquer leur indignation quand des affaires de pédophilie ont secoué l'Église ? A-t-on demandé aux juifs de dénoncer les bombardements sur les populations civiles de Gaza qui ont causé la mort de centaines d'enfants ? Que des autorités religieuses condamnent ce qui est perpétré au nom de leur religion, c'est salutaire. Que des musulmans veuillent crier leur colère et leur dégoût certes, mais pourquoi demander aux musulmans de se « désolidariser » de la barbarie de « l'État islamique » ?

Le matraquage idéologique

Le terme même de « désolidariser » renvoie au fond du problème, car il implique qu'il y a eu solidarité. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les musulmans et plus largement tous ceux qui, d'une manière ou d'une autre, se rapprochent de pays identifiés à l'islam sont devenus des suspects. Et comme tout suspect dans une affaire criminelle, ils protestent de leur innocence. Un tel état d'esprit prouve à quel point le matraquage idéologique est violent depuis maintenant près de 15 ans et combien a été intégré dans l'inconscient d'une partie des musulmans qu'ils devaient demander pardon à chaque acte de barbarie commis par des malades fanatisés, sous peine d'être suspectés de les soutenir.

La laïcité dévoyée

Et pas suffisamment fort, selon certains, puisque le site du « Figaro » n'a pas hésité à organiser sur son site Internet un « sondage » dont la question était : « Assassinat d'Hervé Gourdel : estimez-vous suffisante la condamnation des musulmans de France ? » Ce sont les mêmes qui refusent « la repentance » de la République sur les crimes du colonialisme français qui jugent que les musulmans doivent en faire plus. Logique, puisque ce sont eux qui ont porté dans l'actualité, il y a quelques années, le débat étriqué sur l'identité nationale. Puisque ce sont les mêmes qui instrumentalisent et dévoient la laïcité pour en faire un instrument de stigmatisation des musulmans. Identité nationale et laïcité dénaturées, ou comment montrer du doigt une partie de la population à travers un mécanisme d'assignation identitaire qui dépasse la question religieuse. Tout individu soupçonné d'avoir un lien avec la culture musulmane est renvoyé à l'islam, qu'il soit croyant ou pas. Conséquence, quand des fous tuent au nom de l'islam, une mécanique infernale se met en branle qui postule, comme l'écrivent des universitaires dans une tribune collective publiée dans « le Monde » du 29 septembre, « une culpabilité présumée » des musulmans.