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© InconnuJean-Claude Duvalier
Jean-Claude Duvalier est mort samedi dernier, 4 octobre 2014, à Port-au-Prince. Tout Haïti regrette sa mort, mais pas pour des raisons humaines. Les Haïtiens regrettent que l'ancien Président échappe ainsi définitivement à toute poursuite judiciaire. Les Duvalier (oui, il y en a eu deux) ont en effet été les auteurs d'une des plus sauvages dictatures que le monde ait connues.

Jean-Claude Duvalier a régné pendant 15 ans sur Haïti, de 1971 à 1986, décédé à l'âge de 63 ans, des suites d'un infarctus du myocarde.

Dans son livre « La peste noire », paru en 2006, l'écrivain français Gilbert Bordes a écrit qu'« il suffit de donner un peu de pouvoir à un imbécile pour en faire le plus tyrannique des hommes ». Le livre est un roman, une pure fiction. Mais la pensée, elle, est d'une incroyable lucidité.

Jean-Claude Duvalier a 19 ans lorsque son père, François Duvalier, meurt le 21 avril 1971. Aucun des apparatchiks n'a oublié que quelques années plus tôt, le prévoyant Chef de l'Etat avait annoncé, dans un discours, que « personne ne devait être effrayé à l'idée qu'un Duvalier puisse un jour succéder à un autre Duvalier ».

Mais il ne s'en est pas arrêté là. Il précisera les choses en janvier 1971, trois mois avant sa disparition, lorsque l'Assemblée nationale amendera la Constitution pour lui permettre de désigner son fils, Jean-Claude, comme successeur.

Jean-Claude est donc appelé à prendre le relais. Mais il refuse. Ce travail n'est pas fait pour lui. En effet, le jeune homme a pris très tôt goût à la vie libertine. Tout ce qui l'intéresse, ce sont les voitures de luxe et les belles femmes qu'il collectionne. Devant l'insistance des apparatchiks -qui est d'ailleurs une sorte d'imposition- il s'enferme dans sa chambre et pleure. Sa mère, la terrible maman Simone, force la porte de cette chambre et se met à travailler son fils jusqu'à le rendre raisonnable. Il prête donc serment quelques jours plus tard et est toute de suite surnommé « Baby Doc » , en raison de son âge et sa filiation à « Papa Doc ».

L'illustre géniteur fut en effet Docteur en médecine. François Duvalier inventa même une poudre de perlimpinpin qui, dans les années cinquante, sauva son pays d'une grave épidémie.

Le premier des Duvalier parvient au sommet du pouvoir en 1957. Il est élu grâce à l'important soutien des Noirs qui voient en lui le moyen de lutter contre les élites mulâtres. Mais ils seront très vite désillusionnés car Duvalier impose, d'emblée, une politique extrêmement répressive. Il interdit les partis d'opposition et instaure l'état de siège dès le 2 mai 1958. Le 31 juillet 1958, il reçoit du Parlement l'autorisation de gouverner par décrets.

Pour réussir son action répressive, Duvalier créé une milice paramilitaire, les Volontaires de la Sécurité nationale, surnommés les « tontons macoutes » . Cette milice neutralise l'armée, sème la terreur et la désolation dans les rangs de l'opposition et parvient à étouffer toute résistance. Le 8 avril 1961, « Papa Doc » dissout le Parlement. En réaction, les États-Unis, qui désapprouvent cette décision, suspendent leur aide à ce pays.

Mais les Haïtiens ne se soumettent pas docilement à cette tyrannie. Un premier complot militaire est déjoué le 19 avril 1963. Et, depuis la voisine République dominicaine, des exilés haïtiens tentent plusieurs fois de provoquer un soulèvement populaire. Ces incessantes incursions poussent François Duvalier à renforcer la répression. C'est ainsi qu'il se proclame président à vie en 1964, et engage, avec les tontons macoutes, une campagne sanglante d'assassinats des opposants. Il y a, pour la seule année 1967, 2.000 exécutions.

Sidérée devant une telle cruauté, la Maison Blanche dépêcha à Port-au-Prince un psychologue déguisé en diplomate, afin d'étudier la personnalité de ce personnage aussi étrange que déroutant. L'américain diagnostiqua une psychopathie mégalomaniaque et paranoïaque avancée.

La répression et l'extrême pauvreté dans laquelle le régime Duvalier a maintenu la population ont poussé les Haïtiens à l'exil, à partir de la fin des années 1970, notamment vers la Floride et les Bahamas.

Quelques temps après sa prise de fonction, Jean-Claude Duvalier se révèle être aussi tyrannique que son père. Mais pour y arriver, l'ancien gentleman a dû subir un lavage de cerveau et un martèlement de la part des deux femmes les plus importantes et les plus nocives de sa vie : sa génitrice, que tout le monde appelle « Maman Simone », et son épouse, Michèle, fille d'un des apparatchiks. Mais tout en exerçant ce travail de sape sur leur protégé commun, les deux femmes se détestent mutuellement à mort.

S'étant autoproclamé Président à vie, Duvalier fils dirige ainsi d'une main de fer le pays le plus pauvre du continent américain jusqu'en 1986, lorsqu'un soulèvement populaire a finalement raison de lui.

Jean-Claude trompe la vigilance de tout le monde, même de sa garde dont il n'a plus confiance, quitte sa résidence par une voie détournée et, à bord de sa Mercedes, se rend à l'aéroport où il prend son avion qui l'amène en France. Il restera dans ce pays malgré la protestation des habitants de ce village de la Côte d'Azur où il s'installe.

En janvier 2011, il surprend le monde entier, les Haïtiens en premier, en rentrant à Port-au-Prince.

En 15 ans de pouvoir, « Baby Doc » » est accusé d'avoir détourné 4 millions d'euros. Depuis le mois de février dernier, il était poursuivi par la justice de son pays pour crimes contre l'humanité. Il meurt malheureusement sans avoir eu le temps de répondre des faits lui reprochés.