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Les vautours d'Europe pourraient être sur la même voie que les populations dévastées d'Inde, un premier vautour ayant été recensé comme mort suite à une intoxication avec un médicament similaire.

Un fort déclin des populations de vautours en Inde serait causé par l'utilisation répandue d'un médicament anti-inflammatoire chez les troupeaux de bétail. Les vautours d'Europe pourraient bientôt suivre la même voie que les populations dévastées d'Inde, un premier vautour ayant été recensé comme mort suite à une intoxication avec un médicament similaire. Les vautours d'Inde ont souffert d'une vague de déclin catastrophique depuis les années 1990, les populations de certaines espèces telles que le Gyps indicus ayant chuté de plus de 95%, et étant aujourd'hui considérées comme gravement menacées.

Des scientifiques ont accusé le médicament diclofénac, que les vétérinaires donnent aux animaux fermiers pour traiter des maladies allant de la pneumonie à l'arthrose, mais qui pourrait être mortel pour les vautours qui se nourrissent de leurs carcasses. Les oiseaux seraient particulièrement sensibles à la molécule du médicament.

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La semaine dernière, un article publié dans le journal Conservation Biology soulignait qu'un vautour d'Eurasie de l'espèce Gyps fulvus, avait été retrouvé mort en Espagne en 2012 et souffrait de goutte viscérale grave - un signe classique chez les vautours indiens d'un empoisonnement au diclofénac. Les tests en laboratoire ont montré que les échantillons de foie et de reins contenaient des taux élevés de flunixine, un autre médicament de la même classe que le diclofénac, appelée anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).

C'est la première fois connue qu'un vautour sauvage est tué par des AINS en dehors de l'Asie, d'après Mark Taggart, principal auteur de l'article et chercheur en polluants à l'University of the Highlands and Islands à Thurso, Royaume-Uni. C'est aussi le premier exemple de mort d'un oiseau liée à un AINS différent du diclofénac.

Les chercheurs ont aussi indiqué que cet oiseau mort pourrait n'être que le sommet de l'iceberg en termes de morts de vautours et soulignent qu'il n'a été trouvé que grâce à la transparence du gouvernement local d'Andalousie et aux efforts constants de surveillance de la santé des populations locales de vautours. « Ce dont nous avons besoin maintenant c'est de davantage de recherches pour faire des tests de sécurité sur les rapaces nécrophages » a déclaré Mark Taggart.

D'après la Vulture Conservation Foundation (VCF) à Zurich en Suisse, l'Espagne compte environ 70 000 vautours fauves, 5000 vautours de l'espèce Aegypius monachus, 3 000 vautours égyptiens de l'espèce Neophron percnopterus et 300 vautours de l'espèce Gypaetus barbatus.

Les chercheurs ont prévenu des risques auxquels sont exposés les vautours espagnols à cause du diclofénac. Et Antoni Margalida, un biologiste spécialiste de la conservation de l'Université de Bern en Suisse qui fait des recherches sur les oiseaux nécrophages, est d'accord pour dire que le dernier article montre que les animaux sauvages mangent des animaux qui sont bien traités avec ces médicaments. C'est un élément de controverse dans la mesure où les médicaments ne sont pas censés être utilisés chez les animaux susceptibles d'entrer dans la chaîne alimentaire sauvage. Antoni Margalida souligne que d'autres espèces menacées se nourrissent aussi de charognes, tels que les aigles et les milans. Ce qui était autrefois un risque est désormais « un problème démontré qui nécessite une réponse urgente par les administrations pour interdire dès que possible l'utilisation du diclofénac » a déclaré Antoni Margalida.

L'Agence Européenne pour les Médicaments étudie actuellement la menace posée par le diclofénac pour les vautours européens et devrait prendre une décision d'ici la fin du mois de Novembre. Elle pourrait décider d'interdire l'utilisation du médicament chez le bétail. Les produits contenant du diclofénac ont été approuvés pour un usage vétérinaire chez le bétail d'Espagne seulement l'an dernier, et on ne sait pas avec précision leur niveau d'utilisation.

Les estimations de la VCF suggèrent que si l'usage du diclofénac augmente, le nombre de carcasses contaminées pourrait rapidement atteindre le niveau qui a causé la presque disparition des vautours indiens.