Quoi que l'on veuille penser du referendum sur la souveraineté tenu le 11 mai dans les provinces de Donetsk et Lougansk, en réaction à leur exclusion par le nouveau régime issu du coup d'État du 22 février à Kiev, à sa déclaration de guerre et à l'envoi de l'armée ukrainienne le 12 avril pour expulser leurs populations, son résultat a été largement confirmé par le taux de participation aux élections du 2 novembre.

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Alexander Zakharchenko, le Premier ministre sortant, a remporté les élections à la tête de la République populaire de Donetsk, avec plus de 80 % des voix

Ce taux contraste d'ailleurs singulièrement avec le désintérêt électoral manifesté par la population des zones contrôlées par le nouveau régime kiévien, tant dans les régions de l'ouest (Transcarpathie et Galicie) ayant proclamé leur indépendance que dans les régions de l'est (Kharkov, Dniepropetrovsk et Zaporogie) et du sud (Odessa et Kherson) qui se considèrent occupées et même dans le centre-nord (Kiev), où une fraction importante de la population soutient pourtant la politique pro-germanique et anti-slave, à défaut de vraiment sympathiser avec le nouveau régime qui la mène. Pour caricaturer, le taux d'abstention, le 26 octobre, dans les régions d'ex-Ukraine contrôlées par le BandeReich, ressemble au taux de désintérêt des scrutins parlementaires européens.

A contrario, le taux de participation aux élections parlementaires et présidentielles de Donetsk et Lougansk, le 2 novembre, attesté par les observateurs étrangers, a confirmé la pertinence des nouvelles républiques et l'intérêt des citoyens à leur conférer une légitimité optimale. Quant aux résultats, qui du point de vue politologique sont moins importants que la participation, ils ont manifesté la reconnaissance et la confiance des deux-tiers des votants envers les autorités actuelles, non seulement envers les institutions mais également envers les personnes.

Ces élections n'étaient pas nécessaires, d'une part en raison de la situation d'exception que vivent les régions concernées (constitution institutionnelle en cours, agression militaire extérieure et grave crise humanitaire), comme nous l'écrivions le 10 septembre [1], et d'autre part en raison de leur totale inclusion géographique dans une zone d'opérations militaires, comme le disait Strelkov le 4 octobre. Dans certaines circonstances, la démocratie est un luxe, même pour des peuples européens éduqués. De plus les élections étaient risquées, car les forces armées kiéviennes, qui ont systématiquement détruit les infrastructures vitales (potabilisation d'eau, production et distribution d'électricité, hôpitaux...), puis industrielles (usines chimiques), et ont su viser précisément les écoles le jour de la rentrée scolaire, auraient pu, puisqu'elles n'ont pas appliqué le memorandum de Minsk exigeant le retrait de l'artillerie et des missiles au-delà de leur portée pratique, lancer un pilonnage généralisé ou ponctuel, de nature à empêcher totalement ou du moins décrédibiliser partiellement le scrutin. La raison pour laquelle elles ne l'ont pas fait est inconnue, mais peut être la conséquence de fermes menaces russes.

En tout cas, ces élections ne sont pas tout. Si elles confirment la légitimité populaire et affirment la légalité démocratique des républiques de Donetsk et Lougansk, désormais dotées de parlements et d'exécutifs élus, elles laissent la Novorussie, pour l'instant seulement incarnée en un gouverneur acclamé et une union de parlements, dans le flou politique et institutionnel.

Puisqu'ils ont décidé, et réussi malgré les circonstances, une construction institutionnelle, les gouvernements des républiques de Donetsk et de Lougansk doivent désormais définir les statuts respectifs desdites républiques et de la Novorussie (de toute évidence une confédération), accessoirement décider le mode de désignation de ses représentants (mandataire élu, commission issue des parlements ou secrétariat nommé par les exécutifs par exemple), et surtout déclarer où se situe le siège de la souveraineté et quel est le sujet de droit international (républiques ou confédération).

La Novorussie, une ou unie, existe et a démontré sa légitimité. Il lui reste à se définir et se faire reconnaître.

Note :

[1] Leçons de Minsk : souveraineté internationale et nationale (vineyardsaker, français, 11-10-2014)