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© Inconnu
Imaginez une corporation qui créerait son propre code du travail, qui déciderait des créations d'emplois, qui aurait un régime spécial de retraite, au revenu non imposable, qui pourrait cumuler plusieurs fonctions qui déciderait de travailler ou non et ou la cooptation vaudrait compétence.
Impossible me diriez-vous ! Et pourtant elle existe cette corporation qui bénéficie de privilèges exorbitants. Ce sont nos élus.


Ne comptez pas sur moi pour déclamer la complainte du « tous pourris ». Non, car il existe des élus compétents, qui travaillent, mais qui bénéficient néanmoins des privilèges énoncés ci-dessus par le biais d'un statut voté par leurs ainés au Parlement et sans cesse amélioré au gré de « réformes ».

Le « numérus clausus » régional

Comme dans les professions règlementées, les élus se sont concoctés une règle pour conserver leurs effectifs. Ils la mettent à jour au gré des lois sur l'organisation territoriale. C'est le cas actuellement pour les Régions dont le nombre passe de 22 à 13. Bonne nouvelle me direz-vous : le nombre d'élus en France va donc diminuer ! Eh bien non, car les élus, dans leur « grande sagesse » ont décidé d'appliquer la loi sur la nouvelle carte des régions au 1er janvier 2016, APRÈS les élections régionales de décembre 2015, qui prennent en compte le découpage et consacrent les effectifs actuels. Futé, non ?

A l'occasion de ces élections régionales, nous constaterons sans doute que pas mal de députés socialistes qui anticipent une défaite certaine en 2017 ou en 2015 aux cantonales, vont se positionner en position éligible afin d'assurer leurs fins de mois et surtout éviter de chercher un vrai travail. Car cela vous aura peut-être échappé mais la fin du cumul des mandats votée au Parlement ne sera effective qu'en 2017. Ils ont tout prévu !

Et puis puisqu'on parle de 2017, rappelons également que l'ex Président de la République a déjà annoncé qu'il abrogerait cette loi sur le non cumul des mandats en rétablissant le cumul entre mandat local et mandat national. C'est donc quasiment l'union sacrée entre gauche et droite. On met donc insidieusement une alternance politique avec CDI garantis, à défaut d'une alternance sur les idées, à laquelle plus personne ne croit.

La garantie de l'emploi à vie concerne également les élections départementales

Rappelez-vous la promesse de suppression des Conseils Généraux ! Oublié, battue en brèche par tous, gauche et droite confondue et qui a fait l'objet d'un chantage de la part des radicaux de gauche qui menaçaient de quitter la majorité (on a eu très peur !). On nous parle aujourd'hui d'un statut particulier en fonction du caractère rural ou non du Département et au final, on ne parlerait quasiment plus de suppression. Et quand bien même, l'ex dans sa furie abrogative a déjà prévenu qu'il proposerait la fusion entre conseil régional et conseil départemental, ce qui veut dire qu'on ne supprimera aucun mandat départemental.

Effet induit de ces revirements et promesses, nous aurons le droit à des assemblées pléthoriques. Prenez par exemple la Région Auvergne Rhône Alpes avec ses 204 conseillers régionaux auxquels viendraient se joindre l'ensemble des conseillers généraux des 13 départements qui composent la Région. Il faudra sans doute construire un Zénith dans chaque région pour accueillir les réunions de ces chers élus, sans compter les tours de bureaux nécessaires pour le personnel des cabinets et des services communication qui vont fusionner également. On aura des armées mexicaines. Cela va faire très très cher au bout du compte ! Mais puisque c'est pour votre bien....

Reste le mandat local...

Pas de problème non plus à ce niveau : les élus sont vent debout contre une rationalisation de l'intercommunalité qui viendrait diminuer leurs troupes et les précédentes expériences sont là pour prouver que là également la résistance s'organise. Déjà en 2010, ils n'avaient accepté que du bout des lèvres de supprimer quelques intercommunalités et quelques syndicats et avaient mis comme condition d'attendre 2014 (la fin des mandats municipaux) pour aller jusqu'au bout de leurs mandats.

Et lorsque des regroupements ont eu lieu, comme pour le syndicat de l'énergie dans mon département, tous les élus des anciens syndicats sont invités au festin : ils sont 69 pour gérer cette compétence unique alors que les conseillers généraux ne sont que 53 ! Ajoutez toujours une grosse pincée de fonctionnaires territoriaux pour faire fonctionner le tout et vous aurez une tambouille fiscale indigeste qu'il vous faudra payer.

Pas un élu ne doit rester sur le bord de la route !

C'est le crédo de ces privilégiés qui, tous bords confondus, se refilent les postes entre eux. On serait bienveillant devant cette nouvelle corporation si elle se bornait à parader en costume à l'instar de la confrérie de l'andouille ou du cassoulet, mais derrière le barnum médiatique qu'ils nous servent chaque jour pour dire qu'ils sont indispensables se profile le dernier rond-point ou le dernier aéroport qui fera plus surement d'eux les hommes providentiels d'un territoire que du contribuable un millionnaire et qui relancera l'économie, promis juré.

Ils se protègent en vendant à l'encan les derniers biens publics (les autoroutes) ou concèdent des pans entiers des services publics (eau, construction de bâtiments,...) à des sociétés pour lesquelles l'intérêt des actionnaires est primordial, pour pouvoir continuer à entretenir l'illusion qu'ils « font marcher l'économie ». Ils se serrent donc les coudes. Leurs pratiques, leurs dogmes économiques et fiscaux sont identiques, gauche et droite confondues.

La France, un pays difficile à réformer ?

Vaste fable ! Ce sont avant tout les groupes d'intérêts des élus et des partis politiques et les lobbies qui s'entendent entre eux comme des larrons en foire sur notre dos, parfois de manière éhontée et en tapant dans la caisse, parfois par leur seul silence complice, pour le bien du peuple bien sûr. Les 550 000 élus qui nous gouvernent vont bien et ils vous remercient. A l'occasion, si vous avez la chance d'en croiser un entre deux réunions, deux banquets, la bise à la centenaire ou la remise d'une médaille, faites-lui savoir fermement tout le mal que vous pensez du système dans lequel il évolue.

Cela ne changera sans doute pas les choses, mais cela vous fera du bien.