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© Pierre-Philippe Marcou. AFPDes manifestants effectuent une marche baptisée "Marche pour la dignité" à Madrid afin de protester contre l'austérité, le 29 novembre 2014
Des milliers de personnes sont descendues samedi dans la rue à Madrid, Barcelone et d'autres villes en Espagne pour protester contre l'austérité que la classe politique «corrompue» leur a imposée et la misère qui les frappe encore de plein fouet.

« Du pain, un toit, un travail » : une grande banderole a été déployée par les manifestants près du musée du Padro à Madrid. Ils marchent en direction du centre à l'appel de syndicats, partis de gauche, plateformes citoyennes et collectifs de défense des services publics notamment. « Ni chômage ni exil ni précarité. Marchons, marchons pour la dignité », ou encore « Si se puede, si se puede! » (Oui, c'est possible !), scande la foule en écho au « Yes we can » de Barack Obama en 2008.

« C'est quoi cet oiseau ? » demande une fillette en montrant du doigt un grand volatile fabriqué avec des sacs en plastique. « Un, corbeau, non, un vautour », répond la mère. « Comme les politiques? », interroge la petite.

Le vautour est porté par Agustin Carretero, 41 ans, qui a la chance d'avoir un travail au sein d'un service d'assistance clients. Pour lui, le problème c'est le toit. Il vit dans un appartement de 50 mètres carrés avec deux enfants de six et huit ans, pour un loyer d'environ 500 euros. Son logement, de type HLM, a été vendu à un promoteur et en 2018 il n'aura plus le choix: soit il l'achète 140.000 euros, soit il s'en va, raconte-t-il. Ils sont plus de 2.300 dans son cas. « Le promoteur les a achetés en moyenne 60.000 euros et maintenant il veut les vendre le double ou le triple à ceux qui sont dedans », s'insurge-t-il.

Près de 23,7% des Espagnols sont au chômage, soit quelque 5,4 millions de personnes et ce même si la croissance devrait atteindre 1,3% en 2014, « la plus forte de la zone euro », selon le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy, au pouvoir depuis fin 2011.

Marre de ces gouvernements

« Ce que raconte le gouvernement c'est de la propagande. La crise se poursuit. On continue à imposer des coupes claires dans la santé, l'éducation (...) », explique Carlos, 48 ans, dénonçant le plan d'austérité qui doit déboucher sur 150 milliards d'euros d'économie fin 2014. Pour cet agent administratif au chômage depuis un an et demi, en fin de droits dans cinq mois, les journées s'écoulent « entre CV et CV, dans le combat ».

« Je suis enseignante en philologie anglaise, j'ai des diplômes en éducation dans le primaire, éducation physique, mais je suis au chômage depuis deux ans et je n'ai plus aucune aide », témoigne Yolanda Garcia, 42 ans. « Mon ex-mari a dû venir vivre avec moi pour éviter que l'on nous expulse », car il participe au paiement du crédit, explique cette mère de deux enfants. « Un pays ne peut subir les conséquences d'une équipe de corrompus », ajoute-t-elle alors que depuis début octobre deux nouveaux scandales de corruption, touchant la droite et la gauche, ont éclaté.

Le premier concerne de cartes bancaires du groupe Bankia sauvé de la faillite et dont ont profité des dizaines de personnalités, y compris syndicales, sans rien déclarer au fisc. Le deuxième porte sur des marchés publics truqués, principalement dans la région de Madrid.

« On en a marre de ces gouvernements », national comme régional, se plaint, à Barcelone, Francisco Crespín, retraité de 73 ans qui a manifesté avec quelque 2.000 autres personnes. « C'est pas juste que l'on expulse les gens alors que l'on sauve les banques », souligne-t-il. « Il faut changer cette situation de fond en comble. Et l'an prochain nous en aurons l'occasion », promet-il en évoquant les législatives de 2015 pour lesquelles le nouveau parti antilibéral Podemos est en tête selon deux sondages.

Sur 46,5 millions d'habitants plus de cinq ont été assistés par la Croix-Rouge, qui estime que 84% sont menacés par la pauvreté.