Une enseignante du Campus des métiers et de l'entreprise, un centre de formation professionnelle de Bobigny, qui accueille 1 500 apprentis de 16 à 21 ans, a été mise à pied, jeudi 15 janvier dans l'après-midi, par le responsable de l'établissement. Une mesure conservatoire, « en accord avec la préfecture de la Seine-Saint-Denis », a précisé au Monde son président, Patrick Toulmet, et qui fait suite à des propos complotistes et haineux qu'aurait tenus la jeune femme à des élèves de baccalauréat professionnel, lundi 12 janvier, au sujet des deux attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher à la porte de Vincennes.

Mardi 13 janvier, le responsable de l'établissement est averti par un parent d'élève de l'étrange tournure prise par le débat organisé dans la classe d'une enseignante, H. M., au lendemain des grandes manifestations qui ont réuni plus de 4 millions de personnes en France.

Mme M. avait choisi de consacrer la plus grande partie de son cours de « droit, économie dans la formation de vente » à une discussion sur l'assassinat par trois djihadistes de dix-sept personnes quelques jours auparavant. Sidéré par ces propos, un de ses élèves l'enregistre avec son téléphone portable au bout de quelques minutes. Ce qu'elle ignore. L'élève en retranscrit quelques extraits, que sa mère adresse dès le lendemain à l'établissement, avec une copie de la bande-son.

« Le flic soi-disant mort »

Dans ces documents, également transmis au rectorat, Mme M. relaie sans complexe les thèses complotistes qui font déjà florès sur nombre de réseaux sociaux. Parlant à ses élèves du policier tué après l'assaut contre Charlie Hebdo, Mme M. évoque « le flic soi-disant mort ». Elle ajoute qu'« on n'a pas vu les corps des journalistes ».

« Vous trouvez pas ça bizarre qu'il en manquait un à leur réunion ? », interroge l'enseignante en évoquant la conférence de rédaction de l'hebdomadaire satirique. « C'est un business, un coup d'Etat pour supprimer la religion musulmane, continue-t-elle. Ils ont eu le temps de monter un sketch. » Elle explique à ses élèves que les prophètes « ont été salis par les représentations de vieux hommes moches avec du bide », et se fait prosélyte pour expliquer que « la religion musulmane autorise de tuer pour défendre [sa] religion ».

Convoquée jeudi après-midi par la direction du centre de formation professionnelle, Mme M. a nié avoir tenu de tels propos, avant d'apprendre qu'elle avait été enregistrée et de se voir mise à pied. « Je suis formel, j'ai reconnu la voix de Mme M., ses intonations, sa diction, comme celles des élèves, assure Yann Dubosc, le secrétaire général de l'établissement. M. Toulmet et moi avons préféré prendre nos responsabilités avant même que notre conseil de discipline ne tranche l'affaire et que, le cas échéant, la justice s'en occupe. »

L'enseignante, fonctionnaire à statut spécifique, risque la radiation. Saisi par la famille de l'élève, le rectorat n'a pas encore contacté l'établissement, mais le président du Campus, M. Toulmet, a d'ores et déjà été convoqué au commissariat.